Le verre d’eau
Auteur·e·s
Marwa Sebbar
Publié le :
26 janvier 2022
**Ce texte a été écrit pour la section E, dans le cadre du Carnaval 2022.**
Pourquoi ne racontons-nous que les évènements marquants, dans le mauvais sens du terme, de nos journées ? Pourquoi voyons-nous toujours l’aspect négatif des choses ?
C’est sûrement une question que vous vous êtes déjà posée, et en en discutant autour de vous, vous vous êtes aussi renduᐧe compte que ce phénomène était très répandu. Cela ne nous étonne plus tant que ça, pourtant, en ces temps de pandémie et de réchauffement climatique. En effet, la couverture médiatique et cette lecture négative presque naturelle de notre environnement nous submergent de mauvaises nouvelles et d’ondes négatives. Être assailli·e de ces informations n’aide pas à relativiser et à ne pas sombrer dans la négativité qui semble omniprésente.
Quelles sont les origines du phénomène qui fait que nous sommes marquéᐧeᐧs de manière plus importante par les expériences négatives, appelé biais de négativité ?
Quelles sont les origines du phénomène qui fait que nous sommes marquéᐧeᐧs de manière plus importante par les expériences négatives, appelé biais de négativité ?
Le neuroscientifique Rick Hanson explique, dans Le cerveau de Bouddha, que ce biais de négativité est la conséquence de l’évolution humaine. Pensons à nos ancêtres : s’ils ne se remémoraient pas qu’un fruit ou un animal était dangereux, ils pouvaient en mourir. Leurs cerveaux avaient l’habitude de repérer plus rapidement le danger et ont également développé la capacité de s’en souvenir davantage.
Lentement, la structure du cerveau s’est adaptée pour accorder plus d’importance aux informations négatives qu’aux informations positives. D’autres études, menées par le psychologue John Cacioppo, expliquent que les évènements négatifs nécessitent une plus grande activation du cortex cérébral. Ces deux éléments combinés expliquent le biais de négativité et peuvent aider à mieux le gérer et le dédramatiser.
Le biais de négativité, qui signifie donc que le négatif domine le positif, est également justifié par un autre facteur selon Paul Rozin et Edward Royzman, psychologues de l’Université de Pennsylvanie. Les faits négatifs ont plus de pouvoir que les faits positifs, qu’importe le nombre de ceux-ci. Leurs constats sont appuyés par la théorie de John Cacioppo, selon laquelle les évènements négatifs demandent plus d’efforts cognitifs que les positifs, et marquent donc davantage.
C’est donc un phénomène complexe qui peut sembler plus fort que soi et irréversible. Ainsi, pour éviter de sombrer dans le pessimisme, beaucoup contrent le biais de négativité par ce qui peut être appelé la positivité toxique. Ce phénomène peut être défini comme la volonté de toujours voir le positif partout, en enfouissant et en réprimant nos pensées et émotions négatives. Pourquoi cela est-il « toxique » me direz-vous? La positivité toxique ne nous permet pas de vivre et ressentir pleinement toutes nos émotions, ce qui peut engendrer plusieurs conséquences. Ce comportement peut aboutir à des burnouts ou à des sentiments de vide profond dus au fait de ne plus savoir quelles sont les émotions que nous ressentons réellement et celles sur lesquelles porte notre attention. Il peut être aisé de ne plus savoir quels sont nos sentiments réels et quels sont ceux que nous feintons ou sur lesquels nous concentrons notre attention pour oublier les sentiments déprimants.
Par exemple, beaucoup de personnes dépressives camouflent cette maladie par le fait de rire et de tourner en rigolade leurs mésaventures. La « thérapie par le rire » pour guérir d’un traumatisme ou soulager les peines n’est pas à prescrire. Cela s’avère au contraire très utile, mais il ne faut pas négliger ou s’interdire de ressentir pleinement toutes nos émotions. Mais comment faire la différence entre l’utilité que la positivité toxique peut avoir et l’abus de celle-ci, qui peut s’avérer autodestructeur à la longue ?
Eh bien, c’est là que réside toute la difficulté : trouver un juste milieu. Et celui-ci peut s’avérer plus complexe à trouver, car il est différent pour chacun selon notre vision de la vie, notre personnalité ou encore nos enseignements. Nous sommes tous différentᐧeᐧs, mais devons faire face à des problématiques psychologiques similaires.
C’est pour cela que le conseil qui me semble le plus approprié est d’en parler. Non pas sous un angle forcément de recherche d’aide, mais simplement de partage d’expériences : savoir que nous nous posons les mêmes interrogations qu’autrui permet à la fois de mieux les relativiser et également de les accepter.