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Soigner l’esprit : repenser la place du médicament dans le traitement psychiatrique

Auteur·e·s

Wang-Lyne Tchotanin

Publié le :

11 mars 2022

Dans un documentaire poignant, révélateur, et parfois difficile à écouter, Catherine Mullins nous révèle les failles de ce que son fils surnomme la fast food psychiatry, ou la psychiatrie-minute. Soigner l’esprit sera à l’affiche les 12, 13 et 15 mars prochain au Cinéma du Musée, conversation avec la réalisatrice en prime...

Or, sans services psychologiques pour les personnes ne se trouvant pas en situation d’urgence, mais n’étant tout de même pas prêtes à retourner chez elles, un cercle vicieux apparaît : urgence, garde, médicaments, maison, urgence, garde, médicaments, maison, urgence, etc.

Au rendez-vous sont les récits de Myriam Anouk et Alo qui, 20 ans après la parution du DSM-III et malgré deux éditions subséquentes, ont subi les effets d’une science psychiatrique trop axée sur les sources biologiques des maladies mentales. Mullins découvre ainsi que, comme bien d’autres patient⋅e⋅s, ils réclament la diminution de l’usage des médicaments au profit de l'inclusion de leur voix et de celle de leurs proches dans leur plan de traitement.


Ce sont précisément ces méthodes alternatives de traitement qu’explorent les experts en psychiatrie qui figurent dans le documentaire qui ont la tâche quelques fois exigeante de ne pas demander aux patients de nous rejoindre dans notre réalité, mais de faire l'effort de les rejoindre dans la leur.


Ce qu’ils y découvrent, c’est qu’il est possible de traiter efficacement une maladie mentale tout en diminuant graduellement et quasi définitivement la dose des médicaments prescrits et ce, au rythme et au profit du patient.


Ils découvrent aussi que ce qui permet aux patient⋅e⋅s de demeurer dans un état mental plus stable, c’est un entourage impliqué. L’approche finlandaise Open dialogue, avec des projets pilotes en Angleterre et aux États-Unis, se décrit comme mettant l'accent sur l'écoute, la compréhension et l’implication du réseau social du patient dès le début du traitement plutôt que de compter uniquement sur les médicaments et l'hospitalisation.


Et, pour ceux qui, sans être dans une détresse immédiate, ne se sentent pas en mesure de retourner à leur vie quotidienne, Mullins espère que des établissements ou des services émergeront dans les prochaines années. Elle pense, entre autres, à des centres d’aide psychologique décentralisés des hôpitaux. Mais ça, dit-elle, ça demande beaucoup d’attention, d’intervenant⋅e⋅s qualifié⋅e⋅s, et surtout de l’argent.


Or, sans services psychologiques pour les personnes ne se trouvant pas en situation d’urgence, mais n’étant tout de même pas prêtes à retourner chez elles, un cercle vicieux apparaît :  urgence, garde, médicaments, maison, urgence, garde, médicaments, maison, urgence, etc.


Seulement, à défaut d’alternatives, les médecins ne peuvent qu’utiliser ce qui est sur le menu, si néfaste que cela puisse être. Lors de notre conversation téléphonique, Mullins me raconte la prescription réticente d’Olanzapine par un psychiatre de ce médicament qui s’est retrouvé au centre d’un recours collectif réglé en 2010. Depuis, les manufacturiers indiquent une mise en garde pour les risques de prise de poids sévère, de diabète, d'hyperglycémie et de pancréatite.


Il convient de mentionner, cependant, que les médicaments sont des outils incontournables pour les situations de détresse et de grave vulnérabilité. L’idée proposée dans le documentaire n’est donc certainement pas de mettre une croix sur la médication, mais de reconnaître qu’un usage pondéré au moyen des alternatives présentées comblerait les éléments manquants et bénéficierait tant aux patient⋅e⋅s dans leur cheminement qu’aux médecins dans leur pratique.


Néanmoins, on ne ressort certainement pas du visionnement de Soigner l’esprit avec une recette magique ou une solution évidente. Mais, et d’une bien plus grande valeur, on en ressort avec de l’empathie pour des personnes atteintes de troubles de santé mentale qui ont été lésées par le système de santé, et une sensibilité accrue pour des médecins et autres spécialistes qui doivent se débrouiller dans un domaine médical difficile et qui se retrouve souvent dans l’angle mort du système de la santé.

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