Le journalisme étudiant: un avenir prometteur ou une cause perdue?
Auteur·e·s
Michael Kowalsky
Publié le :
22 août 2024
Le Pigeon Dissident fête son 50e anniversaire cette année et, même si les lois qu’on étudie à la faculté ont beaucoup changé depuis cette époque, est-ce que le rôle de la presse étudiante a évolué lui aussi ? L’obsolescence programmée est un phénomène qui gruge les consommateur.ices par sa capacité à remettre en question la confiance du public dans les produits vendus par les fabricants. C’est bien navrant d’acheter un objet pour qu’il se casse peu après, devenant irréparable ou simplement désuet. De la même manière, les idées peuvent, elles aussi, devenir désuètes une fois qu’elles ne sont plus à la mode. Cet article explorera cette obsolescence dans le contexte du transport et des communications (les thèmes récurrents de mes chroniques), ainsi que ses implications pour les juristes et pour la presse étudiante.
Nos récits à la faculté seront-ils caducs d’ici quelques années ?
Mon ancienne occupation, et le sujet actuel de mes études supérieures, est la messagerie à bicyclette. Sans élaborer une leçon d’histoire, c’est un emploi qui existe à Montréal depuis plus d’un siècle. Quoique menacé à maintes reprises avec l’apparition de nouvelles technologies de communications telles que le téléphone, le télécopieur et l’internet, le métier persiste aujourd’hui. Certes, des objets sont encore envoyés par messager au centre-ville et, dans les quartiers résidentiels, des repas sont régulièrement apportés au moyen de la bicyclette. Même si celle-ci a été inventée avant l’automobile, cette dernière étant considérée plus commode par plusieurs, le vélo retient sa supériorité en efficacité sur des courts trajets logistiquement complexes.
D’après l’opinion de plusieurs personnes impliquées dans l’industrie de la bicyclette, les bécanes fabriquées dans les années 1970 sont de meilleure qualité que les vélos construits plus récemment. Les Supercycles de CCM de l’époque sont toujours sur la route malgré que les modèles modernes achetés chez Canadian Tire sont des citrons. Mais cette tendance n’est pas limitée au vélo, elle est visible dans les biens meubles, les immeubles et même dans nos chers textes juridiques. Les meubles antiques conservent leur valeur, car ils ont été fabriqués en petit lot, avec effort, savoir-faire et qualité, contrairement à IKEA, dont la solution est de copier ces modèles avec des matériaux de piètre qualité. Après quelques chocs ou déménagements, un meuble bon marché deviendra moins stable et moins fiable. Quant aux immeubles, le Parthénon en Grèce a survécu à des tremblements de terre ainsi qu’à plusieurs guerres, mais continue de triompher sur le paysage athénien. À l’autre extrême, les édifices de l’architecte avant-gardiste Frank Lloyd Wright sont bien «flyés», mais ils commencent à s’écrouler et sont difficiles et coûteux à réparer. D’après ces quelques exemples, les objets d’antan sont mieux construits que les bébelles modernes. L’objet indémodable par excellence, le livre, n’a pas beaucoup changé depuis plusieurs siècles. Et pourtant les nouvelles technologies promettent de le renouveler et commencent déjà à changer les habitudes de lecture. Nos récits à la faculté seront-ils caducs d’ici quelques années ?
Rester au courant et à l’affût, pour les étudiant.e.s en droit, peut coûter cher en argent et en temps. À chaque année, les lois sont mises à jour et les livres qui les contiennent sont réédités par les maisons d’édition. L’alternative est la version en cartable, pour laquelle les fascicules sortent ponctuellement et dont les lecteur.rice.s doivent remplacer les pages désuètes dans un processus minutieux. La troisième solution serait les versions en ligne, gratuites et mises à jour automatiquement, mais, en cas de panne d’internet, l’étudiant.e est privé.e de sa ressource. Les professeur.e.s ne présentent pas les livres comme permanents, et les sciences comme le droit progressent. Le fait que les lois changent tous les ans n’est pas la faute des maisons d’édition. Il n’y a pas de solution magique, mais ces écrits sont nécessaires pour l’étudiant.e et chacun.e doit décider pour soi quelle est l’option optimale pour les garder à jour et à disposition.
Lorsque j’ai entamé mes études en droit, le fait que je me déplaçais à bicyclette m’a obligé à choisir le Code civil en cartable. Je ne voulais pas risquer une chute sur la glace et tomber avec un ordinateur portable fragile dans mon sac à dos. Le cycliste écolo en moi voulait protéger les forêts, alors le choix a été simple. Le grand désavantage de mon option de transporter de lourdes « briques rouges » était que ce n’a pas été bon pour ma posture. J’aurais pu avoir des paniers pour tenir les livres, mais je n’ai pas été aussi prévoyant. J’ai appris avec le temps.
L’Office québécois de la langue française définit l’obsolescence programmée comme une « stratégie de conception et de production qui consiste à limiter ou à réduire la durée de vie utile d’un bien afin d’en augmenter le taux de remplacement ». Inversement, il est tout à fait possible de fabriquer des objets qui durent une vie ou qui sont au moins réparables, mais cette stratégie va à contre-courant avec le capitalisme. Lorsqu’un objet se brise, on doit donc se poser la question: est-ce qu’on le jette ou je le fais réparer ?
Malgré ces tristes histoires sur les vélos, les meubles, les immeubles et les tomes juridiques, on peut heureusement compter sur la presse étudiante pour rester pertinente à jamais. Même s’il y a un déclin général dans la presse écrite, la radio étudiante ou la création de baladodiffusions persistent. Les médias créés par des étudiant.e.s sont indémodables et ne perdent jamais leur attrait. Ils servent de tremplin pour certains, et de présentoir de talent pour d’autres. Malgré le nombre limité de journaux étudiants, ces derniers sont une occasion pour les jeunes auteur.trice.s pour interviewer, impressionner et même être embauché.e.s par les plus grands journaux. Ces journaux portent souvent le message d’une révolution, ou au moins d’une évolution dans la pensée de la population. Prenez, par exemple, l’usage du langage inclusif des genres par le Pigeon Dissident. Cet aspect évolutif de l’écriture contribue à briser des barrières auxquelles la discrimination des genres participe. Quelle sera la prochaine tendance stylistique à paraître dans les pages du Pigeon Dissident dans les cinquante prochaines années? Gardez votre attention ici pour connaître la suite…
En terminant, le mot final que je vous laisse est que, même si vous pouvez assister aux cours en 2024 par visioconférence à l’ordinateur, si jamais – oui – si jamais vous avez besoin de vous déplacer sur le campus à l’heure pour un cours : que vos lumières soient vertes!
Image: Michael Kowalsy