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Mot de la rédaction

Auteur·e·s

Hugo Lefebvre

Publié le :

25 septembre 2022

Septembre. La Faculté se remplit à nouveau d’étudiantᐧeᐧs comme une ville qu’on aurait abandonnée le temps d’une saison. Pour ceux et celles qui entament leurs études en droit, toute cette nouveauté appelle à la découverte. C’est une opportunité en or de se frayer un chemin dans un nouvel endroit et d’apprendre à y vivre. Comme étape préliminaire à cette construction de soi, quoi de mieux que le flânage!

Nos particularités individuelles donnent à notre pensée valeur de création et l’opportunité d’explorer qu'offrent les études universitaires aux personnes qui ont la chance d’y accéder nous permet de raffiner cette création perpétuelle jusqu’à son plein potentiel. Le flânage occupe une place de choix dans ce processus - heureusement - perpétuel de découverte et d’apprentissage.

Dans son recueil d’essais Le Peintre de la vie moderne, Charles Baudelaire présente un genre particulier d’artiste qu’il associe intimement à la vie moderne: celui du flâneur. Ce type se décrit difficilement, comme il l’explique lui-même. Le passage vaut d’ailleurs d’être cité:


« Pour le parfait flâneur, pour l'observateur passionné, c'est une immense jouissance que d'élire domicile dans le nombre, dans l'ondoyant, dans le mouvement, dans le fugitif et l'infini. Être hors de chez soi, et pourtant se sentir partout chez soi ; voir le monde, être au centre du monde et rester

caché au monde, tels sont quelques-uns des moindres plaisirs de ces esprits indépendants, passionnés, impartiaux, que la langue ne peut que maladroitement définir. »

 

Ainsi, le flâneur transcende le fugitif et la mode pour en tirer la poésie du monde, contemplant sans se laisser absorber, définissant son propre itinéraire. Dans l’imaginaire collectif, le flâneur est intimement associé au Paris de la fin du 19e siècle. On s’imagine ces épicuriens mondains qui, haut de forme sur la tête et canne en main, déambulent de façon insouciante dans Paris, visitant les cafés dansants en y croisant les peintres et écrivains en vogue. Or, avec sa disparition, cette figure a acquis un aspect de résistance. Elle est devenue l’idéal de l’explorateur critique. Des penseurs comme Walter Benjamin et Susan Sontag l’ont pris comme modèle et ont vu sa disparition comme un triomphe du capitalisme; en France, les films de la Nouvelle Vague ont souvent dépeint des personnages déambulant dans la vie sans but précis, subissant les sanctions d’une société ne pouvant supporter leur mode de vie; au Québec, Félix Leclerc voyait cette figure comme une réponse à cette civilisation qui « commence par des pionniers et finit par des prisonniers ».


Dans le même ordre d’idées, le flânage intellectuel, c’est ouvrir ses horizons et se garder d’être obnubilé par les chemins battus. Pour finalement faire le pont tant attendu, en tant qu’étudiantᐧe en droit, ceci signifie de rester ouvertᐧe à de nouveaux domaines et de ne pas réduire notre parcours aux velléités du milieu professionnel. Nos particularités individuelles donnent à notre pensée valeur de création et l’opportunité d’explorer qu'offrent les études universitaires aux personnes qui ont la chance d’y accéder nous permet de raffiner cette création perpétuelle jusqu’à son plein potentiel. Le flânage occupe une place de choix dans ce processus - heureusement - perpétuel de découverte et d’apprentissage.


Comme vous, nouveauxᐧelles étudiantᐧeᐧs, le découvriront sous peu, la Faculté offre une vaste panoplie de façons de s’épanouir et d’explorer de nouveaux intérêts, autant comme juriste qu’en tant qu’étudiantᐧe universitaire. Chaque année, des dizaines de comités s’affairent à offrir des activités touchant toutes sortes de domaines aux étudiantᐧeᐧs, notre association étudiante organise des événements sociaux exceptionnels et les étudiantᐧeᐧs de la faculté font preuve d’un engagement sans pareil au sein de notre université. Depuis près de 50 ans, Le Pigeon dissident a une place de choix dans cet environnement, servant de pilier à la vie intellectuelle, sociale, littéraire et journalistique de notre faculté.  Au cours des deux prochaines sessions, avec le retour en personne, Le Pigeon dissident souhaite contribuer à rétablir la vitalité de notre vie étudiante. En plus de notre publication d’articles en versions papier et électronique, le journal continuera de tenir son club de lecture mensuel, continuera de développer sa formule de capsules d’actualité hebdomadaires (« La Pige » pour les intimes) et réserve à la communauté étudiante des événements sociaux prometteurs! Ainsi, nous comptons ramener la formule micro-ouvert afin de permettre aux étudiants de délier leurs langues le temps d’une soirée. Nous souhaitons ainsi créer une communauté d’étudiants réunis autour de leur amour commun pour la réflexion et l’expression.  À l’instar de nos prédécesseurs, nous voulons permettre aux flâneurs d’explorer des intérêts parfois peu représentés à la Faculté en offrant aux dissidents la place pour exprimer leurs opinions et stimuler nos débats étudiants. Nous souhaitons ainsi à notre façon être “partisans de la justice”, comme disait un ancien.


Car le droit n’est pas toujours l’allié des flâneurs. En témoignent les diverses normes visant à éviter cette pratique. Plus largement, le conformisme inhérent à la pratique juridique et à la culture qui l’entoure pose parfois des embûches à ceux et celles souhaitant manifester leur dissidence, particulièrement lorsque celle-ci n’est pas exprimée dans les formes convenues. Dans une société où les professions libérales ont historiquement permis l’avancement social d’une partie d’une communauté autrement opprimée par les élites économiques, le droit comme profession prend d’ailleurs une importance sociale singulière et complexe. Qu’on ne se méprenne pas; les études en droit, notre vie étudiante incluse, restent par, pour et près des intérêts des plus fortunéᐧeᐧs. C’est une réalité à laquelle est confrontéᐧe toutᐧe nouvelᐧle étudiantᐧe en droit et qui met en danger notre engagement commun envers des valeurs comme l’égalité et la justice. S’ouvre alors devant nous un champ d’action dans lequel nous devons nous inscrire, et nous définir nous-mêmes par notre action ou notre inaction. Le Pigeon dissident souhaite prendre sa place dans ce débat en offrant un espace aux étudiants pour manifester leurs réflexions sur les enjeux sociétaux qui les touchent et cultiver l’indépendance d’esprit dont le droit et toute communauté vivante a et aura continuellement besoin. 


Bref, flânez!

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