top of page
Portrait%20sans%20photo_edited.jpg

Un contrôle plus sévère des armes à feu, une bonne chose?

Auteur·e·s

Simon Létourneau

Publié le :

30 novembre 2023

Moins d’armes, moins de violence : c’est le constat de nombreux experts spécialistes sur la question du contrôle des armes à feu. Dans la dernière année, le gouvernement fédéral a pris conscience de ces études et du danger inhérent à une mauvaise législation en la matière, ce qui a mené à des mesures qui limitent l’accessibilité aux armes à feu.

En effet, le taux d’homicide commis avec une arme à feu par 100 000 habitants a considérablement augmenté entre 2002 et 2021, passant de 0,49 à 0,73, ce qui représente 91 homicides par arme à feu.

Parmi ces mesures, il y a eu le bannissement des armes semi-automatiques et des armes de poing, sans oublier les mesures pour contrer la contrebande et le trafic d’armes, telles que des sanctions pénales plus sévères et des outils supplémentaires aux forces de l’ordre.


L’adoption de ces mesures, en grande partie en lien avec le projet de loi C-21, était grandement attendue au Canada.


Difficile de croire que l’arme utilisée lors du drame de Polytechnique était encore en circulation plus de 30 ans après l'événement. Malheureusement, il aura fallu une autre tragédie, la tuerie en Nouvelle-Écosse, pour que des mesures soient prises et que le Canada comble son retard concernant l’encadrement des armes à feu.


Dans nos rues, la situation n’est guère mieux, alors que le taux de crime par arme à feu croît à un rythme fulgurant depuis les dernières années. En effet, le taux d’homicide commis avec une arme à feu par 100 000 habitants a considérablement augmenté entre 2002 et 2021, passant de 0,49 à 0,73, ce qui représente 91 homicides par arme à feu.


En toute logique, les nouvelles mesures législatives sévères devraient être vues d’un bon œil.


Or, ces mesures ne font pas l’unanimité puisqu’une partie significative de la population continue de prôner une plus grande accessibilité des armes à feu.


À ce titre, la Coalition canadienne des droits pour les armes à feu est devenue porte-parole. Sa mission: être la voix forte des propriétaires d’armes pour un changement législatif positif. Bien que ce groupe demeure marginal, il peut exercer une influence sur l’échiquier politique.


Dans un contexte politique où l’extrême droite gagne en popularité, le bannissement des armes à feu est de plus en plus critiqué. Ce faisant, plusieurs députés du Parti conservateur du Canada encouragent les lobbys des armes à feu. D’ailleurs, ce parti a déjà assoupli les mesures concernant le contrôle des armes à feu en 2012.


Or, est-ce que le débat sur les armes à feu en est réellement un? Autrement dit, dans un contexte où les armes à feu représentent plus que jamais un danger pour la vie de citoyen.ne.s, les arguments des pro-armes font-ils le poids?


Un des arguments des groupes pro-armes est que bannir les armes revient à attaquer certains de leurs droits. Cet argument, calqué sur la législation américaine, me semble peu défendable dans un pays comme le Canada. Un droit individuel doit être reconnu par l’État lui-même. Par exemple, la Charte canadienne des droits et libertés reconnait plusieurs droits individuels comme la liberté de religion, le droit à la vie, le droit à l’égalité, etc. Or, aucun texte de loi canadien ne garantit le droit de posséder une arme. Le port d’une arme n’est pas un droit, mais davantage une autorisation, car elle nécessite un permis et une formation. De surcroît, il m'apparaît raisonnable de limiter le droit de propriété privée lorsque l’exercice de celui-ci constitue un risque pour la population. Au même titre que nous acceptons que la police procède à des perquisitions lorsqu’un individu est suspecté de crime, nous devons accepter que ce ne soit pas tous les types d'armes que l’on peut posséder.


L’autre argument souvent utilisé par les groupes pro-armes est que celles-ci peuvent être utiles pour se défendre. Cet argument, compréhensible dans un état en guerre, me semble en déconnexion avec la réalité canadienne. Dans un état civilisé, vaut mieux laisser les autorités gouvernementales retirer les éléments dangereux des rues que de contribuer à la prolifération de ceux-ci sous prétexte que l’on veut se défendre. Toutes les armes utilisées pour se défendre peuvent aussi être utilisées pour agresser. Ainsi, selon Cook, une accessibilité plus difficile aux armes à feu crée un effet de substitution, c’est-à-dire que les agresseurs ne pourront plus se procurer d’armes à feu. Leur niveau de dangerosité est donc diminué et le besoin de se défendre diminue aussi.  De ce fait, comme il est impossible d’assurer que les armes servent strictement pour la défense, il est plus sécuritaire de ne pas permettre le port d'armes.


Il y a aussi l’argument que les armes servent à la chasse. C’est vrai, la chasse est une passion pour plusieurs et une arme est essentielle pour cela, mais les armes conçues spécifiquement pour la chasse ne sont pas interdites. De plus, un encadrement sévère de ces armes n’empêche pas de pratiquer l’activité. Comme l’a dit Winston Churchill : avec de grands pouvoirs viennent de grandes responsabilités, il est donc logique que la possession d’une arme de chasse soit sévèrement encadrée, quitte à contraindre un peu les chasseurs.


Après une analyse des principaux arguments, le constat est qu’il est difficile dans le contexte canadien de soutenir une accessibilité aux armes à feu. Or, cela ne veut pas dire qu’il faut ignorer ces groupes. Ceux-ci gagnent en popularité, notamment parce que plusieurs citoyens n’ont plus confiance en l'État et ne sont pas informés de l’impact de l’accessibilité aux armes à feu.


Les mesures concernant le contrôle des armes à feu doivent donc être accompagnées de mesures de sensibilisation, afin que la population soit davantage en mesure de cerner l’impact d’un mauvais contrôle des armes à feu. Il est important pour la population de comprendre qu’il suffit qu’une personne ait accès à une arme pour troubler un pays en entier.


La nouvelle législation canadienne semble porteuse d’espoir, mais pour avoir les effets escomptés, elle doit demeurer en place. Celle-ci devra aussi être actualisée en fonction de l’évolution des enjeux entourant le contrôle des armes à feu.


Pour vous en convaincre, l’Australie a adopté une législation semblable à celle du Canada, en bannissant elle aussi les armes de poing et semi-automatiques. Trente ans plus tard, ce pays bénéficie de bons résultats. En effet, le pays a vu son taux de crimes par arme à feu diminuer de moitié. Inversement, une législation très souple concernant le contrôle des armes à feu s’accompagne généralement d’un taux de violence important. Par exemple, aux États-Unis, le taux d’homicides par arme à feu a doublé entre 1998 et 2020.


Oui, une législation plus sévère est une bonne chose, mais aidons les citoyens à la comprendre pour que celle-ci reste en place!


Des vies sont en jeu!

1. Catherine Viau-Deschênes, Effet de l’assouplissement du contrôle des armes à feu sur les homicides au Canada entre 1974 et 2016, Mémoire de maîtrise, Montréal, Faculté des arts et des sciences, Université de Montréal, 2018.

2. Bureau du premier ministre du Canada, Renforcer davantage nos lois sur le contrôle des armes à feu, Gouvernement du Canada 2022

3. Bureau du coroner, Rapport d’investigation du coroner concernant le massacre à l’École polytechnique de l’Université de Montréal, Gouvernement du Québec, 1990.

4. L’encyclopédie canadienne, Contrôle des armes à feu au Canada, Historia Canada, 2022.

5. Amelia Armstrong et Brianna Jaffray, Taux d’homicides commis à l’aide d’une arme à feu au Canada de 1999 à 2020, Statistique Canada, Ottawa, 2021

6. Coalition canadienne pour les droits aux armes à feu, Missions et visions, 2023; https://firearmrights.ca/fr/mission-and-values/

7. Judith Lachapelle, Les conservateurs défendent le lobby des armes, point final, La Presse, 14 septembre 2021.

8. Hélène Buzzetti, Ottawa pourra détruire les données du registre des armes à feu, Le Devoir, 27 mars 2015.

9. U.S. Const. amend. II

10. Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.)]

11. R c. Hasselwander, (1993) 2 R.C.S. 398

12. Loi sur les armes à feu, LC 1995, c. 39, art. 4

13. Id., Viau-Deschênes

14. Loi modifiant certaines loislos et d’autres textes en conséquence (armes à feu), Projet de loi C-21, (Deuxième lecture au Sénat – 21 juin 2023), 1ère session, 44e légis. Can

15. Amnesty international, Violence par arme à feu, 2023; https://www.amnesty.org/fr/what-we-do/arms-control/gun-violence/

16. Sandrine VIEIRA, La violence par armes à feux aux États-Unis en 6 graphiques, Le Devoir, 28 mai 2022

bottom of page