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Réflexion sur notre usage des réseaux sociaux

Auteur·e·s

Tristan Le Gouëff-Saucier

Publié le :

8 octobre 2021

« Est-ce que ton Insta load ? », « C’est moi ou l’uni a bloqué l’accès à Facebook? » ou « As-tu vu, Facebook et Insta sont en panne », n’est qu’un petit échantillon de toutes les conversations que j’ai entendues au sujet de la panne généralisée des plus grands réseaux sociaux. Comme vous devez déjà le savoir, lundi, Facebook, Instagram et WhatsApp ont fait l’objet d’une panne généralisée.

Pourquoi la panne des principaux réseaux sociaux avait-elle déclenché chez les gens cette soudaine envie de réaliser des choses qu’ils mettent de côté depuis longtemps? Est-ce que cette panne allait permettre un changement à long terme du comportement des gens? Est-ce que les réseaux sociaux prennent trop de place dans nos vies? Est-ce que nous pouvons nous en passer?

Assis dans mon cours de l’après-midi, je remarquais avec stupéfaction un phénomène social très intéressant. En effet, j’observais qu’il y avait plus de discussions qu’à l’habitude autour de moi. Que ce soient les groupes d’ami·e·s qui ont pris plus de temps pour parler ou simplement deux voisin·e·s de table qui, faute d’autres occupations, ont commencé à discuter, l’énergie de la classe avait changé.


Surpris de cette modification si naturelle dans notre comportement, j’ai commencé à m’interroger sur les raisons pour lesquelles il y avait ce changement dans mon environnement. Qu’est-ce qui avait changé par rapport aux dernières semaines? Cela ne m’a pas pris beaucoup de temps pour faire le lien : « Mais oui! Les principaux réseaux sociaux sont en panne. »


Je me suis donc lancé dans une petite enquête. J’ai décidé d’interroger toutes les personnes autour de moi sur les modifications de leur comportement lors de cette panne des principaux réseaux sociaux. Les réponses que j’ai obtenues ont toutes été plus intéressantes les unes que les autres. Que ce soit un ami décidant enfin de commencer le livre qui l’attendait sagement sur sa table de chevet depuis des semaines, une collègue de classe m’expliquant à quel point elle a pu s’avancer dans l’étude de ses « intras » ou une personne, rencontrée spontanément dans le métro, m’expliquant qu’elle  avait enfin pris le temps d’appeler sa mère, chose qu’elle n’avait pas faite depuis plusieurs semaines. Un sentiment commun s’est dégagé de tous les témoignages recueillis. Un sentiment de bonheur, de satisfaction et de bien être transcendait toutes les réponses.


De ce constat, encore plus de questionnements ont envahi mon esprit. Pourquoi la panne des principaux réseaux sociaux avait-elle déclenché chez les gens cette soudaine envie de réaliser des choses qu’ils mettent de côté depuis longtemps? Est-ce que cette panne allait permettre un changement à long terme du comportement des gens? Est-ce que les réseaux sociaux prennent trop de place dans nos vies? Est-ce que nous pouvons nous en passer?


Personnellement, au lieu de « rafraîchir » constamment mon fil d’actualité Facebook comme j’avais l’habitude de faire lors de certains de mes temps libres, j’ai profité de l’occasion pour chercher des pistes de solutions à certains de mes questionnements. Notez bien que les réponses à chacun de mes questionnements sont personnelles, et que je vous invite à faire de l’introspection pour réfléchir si vous arrivez ou non aux mêmes conclusions que moi.


Pour commencer, je pense qu’il y a une grande satisfaction à consommer instantanément le contenu offert sur les réseaux sociaux. En effet, je ne pense pas être le seul à me demander après avoir consulté Facebook ou Instagram : « Où sont passées les 40 dernières minutes? » Mais alors, pourquoi reste-t-on si accroché·e·s aux réseaux sociaux?


Une piste de solutions se trouve dans la mission même des compagnies qui opèrent les réseaux sociaux. En effet, il est important de rappeler que l’un des buts fondamentaux de ces entreprises est de réaliser des profits. Facebook et différents réseaux sociaux ont comme modèle d’affaires la vente de notre attention aux entreprises publicitaires. Effectivement, selon un article de Fanny Bourel, «les publicités ultraciblées, grâce aux données collectées sur l’internaute au cours de sa navigation, visent à convertir ce dernier en acheteur ». (1) Les réseaux sociaux ont donc tous avantage à trouver les méthodes les plus efficaces pour garder notre attention.


Ce concept s’appelle l’économie de l’attention. Plusieurs études et recherches sur le sujet, notamment par Tristan Harris ou par la web-série « dopamine » produite par Arte, font « le rapprochement entre économie de l’attention et mécanismes de récompense du cerveau ». (2, 3) En effet, les réseaux sociaux sont conçus spécifiquement pour exercer une influence sur le système de récompense. (4) Ainsi, quand on est surstimulé par les réseaux sociaux, notre cerveau sécrète énormément de dopamine. Cette dernière est le neurotransmetteur du plaisir et est naturellement sécrétée par le cerveau dans la vie de tous les jours. Cependant, il est possible d’augmenter la sécrétion de ce neurotransmetteur par la consommation de drogues, notamment la cocaïne ou les amphétamines. (5) Il faut donc comprendre que ces grandes compagnies exploitent notre système de récompense pour nous garder toujours de plus en plus accroché·e·s aux réseaux sociaux. La surstimulation permet d’avoir constamment des  shots  de dopamine qui nous font sentir bien sur le moment. Un peu comme des toxicomanes, nous restons accroché·e·s aux réseaux sociaux pour continuer d’avoir de plus en plus de dopamine.


Considérant le modèle d’affaires des réseaux sociaux, je pense que ma réponse à ma question initiale semble un peu plus claire. En effet, je crois que nous favorisons la gratification instantanée offerte par ces plates-formes à la gratification plus intellectuelle liée à la réalisation des tâches que nous ne faisons que remettre.


La première question qui me vient à l’esprit après cette découverte : les réseaux sociaux prennent-ils trop de place dans nos vies? Il serait fou de nier la place fondamentale de ces derniers dans l’organisation des relations sociales actuelles. Nous avons constamment besoin des réseaux sociaux, que ce soit par exemple pour communiquer avec nos ami·e·s, collègues de classe ou de travail, notre famille ou encore pour simplement se tenir au courant des prochains évènements organisés par les différents comités de la Faculté de droit. Ces plates-formes offrent des avantages incontestables telles l’accessibilité de l’information et la rapidité du transfert de l’information, les rendant extrêmement pratiques et efficaces pour la diffusion d’informations. Lundi, ne pouvant pas utiliser tous ces outils si pratiques, nous étions tous un peu désemparé·e·s. Cependant, nous avons dû nous adapter et trouver des alternatives, comme utiliser les messages texte par exemple.


Alors, est-il possible de faire une utilisation des réseaux sociaux pour en tirer uniquement les avantages?


Personnellement, je ne sais pas. Cependant, je pense qu’il y a plusieurs pistes de solutions intéressantes sur lesquelles nous pourrions réfléchir. Par exemple, serait-il possible de « suivre » uniquement les pages qui sont nécessaires à nos obligations professionnelles ou scolaires? De cette façon, nous pourrions éliminer une bonne partie  du contenu sans grande valeur ajoutée qui nous distrait constamment. Pourrions-nous supprimer les applications telles Facebook et Instagram de nos téléphones? Cela nous obligerait à prendre consciemment la décision d’aller sur nos ordinateurs pour consulter nos fils d’actualité, au lieu d’y avoir accès si facilement au bout de nos doigts. Est-ce que l’on pourrait supprimer les réseaux sociaux que l’on ne considère  pas utiles? Peut-être pourrions-nous conserver uniquement un ou deux réseaux sociaux, ceux qui ont une plus grande utilité. Finalement, serait-il possible de fonctionner sans aucun réseau social pour une période fixe, comme durant une journée?


Je ne peux pas vous donner la réponse à mes derniers questionnements. Cet article n’a pas pour but de faire le procès ni l’apologie des réseaux sociaux, mais plutôt d’ouvrir une réflexion collective sur la place de ces derniers dans nos vies. Profitez de cet article pour commencer une discussion sur le sujet avec les gens autour de vous et vous remarquerez que nous avons à gagner à changer un peu nos habitudes.

Sources citées :


(1) Fanny Bourel, « Comment les réseaux sociaux font dépenser plus ? », Les Aaffaires, 26 février 2016, en ligne < https://cumulus.lesaffaires.com/mes-finances/consommation/comment-les-reseaux-sociaux-font-depenser-plus-/585666>, par. 7.


(2) Vincent Bernard, « Économie de l’attention : on fait le point ? », Medium, 3 novembre 2019, en ligne < https://medium.com/@MednumBBuzz/economie-de-lattention-on-fait-le-point-65ec89b25e7d >,


(3) Id., par. 22


(4) Kovess-Masfety, V., Keyes, K., Hamilton, A., Hanson, G., Bitfoi, A., Golitz, D., … Pez, O. « Is time spent playing video games associated with mental health, cognitive and social skills in young children? », 

(2016) 51(3) Social psychiatry and psychiatric epidemiology, 349–57.


(5)  Badji Mokhtar, « Actions des drogues sur le cerveau », ResearchGate, octobre 2019, en ligne < https://www.researchgate.net/publication/336617882_Action_des_drogues_sur_le_cerveau >, p. 7.

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