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Perspectives électorales : l’échiquier mondial en 2024

Auteur·e·s

Sophie Gagnon

Publié le :

8 avril 2024

Cette année marquera un tournant politique significatif. Pour la première fois depuis la création du suffrage universel en 1792, plus de la moitié de la population mondiale sera appelée aux urnes d’ici la fin de l’année. Des élections auront lieu dans 71 des 193 États, rassemblant plus de 4 milliards de citoyens à travers le monde (1). Les conclusions auront des répercussions importantes sur des questions cruciales telles que le respect des droits fondamentaux, la lutte contre les changements climatiques et la gestion des crises migratoires. Fondamentalement, tous ces aspects convergent vers un enjeu central : la préservation de la démocratie face à l'essor de l'extrême droite et des mouvements populistes. En politique, comme aux échecs, chaque décision façonne l'avenir, et chaque mouvement compte.

En politique, comme aux échecs, chaque décision façonne l'avenir, et chaque mouvement compte.

Afrique


Sénégal. Initialement prévue pour le mois de février, l’élection présidentielle fut reportée au mois de mars par le président sortant, Macky Sall. Cette décision suivait le départ forcé des élus de l’opposition, permettant a Sall de faire adopter à la quasi-unanimité un projet de loi reportant le scrutin. Après des semaines d’agitation, le scrutin s’est déroulé sans incident majeur. Pour sa part, le nouveau président élu, M. Faye, fut libéré après seulement 11 mois de détention, à peine 10 jours avant la tenue du scrutin, ayant bénéficié d’une loi d'amnistie. M. Faye se veut le « candidat d’un changement de système », promettant de lutter contre la corruption et de mieux répartir les ressources à travers le pays. Le Sénégal a toujours été considéré comme un symbole de stabilité en Afrique de l’Ouest, n’ayant jamais subi de coup d’État, une rareté sur le continent africain (2).


Mali. La junte au pouvoir, dirigée par le colonel Assimi Goïta, a annoncé le report de la présidentielle, initialement prévue en février 2024. Après avoir orchestré des coups d'État successifs en août 2020 et mai 2021, il s'agit d'un nouvel ajournement des engagements pris sous la pression de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en prévision d'un transfert du pouvoir visant à rétablir un gouvernement civil démocratique. Malgré les assurances répétées quant à la tenue des élections, aucune nouvelle date n'a été précisée, l’intention étant de maintenir indéfiniment un gouvernement militaire. Depuis la prise du pouvoir par les colonels maliens, de nombreux coups d’État militaires se sont succédés en Afrique de l’Ouest, notamment au Niger et au Burkina Faso (3).


Europe


Union européenne. L'UE organise des élections permettant aux citoyen.e.s européen.es de désigner les 720 représentants parlementaires. Basée à Strasbourg, il s’agit de l’unique assemblée transnationale élue directement, une singularité en son genre. Depuis 2014, un.e président.e de la Commission européenne est également choisi.e en fonction du parti obtenant le plus de sièges. Ces élections détermineront le poids de chaque force politique dans le futur hémicycle européen. Avec l'importance croissante des enjeux environnementaux et migratoires, les résultats ont une importance encore plus significative. De plus, le Parlement joue un rôle essentiel dans la promotion de valeurs fondamentales comme la démocratie, l’égalité, la liberté et le respect des droits des personnes (4).


Ukraine. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a exclu la possibilité d'organiser des élections présidentielles dans le pays, cherchant à mettre fin à un débat de plus en plus épineux parmi les dirigeants, après plus d'un an et demi d'invasion russe. Néanmoins, la situation actuelle confronte le gouvernement à un dilemme complexe. Malgré les pressions de ses alliés occidentaux, notamment les États-Unis, pour organiser des élections démocratiques cette année, l'Ukraine doit aussi considérer le climat actuel qui milite en faveur d’un report des élections, soit l’occupation de près de 20% de leur territoire par les Russes et l’émigration de millions d’ukrainiens à l’étranger. De plus, pour permettre l'organisation d’un scrutin malgré la loi martiale en vigueur, il serait nécessaire de modifier la législation (5).


Russie. Dans un contexte de répression systématique de toute contestation du pouvoir en Russie, la réélection du président sortant, Vladimir Poutine, lors du scrutin organisé du 15 au 17 mars, ne fut pas une surprise. Son seul opposant, Boris Nadejdine, s’est vu refuser sa candidature par le Kremlin. Dans ce contexte, il était peu probable qu'un détracteur du régime totalitaire en place soit en mesure de se présenter comme candidat aux élections; les autorités ayant depuis longtemps étouffé toute opposition. En outre, cette répression s’est intensifiée avec l'offensive en Ukraine. Effectivement, tous ses opposants notables, comme le militant feu Alexeï Navalny, ont été contraints à l'exil ou incarcérés. Cette élection muselée est un exemple flagrant du système autocratique en place en Russie (6).


Asie


Inde. Au cours des mois d’avril et mai, plus de 800 millions d'électeurs seront appelés aux urnes. Le résultat de cette élection déterminera si un troisième mandat sera accordé à Narendra Modi, Premier ministre depuis 2014 et membre du Parti du peuple indien. Il s’agit du plus grand exercice démocratique au monde. Bien qu'il bénéficie d'un fort soutien, son mandat n'est pas exempt de critiques. En effet, certains l'accusent de violer la constitution laïque en favorisant les hindous et de propager la haine envers les musulmans. D’ailleurs, la Loi sur la citoyenneté, nouvellement amendée et qui base désormais la citoyenneté sur la religion, exclut les musulmans. Selon Human Rights Watch, « la nouvelle Loi sur la citoyenneté constitue une violation de l’obligation internationale de l’Inde d'empêcher le déni de citoyenneté sur la base de la race, de la couleur de la peau, de la parenté ou de l’origine nationale ou ethnique ». On lui reproche également de harceler ses opposants ainsi que les médias critiques de son parti. Il n’est donc pas surprenant que l'Inde ait chuté dans le classement international mesurant le respect des libertés démocratiques (7).


Taiwan. Le 13 janvier, les élections présidentielles ont eu lieu à Taiwan. Dans un contexte marqué par de fortes pressions militaires de la part de la République populaire de Chine, Pékin présente ce scrutin comme un choix entre la paix et la guerre. Malgré ce climat tendu, marqué par la désinformation et la coercition économique et militaire, les électeurs n'ont pas été dissuadés de voter, comme en témoigne le taux de participation de 71,8%. Dans cette élection à un seul tour, c’est le vice-président sortant, Lai Ching-te du Parti démocrate progressiste qui a remporté le scrutin à une majorité de 40,5% (9).  Lai, qui a longtemps fait face à la colère de Pékin pour avoir défendu la souveraineté de Taïwan, maintient sa position et s’engage à poursuivre un dialogue avec la Chine selon les principes de dignité et de parité. En revanche, la Chine maintient son discours selon lequel Taiwan est l’une de ses provinces à réunifier. Cette élection aura des répercussions au-delà de l’Asie, le conflit Taiwan-Chine étant le principal différend entre les États-Unis et le pays communiste (8).


Amérique


Mexique. Il s’agit d’un duel historique et d’une élection sans précédent : pour la première fois, une femme sera élue présidente. Les deux candidates, Claudia Sheinbaum et Xochitl Galvez, détiennent la grande majorité des intentions de vote. Toutes deux ingénieures de formation et militantes sur des questions cruciales telles que le climat et la représentation des populations autochtones, respectivement. La présidente élue sera immédiatement confrontée à des enjeux de grande envergure comme les affrontements entre les membres de gangs et la police, le Mexique étant désormais reconnu comme l’un des pays les plus dangereux pour les civils. En outre, l’impunité est répandue et s’élève à 93% selon les calculs de l’ONG « Impunidad Cero » (Impunité Zéro). La corruption est également en hausse et nombreux sont les fonctionnaires qui s’enrichissent sur le dos de l’appareil étatique et ses citoyen.es. Il va sans dire qu’il s’agit d'une élection qui aura un impact majeur sur les politiques nationales du pays (10).


États-Unis. Il s’agit de l’élection présidentielle la plus anticipée cette année. Le président sortant, Joe Biden, et son prédécesseur, Donald Trump, font tous deux partie de la course. Si Donald Trump, en tête des primaires républicaines, perd une fois de plus face au président Joe Biden, il est probable qu'il dénonce des fraudes massives et lance des campagnes d'intimidation généralisées contre les agents électoraux et les fonctionnaires. Les États-Unis pourraient également faire face à une crise politique sans précédent si M. Trump est incarcéré dans l'une des nombreuses affaires pour lesquelles il est poursuivi. Joe Biden présente sa campagne comme une lutte pour sauver la démocratie d'une nouvelle présidence Trump, dont les partisans ont pris d'assaut le Capitole le 6 janvier 2021, dans l'espoir d'empêcher la certification de la victoire de M. Biden. En cas de défaite, Joe Biden devra accepter les résultats. Cependant, de nombreux démocrates contesteront probablement la légitimité du magnat de l'immobilier et certains refuseront de confirmer sa victoire, invoquant l'interdiction constitutionnelle pour toute personne ayant « participé à une insurrection » d'entrer en fonction (11).


Ces illustrations soulignent l’importance de l’exercice démocratique. Cette responsabilité qui nous incombe doit donc se reposer sur une réflexion informée et approfondie ; son importance ne pourrait être sous-estimée. Dans cette optique, il est impératif de rester informé des enjeux qui nous concernent, qu'ils nous touchent de près ou de loin. À une échelle plus restreinte, l'exercice du droit de vote revêt une importance tout aussi cruciale au sein de la faculté. Que ce soit pour élire un conseil d'administration ou pour voter sur des règlements internes, il est essentiel d'en faire une priorité. Ce faisant, reconnaissons la chance que nous avons de pouvoir exercer ce droit fondamental sans crainte de représailles et de façon démocratique. Enfin, il sera primordial pour tous les citoyen.ne.s canadien.ne.s de voter aux prochaines élections fédérales, en 2025.

  1. TIME. “Elections around the World in 2024”. Elections Around the World in 2024 | TIME

  2. Radio-Canada. « Sénégal : Diomaye Faye, candidat de la « rupture », rassure les partenaires étrangers ». Sénégal : Diomaye Faye, candidat de la « rupture », rassure les partenaires étrangers | Radio-Canada

  3. Africa Center. « Élections au Mali ». Mali: 4 février – Centre d’Études Stratégiques de l’Afrique

  4. Euronews. « Tout ce qu'il faut savoir : Votre guide des élections européennes 2024 ». Tout ce qu'il faut savoir : votre guide des élections européennes 2024 | Euronews

  5. Radio-Canada.  « Zelensky : Les élections en Ukraine malgré la guerre avec la Russie ». Volodymyr Zelensky ferme la porte à de potentielles élections en Ukraine, en 2024

  6. Radio-Canada.  « Poutine se porte candidat à l'élection présidentielle de mars 2024 ». Poutine sera candidat à la présidentielle russe de mars 2024 | Radio-Canada

  7. Human Rights Watch. « Inde : La nouvelle loi sur la citoyenneté déclenche des manifestations et des affrontements ». Inde : La nouvelle loi sur la citoyenneté déclenche manifestations et affrontements | Human Rights Watch

  8. Radio-Canada. « Élections à Taïwan : Les enjeux face à la Chine et aux États-Unis ». Taïwan : l’élection qui aura des impacts à l’échelle de la planète | Radio-Canada

  9. CNN. « Profil : Lai Ching-te, nouveau président de Taïwan ». Who is Lai Ching-te, Taiwan’s new leader and why does China dislike him? | CNN

  10. Radio-Canada. « Élections au Mexique : La violence politique contre Sheinbaum ». Élections au Mexique : duel inédit entre deux femmes | Radio-Canada

11. Eurasia Group. « Risque 1 : Les États-Unis contre eux-mêmes ». The United States vs. itself: Eurasia Group's #1 Top Risk of 2024


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