Réflexions du 6 novembre
Auteur·e·s
Mennoya Nicounen
Publié le :
29 novembre 2024
Cher.ère.s lecteur.ice.s,
Voici un texte que j’ai écrit au matin après les élections du 5 novembre. Je tenais à vous le partager dans sa forme la plus pure, parce que je crois qu’immortaliser ces sentiments qui m’ont habitée et qui m’habitent toujours fera une belle capsule à redécouvrir dans quelques années. J’espère sincèrement avoir paniqué sans aucune raison, quoique j’argumenterai que j’étais fondée. C’est que, dans ce scénario hypothétique (d’ici cinq ans), elles ne se sont simplement jamais concrétisées par des actions délibérées des gens au pouvoir. Nous devrons considérer ce que de tels résultats veulent dire pour nous aussi. Nous ne sommes pas à l'abri : jamais nous ne devrions prendre nos aises. Nous avons bien vu le résultat. Je me permettrai de parler au « nous », si vous le voulez bien, voyant qu’uniquement 21 % de la population au Canada préférait Donald à Harris en octobre dernier (1).
Uniquement 21 % de la population au Canada préférait Donald à Harris en octobre dernier.
Voici, donc, mes réflexions du 6 novembre :
Hier, j'ai eu raison.
Depuis le début de la campagne électorale américaine, j’ai affirmé encore et encore que Donald allait gagner. Je l’ai dit quand c’était Joe, je l’ai redit quand c’était Harris.
Ce n’était évidemment pas que je voulais voir Donald à l’inauguration en janvier. Celles et ceux qui me connaissent, même de loin, sont assez informé.e.s du type d’affection que je porte aux christo-fascistes comme Donald.
Je pense qu’au-delà de mon pessimisme constant, c’était surtout que j’ai vu la campagne républicaine pour ce qu’elle était : une bête de propagande nationaliste chrétienne blanche masculiniste. Je n’ai pas envie d’aborder mes soucis avec la campagne démocrate, de toute façon ce ne sont pas eux qui accéderont à la clé de la nation états-unienne. La campagne républicaine n’a jamais été dans le but de chercher les votes de celleux qui assistent au rallye — ce ne sont que les super fans qui s’y présentent encore en 2024. En 2024, on sait ce que Donald vend. On sait ce qu’on achète. Pour qui on vote. Non, la campagne républicaine, ça aura été de parler au travers des écrans et des podcasts à la Joe Rogan, Alex Jones et Andrew Tate, de parler à ces jeunes hommes hargneux, et esseulés et plongés dans le confort du déni et des systèmes oppressifs que la gauche (la vraie gauche) essaie de démanteler.
Malgré tout, une partie de moi, naïvement, voulait désespérément avoir tort, que Harris soit élue, qu’on puisse profiter d’un tampon de quatre ans pour forcer le gouvernement à agir concernant le génocide palestinien et que nous puissions garder Donald loin du pouvoir jusqu’à sa mort.
Mais, hier, j'ai eu raison.
Je ne vous cacherai pas que comme bon nombre d’entre vous, j’ai peur. J’ai eu si peur, dans le fond de mes tripes, que je me suis promis en pleine soirée électorale que je ne remettrai plus les pieds aux États-Unis pour la prochaine décennie. Tout dépendra de ce que Donald et le GOP (Grand Old Party) réussiront à détruire avec une majorité au Sénat et à la Chambre, sans compter la politisation de la Cour suprême.
Je ne vous cacherai pas, aussi, que comme bon nombre d’entre vous, je suis enragée. Je me sens impuissante. J’appréhende ce qu’hier veux dire pour les démocraties autour du monde, pour la nôtre. Depuis hier, mais vraiment depuis 2021, plus de 200 années de démocratie sont mortes sans cérémonie aux États-Unis, cet hégémon culturel et politique sans égal sur la scène internationale actuelle.
Je peux vous garantir que le mouvement qui a porté Donald à la présidence une première, mais surtout une seconde fois, n’évolue pas en silo.
Il m’est difficile d’articuler tout ce que je souhaite vous dire, mais sachez ceci. Beaucoup de gens vont mourir chez nos voisins du sud. Beaucoup de valeurs profondes, comme la laïcité, soit la séparation de l'Église et de l'État, reculeront devant nos yeux. Le génocide à Gaza redoublera d’ardeur. Les médias ne seront plus libres, ou le seront à la Elon Musk : mark my words. Les médias indépendants et fiables sont les phares qui nous permettent de naviguer les eaux troubles que représente l’état social et politique actuel autour du monde. Nous ne devons pas les laisser s’éteindre et leur flamme se faire étouffer sous un second mandat de Donald.
Nous devrons faire preuve d’humanité. Nous devrons continuer à nous indigner et à refuser la déshumanisation de l’Autre, nous devrons continuer à accueillir les réfugiés politiques qui arriveront en masse à nos portes.
Aujourd’hui, j’envoie de l’amour à la Communauté. À ma famille queer, à ma famille femme, à ma famille immigrante, à ma famille racisée, pauvre, malade et en situation de handicap.
Je refuse d’arrêter de croire que la Communauté reste encore et sera toujours notre ancrage commun dans un avenir proche. Nous devons en prendre soin et inclure l’Autre sans équivoque. Nous devons les inclure, les épauler, les supporter et les aimer comme les humains s’aiment. L’Autre doit devenir le Nous.
J’imagine que mon message principal est le suivant : je vous implore de préserver votre humanité, de rester profondément humain. Pas l’animal, ni la créature territoriale, mais l’Humain avec un grand H qui a su émerveiller les Lumières. L’Humain, qui est capable du meilleur.
Comme toujours, si vous ressentez le besoin de partager, hurler, pleurer, vous indigner : vous pourrez me retrouver sur ma page Instagram. Je vous y accueillerai à bras ouverts.
Avec amour, rage, peine et résilience,
Mennoya Nicounen
@mennoya_nicounen sur Instagram