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Vivre la COP15 : perspective d’une étudiante en droit

Auteur·e·s

Elsa Jutras-Vigneault

Publié le :

2 février 2023

Il y a quelques semaines, j’ai eu l’opportunité de prendre part à la COP15 sur la biodiversité qui se tenait au palais des congrès à Montréal. Plusieurs d’entre vous ont probablement entendu parler de cet événement d’envergure qui avait pour but d’ériger un cadre solide pour mieux préserver et protéger la biodiversité à l'échelle internationale.

La conférence internationale n’a pas le caractère si exclusif qu’on lui attribue généralement alors que tous⋅tes se voient accorder une place en séances de plénière. Même si je ne suis pas spécialiste de la biodiversité, j’ai pu accéder aux plus hauts segments et assister en direct aux moments cruciaux menant à l’adoption des résolutions.

Dès que j’ai su que j’allais pouvoir assister à cette conférence, je savais que je voulais rédiger un article sur mon expérience. Voir l’événement se déployer sous mes yeux m’a permis d’être confrontée à une perspective différente de celle qui est véhiculée dans les médias quant à l’état des négociations. Je me suis présentée là-bas avec une vive anticipation, mais aussi une certaine conviction que j’allais me sentir submergée par l’ampleur de l’événement et sous-qualifiée pour comprendre les subtilités des débats. Et je n’avais pas tort. Participer à une conférence d’une telle nature alors que je connaissais peu les lois régissant le sujet complexe de la biodiversité était intimidant. Néanmoins, être témoin, en personne, des prises de décisions entre haut⋅e⋅s diplomates en environnement était fascinant et a certainement assouvi ma curiosité de juriste en devenir. Même si le protocole des débats ressemblait à ce que j’avais originellement en tête, l’événement a eu de quoi me surprendre à de nombreux niveaux. J’ai beaucoup appris et j’ai aussi été en mesure de me forger une opinion plus claire sur les critiques souvent véhiculées à l’égard de telles conférences.


Une conférence qui n’est pas réservée aux diplomates

Contrairement à ce que plusieurs peuvent croire, des organisations non gouvernementales et des groupes activistes étaient non seulement présents à l’événement, mais pouvaient également, dans certains cas, influencer les ententes qui se faisaient en salles closes. Plusieurs États avaient choisi d’intégrer dans leur équipe de représentant⋅e⋅s des consultant⋅e⋅s provenant d’organisations ayant une expertise précise dans le domaine. Ces dernier⋅ère⋅s pouvaient jouer un rôle clé dans la stratégie de négociation et dans l’établissement de nouvelles politiques environnementales. Il faut concevoir la COP comme un rassemblement de hauts dignitaires des États, mais aussi de chercheur⋅euse⋅s, de journalistes et d’étudiants qui ajoutent chacun à l’expérience globale de la COP. La conférence internationale n’a pas le caractère si exclusif qu’on lui attribue généralement alors que tous⋅tes se voient accorder une place en séances de plénière. Même si je ne suis pas spécialiste de la biodiversité, j’ai pu accéder aux plus hauts segments et assister en direct aux moments cruciaux menant à l’adoption des résolutions.


La COP15 : une sphère de discussions et de bouillonnement d’idées

Lorsqu’on pense à une conférence internationale, on songe immédiatement à des diplomates en habit qui discutent de façon protocolaire dans une grande salle. Cette image n’est pas totalement fausse. Toutefois, ce que plusieurs ignorent, c’est que pendant que se déroulent ces débats, une panoplie d’autres activités, panels et zones d’échange sont accessibles. Cette portion de la COP est, quant à moi, toute aussi importante que la conférence centrale.


J’ai par exemple assisté à un panel en espagnol sur la protection de la biodiversité en Patagonie. Le maire d’une petite municipalité est venu nous sensibiliser sur l’importance qu’avait la préservation de nombreux fleuves sur le développement économique de son village qui survit principalement grâce au secteur touristique. De tels événements de plus petite envergure permettent de garder en tête que, bien que des décisions d'ordre international soient nécessaires pour faire progresser la cause environnementale, l’action municipale ou régionale est également primordiale. Tandis que les États discutent de l’avenir de la planète, les communautés locales, les organismes à but non lucratif et les sociétés civiles partagent au cours de la COP les mesures bénéfiques qu’elles mettent déjà en place.


L’envers de la critique

Lorsque j’étais à la COP, j’ai beaucoup entendu parler sur les médias sociaux de l’hypocrisie de l’événement dans son ensemble, de son caractère inutile et fallacieux. Plusieurs sont sortis dans les rues pour décrier l’énergie et les coûts investis dans une conférence dont le but unique est de permettre aux gouvernements de faire bonne figure. Quand on voit la quantité de gens qui prennent part aux panels et discussions parallèles, on comprend qu’il s’agit là d’une généralisation.


Il peut être facile de dire que les décisions qui émanent d’une COP finissent par manquer d’ambition ou être des promesses inatteignables, mais il faut aussi souligner toutes les discussions positives et inspirantes qui se déploient en marge des plénières. C’est là qu’on peut constater les progrès de communautés diverses et les solutions qu’elles mettent en œuvre pour faire avancer les choses. Il faut voir la COP comme une plateforme permettant de cibler les failles et les priorités en matière environnementale et de célébrer les projets positifs déjà entrepris.


Des prises de décision lentes, mais nécessaires

En ce qui a trait aux plénières où se rassemblent les différentes délégations, il est vrai que les débats sont longs et qu’il faut s’armer de patience. On s’éternise parfois sur des détails formels que plusieurs considéreraient comme fastidieux. Le problème réside aussi dans le langage employé, qui est à ce point technique que le profane peut se sentir complètement exclu du processus, alors que pourtant les conclusions qui en ressortent vont le concerner. Ces éléments sont source de frustration tout à fait légitime.


Peut-être suis-je une éternelle optimiste, mais j’estime que l’on peut malgré tout retenir à plusieurs égards quelque chose de positif de la COP15. Non seulement le document qui en est ressorti élabore un plan d’action prometteur, mais la COP15 a aussi pu nous rappeler les efforts de tous⋅tes ceux et celles qui travaillent sur le terrain à insuffler un vent de changement. Je trouve donc inapproprié de percevoir la COP comme un événement qui ne fait que détourner l’attention des médias en proposant de longs programmes vides de sens. On peut peut-être faire cette critique quant à la conférence en tant que telle, mais ce serait oublier tous les événements qui se déroulent en parallèle.


Malgré les craintes que les engagements du document final soient illusoires, il demeure quant à moi souhaitable que de telles conférences continuent d’avoir lieu, sans quoi les engagements environnementaux des pays seraient encore plus faibles. Je suis surtout heureuse de savoir que ces événements sont aussi une occasion de donner une voix à ceux et celles qui ont les enjeux environnementaux à cœur. Car il faut se rappeler que si la lutte pour la protection de notre planète doit se faire sur le plan interétatique et gouvernemental, elle doit aussi se faire au niveau local et communautaire.

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