Je marche,
Vers un monde meilleur,
Quelque part où ma liberté d’expression ne sera plus brimée,
Pas plus qu’elle ne l’est déjà.
Chez moi, le mot « liberté » n’existe pas
Vous connaissez sûrement le proverbe :
La liberté de l’un s’arrête là où commence celle de l’autre.
La mienne s’arrête au bout de mon nez
Moi, je marche pour un jour la voir au loin dans l’horizon.
On écrit des romans sur le capitalisme
Et il ne reste même pas assez d’encre dans ma plume pour écrire liberté
J’aimerais tant être un oiseau.
On sous-estime trop souvent l’importance des mots
Et ce, quand on est capable de les exprimer
Comment être libre quand ce mot, précieux comme il l’est, a perdu toute sa valeur chez moi ?
Une question pour les philosophes
On accorde tant d’importance à certains mots et si peu à d’autres
Dans mon pays,
On écrit des romans sur le capitalisme
Et il ne reste même pas assez d’encre dans ma plume pour écrire liberté
J’aimerais tant être un oiseau.
Ma marche devient soudainement une course,
Quand je me rappelle pourquoi j’ai pris cette décision
De fuir,
De courir après mes rêves et mes ambitions
Pour changer ma vie
Je n’ose pas regarder en arrière de moi
Alors je cours encore plus vite
Sans trop savoir où je m’en vais.
Je me dis qu’à cette vitesse j’arriverai à la frontière avant l’aube
Laquelle ? Je ne saurais les compter
Il y en a tant, vous savez
Mais cette mince ligne qui me sépare de ma liberté est en fait épaisse, lourde, infranchissable
Seuls certains yeux peuvent la voir
Des yeux de lynx
Il y en beaucoup d’où je viens
Mon souffle devient lourd, j’entends mon cœur battre à vive allure
Arrêt momentané qui me semble éternel
Je crains qu’ils me rattrapent
Derrière moi, un monde qui s’écroule silencieusement
N’entendez-vous pas leurs cris ?
Pourtant, ils résonnent dans mes oreilles
Et devant moi, qui sait.
Je suis coincé entre les deux
Ces murs sont ma maison
J’ai si envie d’aller dehors
J’avais une famille, avant la guerre
Mon pays, lui, est loin d’en être une
Alors que les enfants brûlent dans les flammes
Les adultes se partagent les allumettes qui ont mis feu au village
La hiérarchie sociale est faite de cette façon,
On suffoque en bas tandis que l’air est frais en haut
Ma marche, elle, m’amènera au sommet de la montagne
J’ai si hâte d’arriver,
Goûter à l’air dont j’ai été privé toute ma vie
Il fait si beau quand on a la tête dans les nuages
Alors que le soleil se lève,
J’arrive à la frontière
Mes doigts caressent une liberté que je n’ai jamais connue
L’odeur d’une vie propre vient chatouiller mes narines
Les rayons réchauffent mon visage alors que je ferme les yeux
Ne fut qu’un petit moment
Je n’ai jamais autant vécu
Retour à la réalité
Quand cet homme en habit propre qui sent le Whiskey vieilli de 10 ans se met à parler,
Je devrais écouter
Mais je n’arrive à entendre que des mots
Son discours bureaucratique ne semble qu’être un mélange de termes qui ne veulent rien dire
Les mots découlent de sa bouche comme une cuve d’eau qu’on a échappé dans le désert
J’essaie d’en attraper un ou deux sur leur passage
Mais en vain
Je n’aime pas gaspiller
Surtout pas des mots
J’en aurais fait des phrases éloquentes
Qui racontent mon histoire
Car j’ai tant de choses à raconter
Mais le désert n’a jamais été aussi sec
Je me retrouve devant un autre problème
Car les confins ne délimitent pas seulement les pays
Mais les langages aussi
Je suis le réfugié
Mais c’est lui qui est incapable de traverser la frontière
Dans un monde où l'alphabet est universel
Tout ceci lui semble être très compliqué
Le temps passe si lentement
Que j’ai presque autant vieilli que la bouteille de Whiskey
J’attends
Je balade mon regard de gauche à droite, toujours à l'affût
Un réflexe bien ancré dans mes habitudes
Puis je remarque une famille à mes côtés
Je repense à mon pays
Ce sont deux petits garçons et une fille
Ils sont jeunes,
Mais je suis certain qu’ils ont vécu plus
Que la majorité d’entre vous
De vieilles âmes dans des corps d’enfants
Il n’y a que ça d’où je viens
Dommage,
Ils porteraient l’enfance presque aussi bien que leurs sacs à dos imaginaires
Pourtant, ils ont l’air si heureux
Comme si leur toit retenait l’eau les soirs de pluie
Comme si leurs ventres étaient pleins
Comme si le monde était à leurs pieds
Est-ce de l’ignorance ?
Une naïveté convaincante ?
Qu’ont-ils que moi je n’ai pas ?
Je me pose la question, mais n’y trouve aucune réponse
Incapable d’aller leur parler
J’attends le retour de l’officier
Quelques larmes coulent sur mes joues rouges
Les retenir serait trop demander
Je pleure
L’homme revient et me dit de faire demi-tour
Comme si c’était facile à faire
S’il ne le sait pas
C’est parce qu’il se retourne
De l’autre côté que moi
Je tente de lui expliquer du mieux que je peux
Que mon toit ne retient pas l’eau les soirs de pluie
Que j’ai faim la nuit
Que le monde m’écrase petit à petit
Je lui demande de l’aide
Il me dit qu’il ne peut rien faire de plus
Puis s’en va
L’indifférence est l’empereur de notre monde
Moi qui pensais que cette époque était du passé
Je marche
Je marche vers un monde qui s’écroule
Tout en m’éloignant de ma liberté
Qui m’a été refusé
Je vis dans un monde qui ne m’aime pas
Peut-être parce que je ne l’ai jamais aimé en retour
L’impression de faire marche arrière
Je retourne d’où je suis venu
Ce n’est pas mon chez moi,
Ça ne l’a jamais été
Ma maison est en cendre et on m’en refuse une autre
Qu’est-ce qu’il me reste à faire ?
Rien
Alors je brûle aussi