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Opération Scorpion : La prostitution juvénile sous la loupe

Auteur·e·s

Sarah-Maude Rousseau

Publié le :

4 mars 2023

Opération Scorpion, c’est la plus grande enquête sur la prostitution juvénile au Québec, enquête s’étant déroulée en 2002 dans la ville de Québec et ayant mené aux condamnations d’un grand nombre d’hommes influents et de proxénètes sans pitié. Vingt ans plus tard, la criminologue Maria Mourani et l’ancien sergent-détective Roger Ferland, en charge de l’opération à l’époque, s’unissent afin de démystifier les dessous de cette enquête qui a secoué le Québec.

Bien que l’Opération Scorpion ait été historique dans l’univers de la prostitution juvénile, sa clôture est bien loin d’avoir mis fin au phénomène, qui est encore omniprésent dans notre société, et pas seulement à Québec.

Dans la première partie du livre, Roger Ferland raconte comment l’opération s’est déroulée, du moment où la mission lui est confiée par ses supérieurs jusqu’à la fin des procès des accusés. L’ex-enquêteur a su mettre la lumière sur les éléments les plus marquants du déroulement de l’enquête et a réussi, malgré la complexité de cette dernière, à livrer un récit touchant et d’une grande clarté. Ce que j’ai le plus apprécié de Ferland, comme auteur, mais aussi comme enquêteur, c’est son humanité. Plus je tournais les pages, plus j’avais l’impression d’écouter mon vieil ami me raconter un événement marquant de sa vie. Cette humanité, jumelée à l’empathie, est d’autant plus importante chez un sergent-détective qui a dû rencontrer de nombreuses jeunes filles victimes de prostitution juvénile. En effet, le livre est parsemé de témoignages des victimes; des témoignages parfois crus, souvent bouleversants, et toujours courageux. Le choix des auteurs d’inclure les mots des victimes sur les actes posés est judicieux et permet au lecteur de réaliser l’ampleur du fléau qu’est le proxénétisme et son impact sur les victimes.


Dans la deuxième partie du livre, c’est au tour de Maria Mourani d’analyser l’enquête d’une optique criminologique. Cette dernière dresse entre autres un portrait des victimes, des prostitueurs – les clients – et des proxénètes. Mourani mentionne que plusieurs victimes décrivent les prostitueurs et les proxénètes comme des tueurs d’âmes, « car après être passées entre leurs mains, elles ne sont plus que l’ombre d’elles-mêmes » (1). Pour plusieurs, la perte de leur âme est même envisagée comme pire que la mort, ce qui démontre l’intensité du mal que cause la prostitution juvénile chez les jeunes filles. Maria Mourani analyse également les différents réseaux impliqués, dont des gangs et un réseau d’hommes d’affaires. Cette partie est selon moi d’une grande pertinence et permet de mieux comprendre les dessous de cette affaire.


Et vingt ans plus tard, les choses ont-elles changé? Malheureusement, non. Bien que l’Opération Scorpion ait été historique dans l’univers de la prostitution juvénile, sa clôture est bien loin d’avoir mis fin au phénomène, qui est encore omniprésent dans notre société, et pas seulement à Québec. Selon Maria Mourani, « bien que les policiers aient tous les outils pour mener des enquêtes d’envergure, il y a très peu de clients arrêtés » (2). Concernant les clients arrêtés dans le cadre de l’opération, Mourani dénonce les « sentences bonbon » qui leur ont été accordées : « Malgré des condamnations pour avoir sciemment eu des relations sexuelles avec des mineures, ces hommes ont réussi à s’en sortir avec des sentences dérisoires. Vingt ans plus tard, la majorité d’eux sont toujours actifs dans le milieu des affaires de Québec » (3). En effet, plusieurs d’entre eux ont reçu des sentences aussi banales que des travaux communautaires, des probations ou des amendes. Toutefois, notons le bon coup qu’est l’adoption, en 2014, de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation (4), qui interdit l’achat de services sexuels au Canada.


Je vous laisse sur des mots très marquants de Maria Mourani qui illustrent parfaitement, à mon avis, l’intérêt – ou même la nécessité - de se replonger dans cette enquête :


« [C]e livre est un pèlerinage; celui d’un homme et de son équipe qui a fait de son mieux pour protéger des adolescentes; celui d’un système de justice fort peu habitué à condamner des hommes de pouvoir; celui d’une société qui jusqu’à présent ne va pas au bout de son devoir, soit de protéger ses enfants. Loin de la compromission, Opération Scorpion est d’abord et avant tout un cri du cœur (5). »

Sources citées : 


1. Opération Scorpion, p. 237.

2. « Opération Scorpion » : au-delà de l’enquête, https://www.ledevoir.com/lire/769103/operation-scorpion-au-dela-de-l-enquete.

3. « Opération Scorpion » : au-delà de l’enquête, https://www.ledevoir.com/lire/769103/operation-scorpion-au-dela-de-l-enquete.

4. Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation, LC 2014, ch. 25.

5. Opération Scorpion, p.11-12.

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