Lettre d’une « jeune » au premier ministre du Québec
Auteur·e·s
Myriam Vilain
Publié le :
1 novembre 2020
En tant qu’étudiante en troisième année de baccalauréat à l’Université de Montréal, la situation actuelle m’attriste énormément. Soyons clairs : je comprends et soutiens toutes les mesures mises en place par les autorités au cours des derniers mois. Toutefois, je me questionne sur le silence du gouvernement quant aux impacts de ces mesures sur les étudiant.e.s.
Il est vrai que la situation actuelle ne permet pas de réunir plus de quatre-vingts étudiant.e.s dans une seule salle de cours. Néanmoins, je déplore la décision de l’Université de Montréal de maintenir le système actuel pour le semestre d’hiver 2021. Cela aura pour conséquence que la majorité des étudiant.e.s n’auront pas eu accès à un enseignement en présentiel depuis le mois de mars 2020; pour ma part, cela représente près de la moitié de mon baccalauréat.
Alors que nous entrons dans la deuxième vague de cette pandémie, je crois qu’il est grand temps que les différents acteurs des milieux étatique et postsecondaire se concertent afin de mettre en place des mesures concrètes pour soutenir les étudiant.e.s dans cette épreuve. En effet, la situation actuelle nous force à réduire drastiquement nos rapports sociaux avec nos proches et nos pairs afin de diminuer le taux de contamination communautaire. Conséquemment, les lieux de rencontre et d’échange ont été fermés et les soupers privés ont été mis aux oubliettes pour une période indéterminée. Pour plusieurs de mes pairs, cela signifie concrètement qu’ils se retrouveront isolés, et ce, jusqu’à ce que les mesures annoncées soient quelque peu assouplies. Également, il est légitime de croire que ce genre d’épisode de quasi-confinement se reproduira au courant de l’hiver en l’absence de vaccin ou de traitement efficace contre la COVID-19.
Alors qu’une étude récente réalisée par des chercheurs de l’Université de Sherbrooke démontre qu’environ 37 % des jeunes de 18 à 24 ans souffrent de symptômes d’anxiété ou de dépression, comparativement à 20 % chez les adultes en général (1), il me semble qu’une action concertée des recteurs, du ministère de l’Enseignement supérieur ainsi que de la santé publique s’impose.
En tant qu’étudiante au baccalauréat, je peux témoigner de l’impact que ces mesures ont eu sur moi. Malgré tous les efforts mis en place par mes professeur.e.s, l’enseignement en ligne ne peut remplacer l’enseignement en présentiel. En effet, le format actuel des cours rend les interactions plus difficiles et évacue l’aspect pratique de notre formation, ce qui nuit grandement à notre apprentissage. De plus, la formule retenue par la plupart des départements et des facultés de l’Université de Montréal, soit la formule complètement en ligne, a renforcé mon sentiment d’isolement et a eu un impact sur ma motivation et ma concentration. Alors qu’une étude récente réalisée par des chercheurs de l’Université de Sherbrooke démontre qu’environ 37 % des jeunes de 18 à 24 ans souffrent de symptômes d’anxiété ou de dépression, comparativement à 20 % chez les adultes en général (1), il me semble qu’une action concertée des recteurs, du ministère de l’Enseignement supérieur ainsi que de la santé publique s’impose. Cela me semble d’autant plus nécessaire sachant qu’une hausse des enjeux de santé psychologique a été observée depuis plusieurs années dans les établissements d’enseignement postsecondaire.
Je crois donc que les établissements de Montréal et d’ailleurs dans la province peuvent grandement s’inspirer des mesures qui ont été mises en place dans certaines universités, dont celle de Sherbrooke. Plus précisément, dans les cas où l’enseignement en présentiel ne peut pas être offert, les universités devraient se voir obligées d’offrir l’enseignement hybride aux étudiant.e.s le souhaitant. Pour ce faire, ils pourraient être répartis en sous-groupes et assisteraient aux cours en présentiel en alternance. Les séances seraient tout de même diffusées sur une plateforme numérique afin que le reste de la classe puisse suivre le cours en temps réel.
En outre, un contrôle effectif des éclosions pourrait être fait par le biais d’une obligation de s’enregistrer au préalable avant de se présenter sur le campus et de répondre à un questionnaire sanitaire. Cette façon de faire permettrait d’offrir aux étudiant.e.s un accès aux professeur.e.s, en plus de briser l’isolement, dans un contexte où nos contacts sociaux ont grandement été réduits. Le tout se ferait bien évidemment dans le respect des mesures sanitaires mises en place puisque les règles du deux mètres et du port du couvre-visage seraient scrupuleusement respectées et renforcées. Bref, je suis d’avis que la mise en place de cours hybrides pour tous les étudiant.e.s de niveau postsecondaire serait une excellente façon de trouver un équilibre entre les mesures mises en place pour limiter la propagation du virus et le bien-être des étudiant.e.s.
Finalement, selon moi, cette crise a mis en lumière les forces, mais également les limites de l’enseignement en ligne. Il est vrai que l’enseignement en ligne nous a permis de continuer notre formation, et ce, tout en prenant le recul nécessaire afin d’approfondir nos connaissances sur le virus et de limiter la transmission communautaire. Néanmoins, je crois que l’enseignement en présentiel doit demeurer une priorité aux yeux du ministère de l’Enseignement supérieur et des autres acteurs du milieu. En effet, les universités et les cégeps représentent plus que des lieux de savoir. Ce sont des lieux d’épanouissement et de dépassement personnel. Les professeur.e.s, les conseiller.ère.s et nos collègues jouent un rôle actif dans nos réussites et ils savent nous épauler dans nos échecs. Ce soutien est important puisque, pour plusieurs, le début de la vie adulte amène son lot de défis et de perte de repères, maintenant aggravés par la crise sanitaire et économique que nous traversons. De plus, il ne faut pas oublier que tous ne sont pas égaux face à cette nouvelle réalité. Plusieurs étudiant.e.s n’ont pas accès à une connexion fiable et à des outils de qualité ou ne peuvent profiter d’un environnement propice à leur réussite scolaire. À mon avis, il apparaît plus important que jamais que les étudiant.e.s aient accès à des cours en présentiel afin de favoriser leur réussite et de leur offrir un semblant de normalité dans un monde en perpétuel changement.
Je conclurai cette lettre en réitérant que je comprends et soutiens les décisions prises pour lutter contre la pandémie. Je crois néanmoins que de nouvelles mesures pourraient être mises en place afin de limiter au maximum les dommages collatéraux qu’aura la pandémie, notamment sur la santé mentale des jeunes. Le retour en mode hybride des étudiants et étudiantes ne règlera pas tous les problèmes causés par la situation actuelle. Cette solution peut toutefois offrir un support aux étudiant.e.s qui en auront besoin afin de les aider à passer à travers cette crise.
(1) UNIVERSITÉ DE SHEBROOKE, « Enquête de l’Université de Sherbrooke sur les impacts psychosociaux de la pandémie. L’anxiété et la dépression : une deuxième catastrophe au Québec », le 29 septembre 2020, Nouvelles FMSS, Université de Sherbrooke, [En ligne], https://www.usherbrooke.ca/actualites/nouvelles/nouvelles-details/article/43540/.