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Une « culture du viol » au hockey?

Auteur·e·s

Sarah-Maude Rousseau

Publié le :

11 octobre 2021

« Deux joueurs des Tigres de Victoriaville dans la LHJMQ, Nicolas Daigle et Massimo Siciliano, ont été accusés d’agression sexuelle sur une jeune fille de 17 ans, mardi, au palais de justice de Québec. » (1) Vous avez probablement vu passer cette nouvelle dans les médias récemment. Les faits se seraient produits à l’hôtel Entourage sur-le-Lac en juin dernier à la suite des célébrations de leur équipe, qui venait de remporter la Coupe du Président, remise à l’équipe championne de la LHJMQ. Une belle démonstration de comment réduire un succès à néant en une soirée. En effet, à la suite du tonnerre causé par le repêchage de Logan Mailloux tout récemment, je serais très surprise de voir des équipes ne serait-ce que considérer d’offrir un avenir à ces joueurs au sein de la LNH.

Loin de défendre les gestes que Mailloux a posés, je crois profondément que chaque criminel mérite de recevoir de l’aide afin de devenir une meilleure personne; il faut cependant que ce dernier souhaite être aidé, sinon c’est peine perdue.

Si beaucoup de gens se disent inquiets et révoltés par la « culture de la violence » au hockey, qui se traduit principalement par des bagarres à coups de poing pendant les matchs, je crois qu’il se cache ici un problème peut-être encore plus pressant à régler : la « culture du viol » au sein du hockey. Rassurez-vous, je ne suis pas en train de généraliser, loin de là, mais on ne peut ignorer le fait que les cas d’agressions sexuelles et de partage de photos intimes se font de plus en plus nombreux, et surtout qu’ils font de plus en plus écho dans notre société. Roxanne Ocampo, du Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, a d’ailleurs dit cette semaine que le cas des joueurs des Tigres de Victoriaville est une démonstration que le monde du sport, ici le hockey junior majeur, n’est pas à l’abri de la culture du viol. (2)


Revenons sur l’affaire Logan Mailloux, ce jeune espoir du hockey qui a renoncé à être repêché après avoir été reconnu coupable, en Suède, de « photographie choquante constituant une invasion de la vie privée » et de diffamation. (3) Il avait, en novembre 2020, partagé une photo de nature sexuelle d’une femme aux membres de l’équipe de hockey au sein de laquelle il jouait en Suède. Que ne fut pas la surprise de tous quand le Canadien de Montréal a décidé de choisir Mailloux, malgré son « abstention », comme choix de première ronde au repêchage. Vous souvenez-vous du mot qu’on entendait et lisait partout dans les jours suivant cette annonce?  « Inconfort ». St-Hubert, Desjardins, La Cage, Jean Coutu, Justin Trudeau, journalistes, personnalités publiques : tout le monde était inconfortable. Je dois avouer que j’ai aussi, comme tout le monde, été surprise à la suite de l’annonce du repêchage de Mailloux. Je me rappelle m’être dit à moi-même : « ah ben, drôle de décision ». Cependant, après y avoir réfléchi, j’en suis venue à la conclusion que je respectais ce choix du Canadien et que Mailloux méritait une seconde chance. Voici pourquoi.


Loin de défendre les gestes que Mailloux a posés, je crois profondément que chaque criminel mérite de recevoir de l’aide afin de devenir une meilleure personne; il faut cependant que ce dernier souhaite être aidé, sinon c’est peine perdue. Voici l’analyse que j’ai faite de la situation de Mailloux. Il avait 17 ans au moment des faits. Il jouait au sein d’une nouvelle équipe, dans un nouveau continent. Un de mes amis, qui joue au hockey depuis son enfance, m’a partagé une hypothèse intéressante. Il m’a dit que lorsqu’on rejoint une nouvelle équipe de hockey, on a tendance à vouloir en faire beaucoup pour se faire accepter auprès de ses pairs. On ne le saura jamais, mais peut-être que Mailloux a partagé cette photo puisqu’il croyait qu’il se ferait ainsi accueillir à bras ouverts dans l’équipe, et même se ferait acclamer. Oui, je le sais, c’est une théorie farfelue, mais on sait tous qu’à 17 ans, on n’a pas atteint le summum de notre maturité. Je ne suis pas en train de trouver des excuses à Mailloux, mais je crois que les circonstances doivent être prises en considération avant de porter un jugement sur la décision du Canadien d’épauler Logan et de lui offrir une seconde chance. Ah oui et j’oubliais, il s’est excusé. De plus, je crois que sa décision d’être exclu du repêchage montrait déjà qu’il débutait un cheminement et qu’il comprenait la gravité des gestes qu’il a posés.


Je ne sais pas pour vous, mais je trouverais personnellement très dommage que la carrière d’un jeune homme soit gâchée en raison d’une erreur de jeunesse. Je ne dis pas qu’il aurait dû être applaudi et mis au sein de la formation partante au pas de course, mais je crois que la décision du Canadien de Montréal de le repêcher et de le laisser en retrait pendant un moment indéfini, tout en lui offrant le support nécessaire pour qu’il prenne conscience du tort qu’il a causé et se concentre à devenir une meilleure personne, n’était pas une si mauvaise décision que ça en fin de compte.


Il ne faut pas oublier que Logan Mailloux a été condamné en Suède et qu’il a payé son amende. Une fois que cela est dit, je ne vois pas pourquoi monsieur et madame Tout-le-Monde pourraient se permettre de dire que ça ne fait pas assez longtemps que c’est arrivé et qu’il devrait attendre avant de pouvoir rejouer. C’est ce qu’expliquait Alexandre Roy dans son article sur le sujet, où il mentionnait également que « certains individus ne comprendront rien de l’ampleur de leurs gestes commis durant une vie entière, alors que d’autres auront une prise de conscience dans le mois suivant l’événement ». (4) Dans son article, Alexandre Roy exprimait être surpris de voir que la vaste majorité des journalistes critiquaient Mailloux et le Canadien, et je dois avouer que j’ai partagé cette surprise. En effet, nous vivons dans un État de droit, et à mon avis, chaque individu a droit à la réhabilitation une fois sa peine/amende purgée. Pourquoi est-ce que Mailloux ferait exception à cette règle?


Je prends un instant pour souligner que bien que je sois en faveur de la réhabilitation, je ne minimise en rien le tort causé aux victimes, et qu’au contraire, j’éprouve beaucoup d’empathie à leur égard. Je ne peux pas me mettre à leur place, mais j’ose espérer que de voir leur agresseur effectuer un cheminement et réaliser sincèrement tout le tort qu’il a causé leur procurerait un plus grand bien que de le voir rester la même personne qu’au moment des faits. Je l’espère vraiment.


Pour revenir sur la « culture du viol » qui règne au sein du hockey (au Québec, du moins), je souhaitais vous partager ce que mon ami joueur de hockey m’a dit récemment. Ce dernier m’a confié, à la suite d'une discussion au sujet de l’affaire Logan Mailloux, qu’il était arrivé à plus d’une reprise que ses coéquipiers envoient des photos intimes de filles dans leur conversation d’équipe. Oui, oui, ça se passe à Montréal aussi, pas seulement en Suède. Je crois que les phénomènes de ce genre sont de plus en plus fréquents de nos jours et que ce ne sont malheureusement pas des cas isolés, comme certains pourraient le penser. Il y a en effet une certaine banalisation des crimes à nature sexuelle (car on le rappelle, partager des photos intimes constitue un crime), ce qui concorde avec l’augmentation des cas d’agressions sexuelles par des joueurs de hockey.


Je suis bien consciente que cette « culture du viol » ne disparaitra pas du jour au lendemain, mais il serait à mon avis pertinent de considérer que peut-être qu’au lieu de suspendre des joueurs en guise de punition, il faudrait plutôt les accompagner dans leur réhabilitation. J’ose croire qu’un joueur épaulé et écouté aura un impact plus positif sur la société et son entourage qu’un joueur pointé du doigt et mis de côté de sa passion, le hockey.

Sources citées:


(1)  La Presse, « Deux joueurs des Tigres de Victoriaville accusés d’agression sexuelle »


(2)  Le Journal de Québec, « Joueurs des Tigres accusés d’agression sexuelle : Isabelle Charest souhaite que la LHJMQ se montre exemplaire »


(3)  Radio-Canada, « L’espoir Logan Mailloux renonce au repêchage après des accusations criminelles »


(4)  Le Journal de Montréal, « Logan Mailloux et l’effet woke! »

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