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Libertad (poème)

Auteur·e·s

Sophie Gagnon

Publié le :

8 décembre 2022

Je marche,

Vers un monde meilleur,

Quelque part où ma liberté d’expression ne sera plus brimée,

Pas plus qu’elle ne l’est déjà.

Chez moi, le mot « liberté » n’existe pas

Vous connaissez sûrement le proverbe :

La liberté de l’un s’arrête là où commence celle de l’autre.

La mienne s’arrête au bout de mon nez

Moi, je marche pour un jour la voir au loin dans l’horizon.

On écrit des romans sur le capitalisme
Et il ne reste même pas assez d’encre dans ma plume pour écrire liberté
J’aimerais tant être un oiseau.

On sous-estime trop souvent l’importance des mots

Et ce, quand on est capable de les exprimer

Comment être libre quand ce mot, précieux comme il l’est, a perdu toute sa valeur chez moi ?

Une question pour les philosophes

On accorde tant d’importance à certains mots et si peu à d’autres

Dans mon pays,

On écrit des romans sur le capitalisme

Et il ne reste même pas assez d’encre dans ma plume pour écrire liberté

J’aimerais tant être un oiseau.


Ma marche devient soudainement une course,

Quand je me rappelle pourquoi j’ai pris cette décision

De fuir,

De courir après mes rêves et mes ambitions

Pour changer ma vie

Je n’ose pas regarder en arrière de moi

Alors je cours encore plus vite

Sans trop savoir où je m’en vais.

Je me dis qu’à cette vitesse j’arriverai à la frontière avant l’aube

Laquelle ? Je ne saurais les compter

Il y en a tant, vous savez

Mais cette mince ligne qui me sépare de ma liberté est en fait épaisse, lourde, infranchissable


Seuls certains yeux peuvent la voir

Des yeux de lynx

Il y en beaucoup d’où je viens


Mon souffle devient lourd, j’entends mon cœur battre à vive allure

Arrêt momentané qui me semble éternel

Je crains qu’ils me rattrapent

Derrière moi, un monde qui s’écroule silencieusement

N’entendez-vous pas leurs cris ?

Pourtant, ils résonnent dans mes oreilles

Et devant moi, qui sait.

Je suis coincé entre les deux

Ces murs sont ma maison

J’ai si envie d’aller dehors


J’avais une famille, avant la guerre

Mon pays, lui, est loin d’en être une

Alors que les enfants brûlent dans les flammes

Les adultes se partagent les allumettes qui ont mis feu au village

La hiérarchie sociale est faite de cette façon,

On suffoque en bas tandis que l’air est frais en haut

Ma marche, elle, m’amènera au sommet de la montagne

J’ai si hâte d’arriver,

Goûter à l’air dont j’ai été privé toute ma vie

Il fait si beau quand on a la tête dans les nuages


Alors que le soleil se lève,

J’arrive à la frontière

Mes doigts caressent une liberté que je n’ai jamais connue

L’odeur d’une vie propre vient chatouiller mes narines

Les rayons réchauffent mon visage alors que je ferme les yeux

Ne fut qu’un petit moment

Je n’ai jamais autant vécu


Retour à la réalité

Quand cet homme en habit propre qui sent le Whiskey vieilli de 10 ans se met à parler,

Je devrais écouter

Mais je n’arrive à entendre que des mots

Son discours bureaucratique ne semble qu’être un mélange de termes qui ne veulent rien dire

Les mots découlent de sa bouche comme une cuve d’eau qu’on a échappé dans le désert

J’essaie d’en attraper un ou deux sur leur passage

Mais en vain

Je n’aime pas gaspiller

Surtout pas des mots

J’en aurais fait des phrases éloquentes

Qui racontent mon histoire

Car j’ai tant de choses à raconter

Mais le désert n’a jamais été aussi sec


Je me retrouve devant un autre problème

Car les confins ne délimitent pas seulement les pays

Mais les langages aussi

Je suis le réfugié

Mais c’est lui qui est incapable de traverser la frontière

Dans un monde où l'alphabet est universel

Tout ceci lui semble être très compliqué

Le temps passe si lentement

Que j’ai presque autant vieilli que la bouteille de Whiskey

J’attends


Je balade mon regard de gauche à droite, toujours à l'affût

Un réflexe bien ancré dans mes habitudes

Puis je remarque une famille à mes côtés

Je repense à mon pays

Ce sont deux petits garçons et une fille

Ils sont jeunes,

Mais je suis certain qu’ils ont vécu plus

Que la majorité d’entre vous

De vieilles âmes dans des corps d’enfants

Il n’y a que ça d’où je viens

Dommage,

Ils porteraient l’enfance presque aussi bien que leurs sacs à dos imaginaires


Pourtant, ils ont l’air si heureux

Comme si leur toit retenait l’eau les soirs de pluie

Comme si leurs ventres étaient pleins

Comme si le monde était à leurs pieds

Est-ce de l’ignorance ?

Une naïveté convaincante ?

Qu’ont-ils que moi je n’ai pas ?

Je me pose la question, mais n’y trouve aucune réponse

Incapable d’aller leur parler

J’attends le retour de l’officier

Quelques larmes coulent sur mes joues rouges

Les retenir serait trop demander

Je pleure


L’homme revient et me dit de faire demi-tour

Comme si c’était facile à faire

S’il ne le sait pas

C’est parce qu’il se retourne

De l’autre côté que moi

Je tente de lui expliquer du mieux que je peux

Que mon toit ne retient pas l’eau les soirs de pluie

Que j’ai faim la nuit

Que le monde m’écrase petit à petit

Je lui demande de l’aide

Il me dit qu’il ne peut rien faire de plus

Puis s’en va

L’indifférence est l’empereur de notre monde

Moi qui pensais que cette époque était du passé


Je marche

Je marche vers un monde qui s’écroule

Tout en m’éloignant de ma liberté

Qui m’a été refusé

Je vis dans un monde qui ne m’aime pas

Peut-être parce que je ne l’ai jamais aimé en retour

L’impression de faire marche arrière

Je retourne d’où je suis venu

Ce n’est pas mon chez moi,

Ça ne l’a jamais été

Ma maison est en cendre et on m’en refuse une autre

Qu’est-ce qu’il me reste à faire ?

Rien

Alors je brûle aussi

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