Cette année scolaire fut une année chargée à l’international pour les procès VACS. En pleine crise antiféministe, où les droits sont en recul, des avocats et surtout des avocates se battent pour une punition des crimes de violences de genre et de violences à caractère sexuel. En cette fin d’année scolaire, je vous propose un petit récapitulatif des affaires pertinentes. À noter que je reprends des extraits des publications Instagram du Comité juridique contre les VCS.
« hors norme par sa durée, le nombre d’accusés, mais surtout l’atrocité des faits reprochés »
Le procès Pélicot
Il est impossible de ne pas débuter cet article en n’abordant pas le procès Pélicot. Le procès Pélicot, ou le procès des violeurs de Marzan s’est ouvert en septembre 2024. Une rentrée joyeuse ! C’est celui de Dominique Pélicot, qui a drogué sa femme sans remords pendant 10 ans, afin que des dizaines d’hommes puissent abuser d’elle sexuellement. C’est le procès de 51 hommes, âgés de 26 à 74 ans, étant accusés de viols aggravés. Recrutés sur un site Internet par le mari sous la rubrique « à son insu », tous les accusés habitaient dans la petite ville de Mazan et profitaient de la soumission chimique de madame Gisèle Pélicot, et ce, dans son propre domicile. C’est l’un des premiers procès abordant de la soumission chimique, soit « l’administration à des fins criminelles (viols) ou délictuelles (violences, vols) de substances psychoactives à l’insu de la victime ou sous la menace. »
Après 50 ans de vie commune, madame Pélicot ne se doute pas de ce que lui fait subir son mari. Sa fille, Caroline Darian, raconte que sa mère présentait des pertes de mémoires et absence que « le corps médical n’a pas eu la capacité de détecter le problème et ma mère s’est trouvée en errance thérapeutique ». Depuis plusieurs années, elle appelle à l’action à travers son association #M’endorsPas. Elle-même a déposé une plainte contre son père ce mois-ci.
L’enjeu central du procès, c’est le consentement : il n’existe pas de notion de consentement quant au viol en droit pénal français. La victime doit démontrer que l’usage de la violence, contrainte, menace ou surprise pour faire tomber la présomption de consentement.
Le résultat est tombé en décembre : l’ensemble des accusés sont condamnés, à différents niveaux de gravité et différentes peines, mais bien tous condamnés sans exception. Les peines, pour la majorité des coaccusés, sont plutôt basses : elles vont de 3 à 15 ans d’emprisonnement. Quant à lui, Monsieur Pélicot est condamné à 20 ans d’emprisonnement et ne fera pas appel, contrairement à 17 des accusés. C’est la peine maximale qu’il aurait pu avoir, et à 72 ans, c’est probablement le restant de ses jours qui l’attendent en prison. Pour reprendre le Devoir, le procès est hors norme : « hors norme par sa durée, le nombre d’accusés, mais surtout l’atrocité des faits reprochés ».
Le procès du violeur de Tinder
13 victimes, 1 modus operandi, et, encore une fois, des faits reprochés horribles. Horrible est un mot faible pour définir l’atrocité des choses qu’ont vécues les victimes. Le procès de Samuel Moderie, connu sous le nom du violeur de Tinder suite à un documentaire Netflix, s’est conclu en janvier, ici, au Québec. C’est le procès de la soumission chimique, mais made in Canada. En effet, il n’y avait pas de doutes : suite à des rendez-vous galants, trouvés à travers des applications de rencontre, Moderie droguait ses victimes au Xanax ou au Valium, afin de leur faire commettre les pires atrocités à leur insu. Tout comme dans le procès Pélicot, les victimes n’ont aucun souvenir des faits reprochés. Tout comme le procès Pélicot, la preuve consiste en des photos et vidéos que l’accusé avait réalisées lors de ses agressions. Dans un premier procès, en 2019, il a eu 2 ans d’emprisonnement pour agressions sexuelles et voyeurisme sur une femme. Dans ce procès, il a plaidé coupable à 24 chefs d’accusation. La soumission chimique a été un facteur aggravant : dangereux, cause la mort et pose des séquelles permanentes envers ses victimes. La peine est exemplaire et envoie un message clair de dénonciation : 25 ans de prison, suivis de 10 ans de surveillance étroite et de longue durée.
Le procès Moderie, c’est le procès « record » : peine record, nombre de victimes record, gravité record. Sauf que c’est aussi le second procès de l’année, en français, qui porte sur la soumission chimique. C’est un fléau invisible, peu connu : difficile de savoir si on a été drogué, qui l’a fait, pourquoi, quand et j’en passe. Pourtant, deux procès médiatisés en une année sur le même sujet, avec un modus operandi similaire et une preuve vidéo, cela fait peur. 65 : c’est le nombre de dossiers d’enquête entre le 1er janvier et le 31 juillet 2021 par le SPVM sur le sujet de la drogue du violeur — un autre qualificatif de la soumission chimique. C’est troublant, pénalisé, et proche de nous. Il nous faudrait une solution « record » : une solution rapide, rassurante, efficace. Difficile de savoir si c’est possible.
Le procès Rozon
Les Courageuses : c’est le nom du groupe ayant déposé une action collective au nom des victimes de Gilbert Rozon. Même si l’action collective n’a pas pu aller de l’avant en tant qu’action collective, le procès civil opposant neuf d’entre elles à Rozon s’est ouvert en décembre 2024.
On se rappelle tous.tes de l’affaire Rozon au pénal : c’était au cœur du mouvement #MeToo québécois. C’était un coup d’éclat pour l’industrie culturelle de chez nous : le président du Groupe Juste pour rire, vice-président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, démissionne à la suite de multiples dénonciations en lien avec des allégations d’agressions sexuelles et de harcèlement. La plainte d’Annick Charette, l’une des 14 plaintes reçues par la police à l’encontre de monsieur Rozon a mené à une poursuite au criminel. Bien qu’il ait été acquitté, la juge Mélanie Hébert a quand même tenu à mentionner que, bien que le gouvernement n’a pas réussi à prouver la culpabilité de monsieur hors de tout doute raisonnable, cela ne signifiait pas qu'elle ne croyait pas la victime.
Le procès civil actuel s’est complexifié en raison d’une nouvelle règle de preuve. Le nouvel article 2851.1 du Code civil du Québec encadre les questions admissibles lors des témoignages en matière d’agression sexuelle. Les avocats de la défense doivent démontrer la pertinence des questions lorsqu’elles discutent des habitudes sexuelles et la réputation des demanderesses. La nouvelle disposition, “dont les contours n’ont jamais été débattus”, est donc au cœur de ce nouveau procès.
Il est difficile de savoir quand le procès va se conclure étant donné cette question de preuve. Par contre, il importe de garder un œil ouvert. La saga Rozon ayant débuté en 2017, peut-être finira-t-elle, enfin, cette année ?
Le combat ne fait que commencer, il ne faut pas le laisser prendre fin
Je suis inquiète pour nos voisines américaines, nos cousines palestiniennes, nos amies congolaises… J’en passe. Il est évident que les procès en cours, ainsi que ceux à venir à travers le monde, concernant les violences, ont le pouvoir de rendre un peu de justice à de nombreuses femmes et personnes vulnérables. Être au courant de l’actualité est une tâche lourde, même asphyxiante. Mais elle est importante. Cruciale. Ici, au Québec, le paysage légal et politique en lien avec cet enjeu change tous les jours. C’est pareil à l’international. Sans vouloir essentialiser le combat des femmes et des victimes de violences à caractère sexuel, on peut s’y intéresser. Une fois qu’on s’y intéresse, on peut les soutenir. Peut-être même — pour ne pas dire probablement — que cela va nous aider à comprendre les combats des femmes d’ici. La solution juridique existe déjà, mais j’aimerais ajouter deux éléments pertinents pour notre réflexion.
Comme il a été mentionné dans mon cours de Pénologie, ce n’est pas la gravité de la peine qui mène à une diminution du crime, mais la possibilité importante d’être reconnu coupable et de vivre ces conséquences. Pas besoin de dire que peu de violeurs ont été reconnus coupables de leurs crimes.
Il est nécessaire qu'une véritable conséquence sociétale soit mise en place concernant la responsabilité des hommes… À la suite de la sortie de la série Adolescence sur Netflix, qui raconte l’histoire d’un garçon de 13 ans ayant assassiné sa camarade du même âge, mais qui explore avant tout les conséquences de l’influence de la manosphère chez les jeunes garçons, de nombreuses discussions ont enfin eu lieu... Une des réactions, qui a suscité mon intérêt, est le fait que la misogynie est un enjeu, en premier, sociologique et sociétal. Donc, la conséquence en réponse à la misogynie doit, elle aussi, être sociétale. En plus des conséquences juridiques, il doit y avoir une conséquence sociétale qui ne provient pas forcément des femmes. Elle doit provenir aussi de leurs amis, de leurs pères ou de leurs cousins. L’approbation chez les personnes que l’on admire et que l’on aime est décisive. Si la haine, le dégoût et le désir d’humilier les femmes sont si omniprésents, et que l’on demeure dans cette vision binaire, la réaction des hommes doit être à la hauteur de ces enjeux.
Oui, le combat pour l’égalité et la justice doit être fait par tous.tes : c’est l’affaire de tous. Pourtant, trop peu d’hommes, qu’ils détiennent du pouvoir ou non, prennent part à cette lutte. S’il vous plaît, impliquez-vous, il en va de notre avenir commun.