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Un mois plus près

Auteur·e·s

Adam Wrzesien

Publié le :

4 mars 2021

Le 11e mois de pandémie et de confinement n’est certainement pas le répit magique que nous espérions au terme de l’an passé. Cette heure de gloire n’est toujours pas arrivée. Or, je dois dire qu’entre janvier et février, ce dernier remporte clairement la palme du mois le moins haïssable de cette nouvelle année. Il y a assurément du progrès, ne serait-ce que dans le temps qu’il fait dehors ou les journées qui rallongent.


On pourrait même dire que tout va bien. Hormis, bien sûr, tout ce qui va mal.

Et… C’est à peu près ça. Tout ce qui va mal en février 2021.

Commençons par un autre épisode de « Comment va éclater la troisième guerre mondiale ? », cette série qui nous captive, en somme, depuis la fin de la deuxième. Nécessaire nuance : rien ne se compare à l’épisode de janvier 2020, qui, avec la liquidation d’un important général iranien, avait des airs de finale de saison. Le retour des Américains dans l’arène internationale hors Twitter, qu’on attendait, est toutefois bel et bien advenu le mois dernier. On songe aux bombardements de la semaine dernière en Syrie ; on pense aussi à la volonté américaine de réviser leur relation avec le Royaume d’Arabie saoudite, cet allié utile, mais ayant la fâcheuse habitude de faire disparaître ses ressortissants.


Le Canada non plus ne manque pas d’ennuis diplomatiques — avec la Chine, rien que ça. En somme, on a découvert deux choses le mois passé : d’abord, qu’on avait des principes, chouette affaire ; ensuite, qu’on pourrait devoir payer pour. Comme moi, vous êtes certainement soulagés que l’État fédéral ait finalement nommé le génocide des Ouïghours comme tel, mais soyons honnêtes : vous êtes probablement aussi soulagés de ne pas être agriculteurs.


Car à la Faculté de droit, on ne cultive pas le blé, mais bien l’excellence juridique, céréale non moins noble. Et quelle plus belle récolte, mes amis, que la Course aux stages? C’est aussi ça, février. Le moment où on regarde notre GPA, notre CV, ou les deux, avec un certain doute ; la frénésie des lettres de présentation, changées un-peu-mais-pas-trop pour chaque cabinet ; le moment où on pèse sur « envoyer ». Ou était-ce send ? On en dira ce qu’on voudra, mais Camille Laurin serait assez insatisfait du portail de tous nos espoirs.


Il serait clairement insatisfait, aussi, du manque de réaction soutenue du public québécois aux dernières révélations sur la politique du père Trudeau envers le Québec. Rappelons les faits : une journaliste de la CBC a découvert un télégramme de l’ambassadeur américain Enders à ses patrons du Department of State, relatant ses conversations tant avec le premier ministre qu’avec des hommes d’affaires incontournables du Canada des années 1970. Constat du diplomate, témoignages de ses interlocuteurs à l’appui : Pierre-Elliott Trudeau demandait au monde des affaires de se désengager de l’économie québécoise, afin qu’un taux de chômage galopant dissuade les Québécois de leurs viles lubies indépendantistes.


Bien évidemment, plusieurs publications se sont enflammées. Beaucoup aiment le rappeler : ce genre de nouvelle tombe exactement dans les thèmes de prédilection de certains acteurs influents du monde médiatique québécois. Honnêtement, je dis : une chance. Car c’était là le seul endroit où l’on a rendu justice à l’ampleur du scandale.


D’autres réactions, ou absences de réactions, font peur. Pensons d’abord à notre premier ministre, le « grand nationaliste » Legault : loin de se joindre aux quelques voix qui demandent que Dorval soit renommé, pour lui, « faudrait vérifier ». Pour un éminent avocat en entrevue à l’émission de Denis Lévesque, il s’agit là de « ouï-dire ». Il y a de la noblesse dans leur volonté de certitude et de précision — mais si la parole d’un ambassadeur en mission était suffisante pour aiguiller la politique extérieure des États-Unis d’Amérique, elle est assurément suffisante pour moi.


Or, il y a bien pire : ailleurs, j’ai même entendu que c’était une attaque dont les seules victimes étaient les souverainistes ou, tout au plus, les francophones. Et donc, je paraphrase un collègue, que c’était comparable à des commentaires que René Lévesque aurait pu passer à propos d’anglophones. Ah ben oui, vu de même, hein. Un peu plus, et on dirait que c’était de bonne guerre, pour préserver l’unité nationale. Permettez-moi de mettre rapidement les pendules à l’heure : le taux de chômage, ça touche bel et bien tous les Québécois, peu importe leur langue ou leur origine, et peu importe leur allégeance politique. Chercher à l’augmenter artificiellement est une attaque frontale envers le Québec et tous ceux qui l’habitent — pourtant pas moins canadiens que les autres, à en croire le père Trudeau à la même époque. Sous toute réserve, évidemment, de la véracité des informations qu’un ambassadeur américain relaye au Department of State. Sous toute réserve. Évidemment.


Et puis, la plupart ont cessé d’en parler, alors qu’en histoire, il devrait s’agir de notre télégramme Zimmermann. Des enjeux plus importants, comme l’expression de genre d’une patate. Je ne m’évertuerai pas sur les tenants et aboutissants des scandales à tout crin et du wokisme : j’ose croire que vous savez déjà ce que j’en pense. Faut dire, par contre, que je m’interroge, dernièrement, sur la réponse appropriée à ces excès. Devrait-on, comme certains journalistes et chroniqueurs l’ont vraisemblablement décidé, relever chaque incident érodant nos libertés fondamentales et chaque épisode (réel, pas la patate) de cancellation ? Cela me semblerait, d’ordinaire, évident. Or, il y a tant de tels épisodes que tous les relever donne déjà à une partie du public une impression d’obsession. Et autant les wokes plus radicaux ont repoussé la personne raisonnable par des obsessions liberticides, il y a fort à craindre que la juste fronde envers cette doctrine repousse à son tour, par une obsession réelle ou perçue sur un sujet extrêmement inconfortable, d’entrée de jeu, pour plusieurs personnes s’identifiant au progressisme. En politique, on appuie souvent ceux qui nous repoussent le moins ; on navigue entre une complaisance indigne pour l’érosion idéologique de nos droits, et le danger de repousser d’importants alliés contre le moralisme.


Et… C’est à peu près ça. Tout ce qui va mal en février 2021. « Mais là Adam, t’as passé deux pages et demie à chialer, pis t’as même pas parlé de tout, pis là tu me dis que le mois qui vient de passer était pas si pire ? ». Vrai que c’était deux pages et demie ; vrai que j’aurais pu en écrire quatre. Mais en janvier, c’était quatre ; et j’aurais pu en écrire dix. Donc il y a, en tout réalisme — je donne rarement dans l’optimisme — une nette amélioration. D’autant plus qu’au-delà de la diminution du négatif, février a marqué une apparition du positif. Y’était temps.


Quand je dis ça, je pense surtout à la campagne de vaccination, qui s’est miraculeusement mise à… réellement exister, dans les toutes dernières semaines, alors même que tous commençaient à voir notre retard sur les autres pays occidentaux, et à demander de plus en plus impérieusement des comptes au gouvernement du fils de l’autre. What a save, Justin. Quoi qu’il en soit, la perspective d’un retour à la normale se rapproche considérablement. L’Université nous demande même de nous tenir prêts au présentiel pour l’automne prochain ! Bon, la vraie victoire ne sera selon moi que le jour où nous abandonnerons le mot « présentiel » au profit de tournures plus normales, mais on prend ce qu’on peut.


Pour l’heure, comme j’en parlais au début, regardez dehors. Déjà, le soleil fait fondre le dessus des bancs de neige ; déjà, les belles journées se multiplient. Les plus rabat-joie, dont je suis parfois, se plaindront de la sloche, et de l’impossibilité d’éviter de marcher dans un lac à chaque intersection ; mais même pour nous autres, chialeux, la fin de février apporte la joie du temps des sucres. Rien qu’à écrire ces lignes, l’érable me tente. Parlant de ces lignes, j’ai commencé à les écrire en revenant d’une promenade que la chaleur et le confort m’avaient obligé de terminer sans manteau. J’ai pu m’asseoir, le soleil dans la face, le calme dans la tête, devant un lac artificiel gelé. Playa del Longueuil.


Les vaccins et la chaleur, voilà deux facteurs qui sauront, à terme et avec un peu de chance, nous apporter la « vraie fin de 2020 » dont je vous entretenais le mois passé ! Et je dois dire, à travers le travail, les intras, la Course et tant d’autres choses, que je ne cesse d’être toujours plus impressionné. Impressionné par mes collègues, par ceux d’entre vous que je côtoie ou dont j’entrevois, de loin, les projets. Impressionné de tous nous voir continuer, un peu comme le mois passé, mais maintenant aussi de nous voir approcher la ligne d’arrivée. Où qu’elle soit, elle est de plus en plus envisageable, et nous en sommes très certainement un mois plus près.


Aujourd’hui, comme il y a un mois de ça, je vous enjoins de continuer. Continuez, chacun à votre façon, à votre mesure et à votre poste, à faire la différence autour de vous : que ce soit en étudiant, en aidant, en travaillant ou de tant d’autres façons, nous autres jeunes pouvons nous enorgueillir d’être le cœur battant de notre petite nation.


Et battre, nous allons.


Un bon mois de mars, tout le monde.

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