
Où est ce qu’on s’en va ?
Auteur·e·s
Saf Hakawati et Tristan Bilodeau
Publié le :
30 avril 2025
Une autre version de ce texte a été publiée dans la section « Idées » de l’édition numérique du Devoir le 25 février 2025.
Saf s’est réveillé avec une note collée sur sa porte :
Salut Saf,
Nous sommes tes voisins d’en haut. Nous nous demandions
si tu négociais l’augmentation drastique du loyer que tu as
peut-être reçue (dans notre cas, elle dépasse 5,9 %).
Nous recherchons des ressources pour négocier et nous
voulions savoir si vous êtes également intéressés. Si c'est le
cas, merci de nous contacter.
En interpellant le propriétaire, ce dernier lui répond qu’une augmentation de 10 % avait été établie par l’outil de calcul et qu’il l'exigerait.
Il a donc enfilé sa casquette d’étudiant en droit pour enquêter sur la situation. Saf réalise plus tard que la mauvaise nouvelle allait lui parvenir en mars, puisque son bail vient à échéance en septembre.
En interpellant le propriétaire, ce dernier lui répond qu’une augmentation de 10 % avait été établie par l’outil de calcul et qu’il l'exigerait. Sa voisine, elle, est allée encore plus loin et a catégoriquement refusé l’augmentation, ce qui a entraîné le transfert de son dossier au service juridique de la société de gestion immobilière.
***
Le lendemain, nous avons réalisé que ce problème n’était pas un cas isolé, mais bien une question qui allait affecter la vie de nombreux.ses étudiant.e.s au Québec. Nous sommes parmi tant d’autres à devoir trouver un logement dans ce marché montréalais inaccessible. La ministre de l’Habitation nous propose deux solutions : contester l’augmentation ou déménager.
Devant l’imprévisibilité d’une contestation, plusieurs opteront pour le déménagement. Or, face aux prix du marché, un grand nombre d’étudiant.e.s ayant les mêmes moyens quitteront leur logement, puisque tous leurs logements seront rendus trop chers. Elle nous laisse donc avec cette question: où est ce qu’on s’en va ?
Montréal accueille une population étudiante massive, avec environ 250 000 étudiant.e.s, soit l’une des villes avec la plus grande concentration d’étudiant.es en Amérique du Nord. Au Québec, plusieurs d’entre eux dépendent de l’AFE pour poursuivre leurs études, en plus d’occuper un emploi. Cette augmentation nous laisse face à une énorme incertitude financière. Non seulement elle provoque un stress insurmontable pour les étudiant.e.s et les jeunes familles, mais elle pousse aussi plusieurs à abandonner leurs études. Montréal se vante d’être une ville étudiante accessible, mais sa population ne semble plus avoir les moyens de s’y loger. Notre avenir dépendant largement de nos diplômes académiques, nous nous interrogeons à nouveau : où est ce qu’on s’en va ?
Nos matinées commencent systématiquement avec une visite sur Internet pour rester au courant de toutes les nouvelles annonces, espérant peut-être trouver une opportunité qui ne nous forcera pas à sacrifier notre budget alimentaire ou nos études.
Nous vivons tous les deux en appartement à Montréal depuis plusieurs années. Ce qui nous sidère, c'est l'inaction de nos décideurs publics devant un marché locatif devenu inabordable en seulement quelques années. En 2021, un.e étudiant.e pouvait se permettre de vivre dans un appartement neuf à un prix abordable. Aujourd’hui, ce même montant ne nous permettrait pas de louer le studio le plus abordable.
Les prix montent en flèche, bien plus rapidement que nos salaires, mais nos prêts et bourses ne suivent pas. Donc, nous répétons : où est ce qu’on s’en va ?
Ne serait-ce que pour accomplir sa tâche d’assurer l’égalité des chances au Québec, notre gouvernement devrait tenter d’améliorer nos conditions de vie afin de faciliter notre réussite. Nous aimerions rappeler à Mme Duranceau que nous n’avons pas tous des parents ayant les moyens de nous aider à nous loger, à nous alimenter, ou à payer nos études.
Les étudiant.e.s universitaires forment l’avenir du Québec. Un Québec qui, chaque jour et à travers chaque média, prouve qu’il est urgent d’agir pour le préserver.
Alors, nous vous reposons la question : où est ce qu’on s’en va ?