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Les examens sous la loupe : une sérieuse réflexion s’impose

Auteur·e·s

Jérôme Coderre

Publié le :

14 décembre 2021

C’est particulier ce qui se passe dans cette faculté. D’une part, on félicite chaque année des dizaines d’étudiantᐧeᐧs pour leurs notes à coup de nombreuses bourses, on oriente le processus de sélection de certains cours autour des résultats scolaires, on accole avec joie des mentions d’excellence aux étudiantᐧeᐧs les plus méritantᐧeᐧs académiquement, et on laisse entrer par toutes les portes de cette faculté les plus grands cabinets d’avocatᐧeᐧs – qui tiennent tous en très haute estime l’excellence du relevé de notes. D’autre part, néanmoins, on n’est pas foutus de s’attaquer à tout plein d’irrégularités qui font voler en éclat les grands principes d’équité et d’intégrité que la Faculté se targue d’observer.

Simplement qu’à voir l’encadrement - ou plutôt le manque de – de la Faculté à l’égard de la manière dont sont donnés certains examens, on se questionne à savoir si vraiment elle s’en préoccupe.

Mettons au clair une chose : tout le monde s’entend pour dire que les notes ne constituent pas l’apanage de la réussite en droit, ou de la réussite tout court. Il y a assurément bien plus à retenir d’un cours que la note obtenue au terme de la session. Pour citer un chargé de cours interviewé pour les fins de cet article, « les examens servent d’abord à tester les connaissances et les transmettre ».


Reste que si on valorise autant les notes dans cette faculté, c’est que l’on doit bien y voir une valeur. Et elle en a une, ne nous méprenons pas. Simplement qu’à voir l’encadrement - ou plutôt le manque de – de la Faculté à l’égard de la manière dont sont donnés certains examens, on se questionne à savoir si vraiment elle s’en préoccupe.


Examen intratrimestriel. Droit judiciaire privé 2. L’examen vaut 40 % de la note finale. Le cours est donné par un chargé de cours qui a plusieurs années d’expérience derrière la cravate. Un type sympathique, mais qui l’a complètement échappé. L’examen qu’il a donné il y a quelques semaines avait déjà été donné, à quelques très petites exceptions près, à la session d’été, dans une autre faculté.


Pour aider ses étudiantᐧeᐧs, le chargé de cours en question avait, à l’époque, diffusé le corrigé de son examen, en ligne, pendant une semaine, en demandant à ses étudiantᐧeᐧs de ne pas le partager. Malgré toute la bonne volonté du chargé de cours, et probablement de la majorité des étudiantᐧeᐧs, ça en aura pris seulement un pour mettre le tout sur Studocu.


Résultat : des étudiantᐧeᐧs avaient en leur possession le corrigé au moment de faire l’examen. Pire, le chargé de cours n’a pas l’air plus enclin qu’il le faut à faire les démarches pour le plagiat; il se dit simplement déçu qu’unᐧe étudiantᐧe de l’autre faculté ait déposé le corrigé en ligne, et déçu aussi de constater que des étudiantᐧeᐧs se sont servi⋅e⋅s du corrigé pour faire son examen.


Le problème, c’est que ça s’arrête à peu près là, le chargé de cours se désole de la situation et promet de ne plus donner le même examen deux fois – comme quoi pour certains, il faut faire l’erreur pour apprendre la leçon.


Questionné à savoir s’il comprend les incidences de toute la situation, le chargé de cours répond qu’il n’estime pas qu’il y ait eu avantage indu. Il faut dire que l’homme avoue au Pigeon ne pas vraiment comprendre le concept de la courbe, que ce n’est pas important pour lui.


Ironique quand même, puisque Nicolas Vermeys, Vice-doyen de la Faculté, affirme au Pigeon que « [la courbe] est un concept relativement simple à comprendre ».


Comment se fait-il que la Faculté tolère chez son corps enseignant une telle méprise du système de notation? Disons que si les enseignantᐧeᐧs comprenaient qu’une moyenne artificiellement gonflée par la triche affecte tout le monde dans une classe, il y a fort à parier que les méthodes d’évaluation de certains changeraient.


Le décanat assure faire présentement enquête, et sanctionnera les étudiantᐧeᐧs trouvéᐧeᐧs coupables de plagiat. Toutefois, aucune mesure générale pour les autres – tousᐧtes affectéᐧeᐧs, disons-le. Aucune ouverture, par exemple, à offrir la possibilité d’obtenir la mention succès/échec plutôt que la note. Surtout, aucun blâme sur le chargé de cours qui reprend le même examen et qui méprend le concept pourtant simple de la courbe.


Pour ajouter au tout, une annexe, utile à l’examen, avait été mise en ligne quelques heures avant l’examen, sans que les étudiantᐧeᐧs en soient averti⋅e⋅s. Les quelques étudiantᐧeᐧs les plus attentifᐧveᐧs à Studium ont donc été en mesure de « prendre de l’avance », au détriment des autres, qui auraient bien aimé s’aider un peu eux aussi.


Le chargé de cours n’estime pas, encore une fois, qu’un avantage indu a été créé; celui-ci répond bêtement que « ça donne aussi un avantage, étudier ». C’est vrai, mais le point n’est pas là.


Même son de cloche du côté du décanat, qui rétorque qu’étant donné que l’annexe était disponible à tousᐧtes, il n’y pas eu d’avantage indu. Belle façon de balayer le problème sous le tapis.


Le plus frustrant, c’est que ça donne l’impression que tout le monde se renvoie la balle. Le chargé de cours s’en remet au décanat, qui à son tour invoque le règlement académique pour justifier son inaction. Je ne sais pas si c’est par manque d’imputabilité individuelle qu’on en est venu à qualifier des problèmes de systémiques, mais en voilà assurément un bon candidat.


En fait, les seulᐧeᐧs à qui on peut toujours imputer une part du blâme, ce sont les étudiantᐧeᐧs eux-mêmes. Pour reprendre un concept juridique, les étudiantᐧeᐧs ont une obligation de résultat à l’égard de leurs examens. En effet, impossible d’aller demander à son prof de revoir sa note à la hausse sous prétexte que toutes les mesures raisonnables d’étude ont été prises : le résultat fait foi de tout.


Les enseignantᐧeᐧs, quant à eux, semblent plutôt avoir une obligation de moyens. On leur pardonne un examen repris d’avant, une incohérence dans une évaluation, une correction arbitraire, un double standard à l’égard de la qualité de la langue exigée en examen et leur propre maîtrise bancale du français, alouette! En autant que l’enseignantᐧe semble avoir pris des moyens raisonnables, tout va.


Autant l’obligation de résultat se justifie pour les étudiantᐧeᐧs, autant c’est elle qui devrait prévaloir pour nos enseignantᐧeᐧs.


Examens en ligne : les étudiantᐧeᐧs consultéᐧeᐧs?


Questionné au sujet des motivations ayant guidé l’instauration des examens en ligne, Nicolas Vermeys répond que ce sont d’abord des motivations écologiques qui ont amené la Faculté à revoir le format de ses examens. Imprimer des milliers de copies par année allait effectivement en sens contraire de l’objectif d’atteindre la carboneutralité.


Il y avait aussi la volonté de suivre la tendance quant à notre usage de plus en plus restreint de l’écriture à la main. Finalement, une difficulté accrue pour l’impression des examens aurait convaincu la Faculté de la nécessité de franchir le Rubicon.


Un problème majeur subsiste : la Faculté prétend que c’est « d’abord à la demande de l’AED que le changement a été effectué », mais Gabrielle Cournoyer, présidente de l’AED – et VP aux affaires académiques pour l’année 2020-21 – assure que l’association étudiante n’a été mise au parfum de ce changement que quelques semaines avant que la décision ne soit officiellement annoncée.


L’actuelle vice-présidente aux affaires académiques, Mia Elias, le confirme. Lorsqu’elle a interrogé le décanat quant à savoir si la transition serait mise en branle, on lui a répondu que la décision était déjà prise, et qu’elle serait annoncée sous peu.


Le Pigeon dissident n’a pas été en mesure de démystifier le vrai du faux, mais ce serait assurément désolant que le décanat ait prétendu à tort que l’AED en avait fait la demande, pour un projet, soulignons-le, à la base louable, bien-fondé et empreint de cohérence et de pragmatisme.


Sans nécessairement accuser le décanat d’avoir menti, cette affaire sème quand même le doute quant au travail de communication effectué en lien avec la mise en place de ce changement. Pensons à tousᐧtes ces enseignantᐧeᐧs qui ont souvent appris des étudiantᐧeᐧs eux-mêmes que les examens allaient migrer vers une plateforme en ligne. Ou tousᐧtes ces autres, qui, à quelques jours de l’examen, ne savaient pas encore si leur examen allait être de type « livre fermé », donc avec Safe Exam Browser, ou encore à « livre ouvert ».


Sans compter tous ces réfractaires au changement qui ont trouvé le moyen de faire à leur tête en administrant leur examen sur papier, ou pire, en demandant à ce que les étudiantᐧeᐧs impriment des tonnes de papier pour faire un examen à « livre papier ouvert », avec examen sur ordinateur. Disons que ce n’était pas génial un examen où les étudiantᐧeᐧs étaient tasséᐧeᐧs comme des sardines, sans distanciation, avec le Code civil, le Code de procédure civile, et l’équivalent d’une petite forêt en notes de cours imprimées.


Comme quoi même au sein d’un corps enseignant hautement diplômé, ça prend du monde pour occuper les places de retardataires dans la courbe de la diffusion et de l’innovation.


Ah oui, et on repassera pour l’objectif de carboneutralité avec ce tas de feuilles dont la durée de vie est d’environ 2 heures, soit entre la sortie de l’imprimante et l’entrée du bac de recyclage.


Et puis la Faculté, qui défend bec et ongles les choix parfois douteux de ses professeurᐧeᐧs et chargéᐧeᐧs de cours au nom de la sacro-sainte liberté académique.


Ce que les étudiantᐧeᐧs réclament est simple : que le système mis en place soit équitable, clair, objectif et cohérent. Quand même drôle de demander la même chose que pour un état de droit, dans une faculté de droit…

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