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Les Jeux olympiques 2024: ombres et lumières sur la gymnastique mondiale après le scandale Larry Nassar

Auteur·e·s

Gina Konidas

Publié le :

22 août 2024

L’atmosphère de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Paris était tout à fait magique cet été. De la tour Eiffel illuminée sous la pluie, au défilé des athlètes sur la Seine, sans oublier le grand retour de Céline Dion qui a interprété « L’Hymne à l’amour », cette soirée fut inoubliable. Cela dit, cet événement permet aussi de souligner les luttes et les triomphes personnels des nombreux athlètes participant.e.s. Particulièrement, le traitement des gymnastes est un sujet brûlant, non seulement en raison de leurs performances exceptionnelles dans le passé, mais aussi à cause des répercussions du scandale Larry Nassar, dont les répercussions se font encore sentir aujourd’hui.

Le scandale Larry Nassar a profondément marqué le monde de la gymnastique et du sport en général. Il a révélé des défaillances systémiques dans la protection des athlètes et a conduit à des réformes cruciales. Les Jeux olympiques de 2024 offrent une occasion de célébrer les réalisations des athlètes tout en reconnaissant les luttes qu'elles ont endurées.

Nassar rejoint, en 1985, l’équipe médicale en tant que préparateur physique de l’équipe nationale de gymnastique des États-Unis (1). Pendant 18 ans de carrière, il a utilisé son poste d’autorité afin d’agresser plusieurs jeunes gymnastes. En effet, plus de 265 gymnastes, dont plusieurs médailles d’or olympiques (comme Gabby Douglas et Simone Biles), ont déclaré qu’il les avait agressées sexuellement sous prétexte de soins médicaux (2). Son statut de médecin respecté et son accès privilégié aux gymnastes lui ont permis de commettre ces abus en toute impunité pendant des décennies.


Le scandale a éclaté en 2016, lorsqu’un groupe de victimes courageuses a pris la parole, entraînant une enquête approfondie. Or, ceci n’a pas été facile. L’équipe nationale de gymnastique des États-Unis, soit un des organismes olympiques les plus prestigieux, n’a pas alerté la police dès les premières allégations d’agression sexuelle. Par ailleurs, l’organisme a même tenté de cacher les plaintes dans des dossiers confidentiels (3). En septembre 2016, The Indianapolis Star a signalé que certains entraîneurs abusifs se déplaçaient (USA Gymnastics-certified gyms) très facilement sans être détectés (4). Cela dit, ces abuseurs et officiels ont donc cherché à dissimuler ces abus au Michigan, en Pennsylvanie, en Californie, à Rhode Island et ailleurs (5). Ce n’est qu’en 2017 et 2018 que Lawrence Nassar a plaidé coupable aux charges fédérales de pornographie juvénile et d’agression sexuelle au premier degré. Il a été condamné à une peine de 60 ans de prison, assortie de 80 à 300 ans supplémentaires (6).


Il reste que les répercussions de ce scandale ont été profondes et douloureuses pour les victimes, en particulier pour les athlètes de haut niveau comme Simone Biles. Biles, la gymnaste la plus décorée, a révélé publiquement qu’elle faisait partie des victimes de Nassar. L’impact psychologique de ces abus a eu des conséquences significatives sur sa carrière et sa vie personnelle. En 2021, lors des Jeux olympiques de Tokyo, la gymnaste renommée a pris la décision courageuse de se retirer de plusieurs épreuves, invoquant des problèmes de santé mentale (7). Elle a expliqué que le traumatisme, entre autres, avait eu un impact direct sur sa capacité à concourir en toute sécurité. Cette décision a ainsi suscité un débat mondial sur l’importance de la santé mentale des athlètes, tout en mettant en lumière les conséquences à long terme de ce type d’abus.


En plus des défis personnels, Biles a été une voix puissante pour le changement. Elle a utilisé sa plateforme pour plaider en faveur de la réforme et de la responsabilisation au sein de l’équipe nationale de gymnastique des États-Unis. Son témoignage devant le Sénat américain en 2021 a été particulièrement poignant, soulignant non seulement son propre traumatisme, mais aussi l’incapacité des institutions à protéger leurs athlètes (8). En parlant ouvertement de ses expériences, Biles a encouragé d’autres survivantes à se manifester et à chercher justice, créant ainsi un mouvement de solidarité et de soutien. En effet, suite au procès de 2022 où plusieurs victimes ont allégué que le FBI n’a pas pris les plaintes au sérieux, le ministère de justice américaine a versé 138,7 millions de dollars à ces survivantes (9).


Face à l’ampleur de ce scandale, l’équipe nationale de gymnastique des États-Unis a entrepris plusieurs réformes pour éviter que de telles situations se reproduisent. Parmi ces mesures, l’organisation a mis en place de nouveaux protocoles de signalement et de protection des athlètes. Par ailleurs, un bureau indépendant d’enquêtes (U.S. Center for SafeSport) a été créé pour traiter les allégations d’abus, promouvant ainsi une meilleure transparence et impartialité (10). De plus, des programmes éducatifs obligatoires sur la prévention des abus et la reconnaissance des comportements inappropriés ont été instaurés pour les entraîneurs, le personnel et les athlètes (11). Ces mesures visent alors à créer un environnement plus sûr pour les gymnastes tout en veillant à ce que les erreurs du passé ne se reproduisent plus.


Par ailleurs, le conseil d’administration de l’équipe nationale de gymnastique des États-Unis a été restructuré pour inclure davantage de voix indépendantes et d’expert.e.s en matière de protection des athlètes. Des contrôles plus stricts et des vérifications d’antécédents judiciaires ont donc été mis en place pour tous les entraîneurs et les membres du personnel (12).


Ce chapitre sombre de l’histoire de la gymnastique a provoqué une onde de choc mondiale, incitant d’autres pays et organisations sportives à revoir et renforcer leurs politiques de protection des athlètes. Par exemple, le Comité International Olympique (CIO) a intensifié ses efforts pour promouvoir la sécurité des athlètes à travers des initiatives comme le “Safe Sport Framework”. En effet, depuis 2022, ils ont incorporé de nouvelles mesures qui vont au-delà de la période des Jeux, allant de  l’éducation à la sensibilisation (13).


Par exemple, en Australie, le programme “Play by the Rules” a été renforcé pour offrir des ressources et des formations sur la sécurité et l’inclusion dans le sport. Plusieurs pays en Europe ont aussi révisé leurs politiques sportives nationales pour inclure des clauses spécifiques sur la protection des athlètes vulnérables. De plus, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont eux aussi mis en œuvre le programme “Safe Sport” (14). De surcroît, en Allemagne, le Deutscher Olympischer Sportbund (DOSB) a renforcé ses politiques de prévention des abus et de protection des enfants dans le sport (15).


Le scandale Larry Nassar a profondément marqué le monde de la gymnastique et du sport en général. Il a révélé des défaillances systémiques dans la protection des athlètes et a conduit à des réformes cruciales. Les Jeux olympiques de 2024 offrent une occasion de célébrer les réalisations des athlètes tout en reconnaissant les luttes qu'elles ont endurées. En mettant en lumière ces questions et en continuant à promouvoir des environnements sportifs sûrs et respectueux, nous pouvons honorer les victimes et garantir un avenir meilleur pour toustes. Ainsi, sous les lumières scintillantes de la tour Eiffel, nous espérons avoir un avenir plus brillant et plus sûr pour les athlètes.

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