Vent dans les voiles
Auteur·e·s
Aya Alaoui
Publié le :
29 novembre 2024
Ne vous mêlez pas les pinceaux
Je ne prendrais aucune pincette
Le voilier a quitté le port
C’est plutôt le port du voile
Dont portera mon rapport
Femme brimée du choix
Les flots s'enchaînent
La mer l’enchaine
Là où le vent l’emmène
La liberté est sienne
C’est l’histoire d’un voilier
Valsant avec le courant
Sans savoir sur quel pied danser
Navigant au gré du vent
Vingt-et-un coups de l'horloge
La lumière du soleil s’abroge
S’ajourne le souffle du vent
Fut le temps de regagner sa loge
Après vingt-et-un jours en mer
Vint au loin le port
Cap sur le Nord
Hisser les voiles à tribord
Plus que quelques efforts
En vain, t’es in-terdit ici
Voilà ce qu’on lui dit
Refusant de l’admettre sur le périmètre
Admettant que son voile semble compromettre
In-importunée par le regard qui lui est porté
Consciente des portes qui risquent de se refermer
Portant fièrement le voile qui orne son mât
Emportant sa liberté hors de tout tracas
Cabestan contemplant l’horizon
Boussole fixée vers le Nord
Pourquoi divaguer vers des mers délaissées
Renouer des nœuds du passé déjà démêlés
Ne vous mêlez pas les pinceaux
Je ne prendrais aucune pincette
Le voilier a quitté le port
C’est plutôt le port du voile
Dont portera mon rapport
Femme brimée du choix
Voilée démunie de voix
Serrant ce micro,
Ce soir je leur ferais écho
Car, certes, droit de déroger
Mais encore, s’interroger
Avons-nous réellement songé
À ce qui en serait sacrifié
Vingt-et-un marque son appellation
Discrimination appelant l’abolition
Décret se donnant droit d’imposer désarrois
Femmes fatiguées de se faire façonner
Forcées de fuir leurs foi
Mais pourquoi leur porter défaut
Pourquoi condamner ce qui leur est inné
Ça saute au nez, retour des inégalités du passé
Un homme qui légifère pour la femme à nouveau
C’est ça que vous voulez, Monsieur Legault
Demeurer buté à redouter
Celle qui ne fait que porter sa liberté
Craignant sa volonté de se déteindre
Sa pudeur qui leur serait imputée
Alors que c’est elle qui se fait contraindre
Je plaide aujourd’hui ma dissidence
Un ultime appel à l’aide à la Cour suprême
Revendiquant l’intérêt national des plus extrême
Dénonçant une atteinte maximale qui vire à l’outrance
Mais détrompez-vous
Avant que l’on s’acharne
Sachez que j’ai bien lu la Charte
L’article 33 valide de plein droit que l’on déroge
Le vrai coupable n’est pas celui qui assassine
Mais plutôt celui qui lui donne l’arme du crime
Alors je plaide aujourd’hui haut et fort
Au nom de toutes celles,
Qui l’ont porté, le porte ou le porteront
Pour elle, pour toi et j’espère un jour pour moi
Pour ces femmes qui veulent enseigner
Mais l’enseigne leur rit au nez
Pour ces femmes qui veulent soigner
Mais la sanction est une scène ensanglantée
Et quelle horreur pour celle qui rêve d’être procureur
À quoi bon procurer justice à une province qui a condamné
Et pourtant,
Quand courant se proclame
Elle sèche ses larmes
Et prend les rames
Quel bel état dame
Qu’elles étaient belles ces dames
Par contre,
Votre jeu de dames qui vous coûtera la partie
Faire partir ces femmes coûte que coûte
Leur imputer, mais aux final c’est vous que vous amputez
Car un bateau sans équipage prendra l’eau
L’eau sur laquelle navigue le voilier
Voilier à qui on a refusé l’entrée au port
Port du voile opprimé par la loi qui divague
Vague qui emporte la liberté d’une femme
Femme vidée qui finira par lever les voiles