Vins de dépanneur
Auteur·e·s
Nicolas Ducharme et Thomas Dussault
Publié le :
19 avril 2023
Dans le cadre de l’édition du jugement dernier, nous avons été invités à écrire sur la fin sous toutes ses formes. C’est ainsi qu’est venue à nous l’idée de souligner la célébration. C’est connu, la fin attire la célébration : fin de bac, fin d’année, fin de journée, etc. Et, à tort ou à raison, la célébration implique souvent une bonne bouteille de vin! Malgré notre baccalauréat bientôt en poche, d’aucuns diraient qu’on conserve tout de même un portefeuille d’étudiant. Dans cette optique, il n’y a pas lieu de célébrer avec l’espace cellier, mais plutôt avec l’allée des vins cheap de dépanneur qui, vous le verrez, ont de quoi satisfaire petits et grands.
La propriété c’est le vol! » écrivait l’anarchiste Proudhon. Pourtant, toute sa théorie tombe à l’eau quand il s’agit du Revolution Red. Chacun se doit d’être propriétaire d’au moins une bouteille!
Fidèles à nos habitudes, nous nous sommes adonnés à une étude empirique objective et professionnelle afin d'offrir à la communauté étudiante ce qu’elle mérite : la vérité. Certes, une telle dégustation peut avoir pour corollaire un fardeau indu sur le foie des deux auteurs en l’espèce, mais comme dirait Machiavel : l’édition de la fin justifie les moyens. La méthodologie utilisée est simple et fait appel aux cinq sens : analyse visuelle de l’étiquette, appréciation olfactive des arômes, insertion du doux nectar dans notre cavité buccale, puis détermination du fameux facteur « wow », qui permet de capturer les intangibles et les impondérables qu’on retrouve dans un grand cru.
Les auteurs tiennent à remercier chaleureusement l’équipe de dégustation sans qui cet article n’aurait pu voir le jour : Julia Laflamme, Alixe De Varennes, Sophie Poirier, Charles Deslauriers et Guillaume Chabaud-Proulx.
Bù biologique
15,99$, 12,5%
Verdero et Sauvignon blanc
D’entrée de jeu, la qualité de l’apparence esthétique de la bouteille, une étiquette simple mais chic, a créé de très hautes attentes dans notre comité. De même, l’appellation dite « biologique » a attiré notre côté grano de ville. Malheureusement, dès que la première coupe fut versée, toutes nos illusions ont volé en éclats. Le nez évoquait un lendemain de veille douloureux, et en bouche ce n’était guère mieux. On a toutefois su déceler des arômes de pomme verte et de fleurs du printemps. Malgré cela, le goût est très distant et le vin semble coupé à l’eau. Notre suggestion pour l’apprécier dans toute sa grandeur limitée est de le boire dans une deuxième date à domicile où vous aurez pris l’initiative de cuisiner votre plat fétiche, soit des pâtes Alfredo au poulet et au brocoli.
Étiquette : A
Facteur wow : C+
Après-Goût : C+
Nez : A
Rapport qualité-prix : C-
Bouche : C+
Moyenne cumulative pondérée : 2,76 / 4,3
Wallaroo trail
13,29$, 12%
Chardonnay - Sémillon - Colombard
Notre dégustation s’est poursuivie avec le nectar emblématique des contrées australiennes, le Wallaroo Trail. Ce qui frappe avant tout dans ce grand cru, c'est son odeur puissante et particulière. On y a distingué clairement des relents de fromage moisi et de cadavres. Heureusement, au goût, c’est une tout autre histoire, comme quoi l’habit ne fait pas le moine! Ce blanc a une bouche enveloppante et une belle précision dans les saveurs. Les arômes coulent allègrement sur nos papilles comme un long fleuve tranquille. Par la suite, pas de déception après l’ingestion, le Wallaroo a un après-goût mi-sec qui saura vous plaire. Bref, sous un extérieur poreux et malhabile, ce vin révèle une qualité intrinsèque digne des vins de milieu de gamme à la SAQ. Il est parfait à boire dans une soirée entre amis dans un appartement exigu. L’accompagnement suggéré : des pinottes barbecue.
Étiquette : B
Facteur wow : A
Après-goût : A-
Nez : D
Rapport qualité-prix : A
Bouche : A
Moyenne cumulative pondérée : 3,28 / 4,3
Bodacious
12,79$, 11%
Pinot Grigio
Le comité de dégustation était très divisé quant à la note à octroyer pour l’étiquette. Pour cause, elle est des plus singulières. Après un débat houleux et clivant, nous en sommes venus à la conclusion que son architecture visuelle unique et envoûtante donnait envie d’agripper la bouteille au dépanneur. Avec son allure de graphique PowerPoint post-moderne, le Bodacious capte l’attention de tout observateur aguerri. Le nom évoque l’intrépidité et l’audace, tout comme les instructions pour la consommation, sur lesquelles on peut lire : « enlevez vos chaussures, montez le son et remplissez votre verre ». Le comité de dégustation est d’avis que ces paroles renseignent adéquatement sur la qualité du produit.
C’est un vin honnête, la description très succincte à l’endos frappe dans le mille : « vif, facile à boire et rafraîchissant ». C’est exactement ce que vous aurez dans votre coupe, sauf pour le côté vif. Le nez est inexistant et le goût laisse à peine entrevoir quelques accents de miel. D’aucuns diraient que les producteurs ont mis trop d’eau dans leur vin. Admettons qu’il s’agit somme toute d’un vin disons rafraîchissant. Voilà pourquoi le contexte idéal pour s’en servir un verre est durant un pique-nique d’été en plein après-midi de canicule. L’accompagnement suggéré : une baguette et du brie industriel.
Étiquette : A-
Wow factor : A
Après-goût : B
Nez : B-
Rapport qualité-prix : A
Bouche : B
Moyenne cumulative pondérée : 3,40 / 4,3
Keep calm and Laugh - Pinot Grigio
11,39$, 12%
Pinot Grigio
Pour ceux et celles qui connaissent de près ou de loin le comité de dégustation, vous saurez que cette bouteille particulière a une importance sentimentale pour certains, ce qui a suscité des discussions franches et passionnées. Nous vous faisons part de notre verdict, qui en surprendra plusieurs.
Si nous avions à résumer ce vin en un mot, ce serait « acide », le genre de substance qui se mériterait un score de 0 sur l’échelle du pH. Comme a très bien noté Guillaume, membre de l’équipe de dégustation, si nous avions voulu quelque chose d’acide, nous aurions acheté de la limonade! Même l’après-goût assèche, et chaque gorgée nous rapproche incessamment des deux TUMS nécessaires le lendemain. Bref, un voyage sensoriel décevant, surtout considérant nos très hautes attentes pour ce vin qui est véritablement un fait social en soi. En vérité, le produit symbolise le triomphe du capitalisme cannibale sur la petite production vinicole traditionnelle. Elle reste une bonne bouteille à boire dans un wagon azur de la ligne orange. L’accompagnement suggéré : une autre bouteille de Keep Calm (qui sera certainement meilleure que la première).
Étiquette : A-
Facteur wow : B
Après-goût : B-
Nez : C+
Rapport qualité-prix : A
Bouche : C
Moyenne cumulative pondérée : 2,95 / 4,3
Nicolas Laloux - Sec
11,99$ 11%
Colombard- Ugni blanc
Sur le plan du nez, on peut détecter des arômes de sapin et les pieds d’un coureur. En bouche, c’est très banal, une distante présence de fruits blancs, certainement la poire. Il n’y aucun facteur wow. C’est un vin sans histoire, tout le monde connaît le Nicolas Laloux mais peu seraient prêts à le défendre corps et âme. Bref, c’est un vin qui se boit un mercredi soir pluvieux. Il accompagne à merveille un fish and chips.
Étiquette : B+
Facteur wow : C
Après-goût : B
Nez : C+
Rapport qualité-prix : A
Bouche : C
Moyenne cumulative pondérée : 2,82 / 4,3
Revolution Red
14,60$ 13,5%
Cabernet Sauvignon 100% - origine Californie
« La propriété c’est le vol! » écrivait l’anarchiste Proudhon. Pourtant, toute sa théorie tombe à l’eau quand il s’agit du Revolution Red. Chacun se doit d’être propriétaire d’au moins une bouteille! La révolution gustative et olfactive fut certainement au rendez-vous, on a noté très favorablement le facteur wow pour deux raisons principales. D’une part, contrairement à la plupart des rouges offerts au dépanneur, il n’a pas un arrière-goût amer très puissant, celui qui donne un mal de tête. D’autre part, il offre une belle rondeur en bouche avec des arômes de cerise noire et de prunes. Nous proposons d’accompagner ce vin d’un burger maison cuisiné de préférence lors d’un barbecue d’été en banlieue.
Étiquette : A
Facteur wow : A
Après-goût : A
Nez : B+
Rapport qualité-prix : B+
Bouche : A
Moyenne cumulative pondérée : 3,9 / 4,3
Keep calm and thrive
13,29$ 13%
Pinot noir- origine France
Pour le second rouge de cette dégustation, nous avons opté pour un autre membre de la grande famille Keep Calm. Celui-ci porte un nom des plus motivants et nous lance le défi d’avoir l’audace de réaliser la meilleure version de nous-même. Pourtant, il semble avoir de la difficulté à suivre ses propres conseils… C’est un vin acceptable, sans plus, loin du grand cru, mais pas non plus de la mauvaise piquette. Il est très invitant au nez, mais ça se gâte en bouche. C’est le grand défaut des vins rouges de dépanneur, qui n’offrent aucune complexité dans les arômes, très peu de rondeur et un après-goût amer et alcoolisé. Le Keep Calm and Thrive ne fait pas exception à la règle. Nous vous le conseillons comme vin de cuisson pour votre bœuf (ou champignon en respect de la politique de l’AED) bourguignon. Un verre accompagnera bien le plat. Nous contre-indiquons sa consommation en quantité « main lourde », optez plutôt pour un vin blanc ou un vin rouge moins robuste comme le Revolution Red.
Étiquette : A-
Facteur wow : B+
Après-goût : B-
Nez : A
Rapport qualité-prix : B+
Bouche : B-
Moyenne cumulative pondérée : 3,28 / 4,3
Conclusion
En somme, l’objectif derrière la décision de diffuser les faits rapportés dans cet article n’est pas de porter le blâme sur une bouteille de vin en particulier. Nous souhaitons avant tout stimuler une réflexion sur les goûts et arômes qu’on retrouve dans de telles dégustations, sur la qualité de notre vin de dépanneur ainsi que sur les dynamiques sociales implicites qui peuvent parfois avoir une influence démesurée sur les préférences vinicoles des étudiants.
Revolution Red : 3,9 / 4,3
Bodacious : 3,40 / 4,3
Keep calm and thrive : 3,28 / 4,3
Wallaroo trail : 3,28 / 4,3
Keep calm and Laugh - Pinot Grigio : 2,95 / 4,3
Nicolas Laloux - Sec : 2,82 / 4,3
Bù biologique : 2,76 / 4,3