top of page
Portrait%20sans%20photo_edited.jpg

Le Collectif

Auteur·e·s

Florence Claveau-Roy et Jeanne Strouvens

Publié le :

19 avril 2023

Vous serez souvent passé·e·s devant le local. Les plus téméraires d’entre vous y seront peut-être même entré·e·s pour chauffer leur plat sur l’heure du midi, pour discuter avec nous d’une actualité quelconque ou d’une idée encore bourgeonnante d’article. Plusieurs y ont trouvé des visages qui sont devenus de plus en plus familiers; d’autres y ont trouvé des ami·e·s. Le journal étudiant n’a peut-être déjà plus de secret pour vous. Pour nous, qui en prendrons l’an prochain la relève, le Pigeon est une source toujours inépuisable de questionnements et de formation. Tous les jeudis midis de la dernière année, nous avons assisté à nos habituelles réunions, prêt·e·s à discuter d’enjeux variablement importants, mais toujours différents. Nous avons aussi vu nos six autres collègues commencer leur dernière année puis, très bientôt, la finir. Et en discutant, déjà presque nostalgiques, de la dernière édition, il nous a semblé primordial de faire le point sur leurs apprentissages et le nôtre, sur ce que doit être un journal étudiant et sur ce qu’il en est réellement du nôtre. À la fois chant du cygne, ode et bilan, nous vous présentons une discussion avec les membres finissant· e· s du Pigeon dissident et la réflexion qui en est née.

Je pense que les gens qui aiment lire et écrire, qui aiment l’art, la réflexion et l’introspection se sentent un peu extraterrestres à la Fac. Le Pigeon est leur vaisseau.

Qu’est-ce qu’un journal étudiant pour toi?


Un lieu d’expression, sans contrainte, qui nous offre le potentiel de penser librement.

Une place de discussion, où il est possible de s’exprimer artistiquement et de discuter d’enjeux importants.

Les premiers changements sociaux se font à l’uni : le journal étudiant est un outil.

J’ai réalisé dans mon mandat que c’est surtout un endroit où les gens viennent se réfugier.

Il y a du confort à écrire.

Pour poser un regard intelligent sur des enjeux.

Un endroit pour les marginaux!

La distinction avec un journal [normal] émerge d’un besoin de se donner les outils et d’une plateforme pour s’engager.

Une façon de s’exprimer de manière légitime.

Un safespace pour développer une passion qui n’est pas célébrée ailleurs.

Un troisième espace.

C’est quoi?

Le premier espace est ta maison, le second ton lieu de travail ou ton école, et le troisième est un endroit où tu peux t’épanouir.


Qu’est-ce que le Pigeon représente à la Fac?


Un contre-pouvoir.

Un lieu de réunion pour les gens qui aiment penser critiquement le droit, qui aiment l’art, la  culture et la philosophie.

Un contre-pouvoir, un checks and balances comme diraient les constitutionnalistes.

Les [étudiant·e·s] lisent plus le journal quand on écrit sur des sujets qui les rejoignent.

Une plateforme pour les étudiant·e·s de la Faculté de droit.

Un journal établi il y a longtemps : il est incontournable.

Une dynamique d’adversité.

Le monde juridique est un petit monde, mais c’est un monde en mouvement qui est riche sur le plan politique.

Un élément perturbateur.

Un journal qui lève la vérité sur des enjeux sur lesquels tout le monde se questionne, mais dont personne ne parle vraiment.

Les meilleures rencontres que j’ai faites au bac.

Le journal de la Faculté, qui s’engage à rapporter ce qui se passe, même si parfois c’est difficile : on parle d’ami·e·s ou de gens que tu vois tous les jours.


Pourquoi as-tu voulu t’impliquer dans le Pigeon?


J’étais impliqué dans le Pigeon avant de commencer le droit, j’avais un article dans l’édition de la rentrée en première année : j’étais vraiment motivé.

Avoir une communauté où je peux me sentir à ma place.

Donner plus de place à la philosophie dans la culture des étudiant·e·s en droit.

Pour rejoindre les gens.

J’étais fascinée. J’aime les gens passionné·e·s, la dévotion.

La mission du Pigeon est importante et me rejoint, et je voulais contribuer à ça.

J’aime les médias.

Pour trouver des gens allumé·e·s.

Je voulais m’impliquer: [je n’aime pas] les comités, mais le journal c’est hot.

Pour écrire des articles. C’est la partie écriture qui m’a appelée, et la gang qui m’a fait rester.

Je trouvais important de m’impliquer de manière générale: le Pigeon est un endroit beaucoup plus ouvert. Tout le monde peut y participer.


Quel regard poses-tu sur ton implication au Pigeon?


Je suis fier de ce j’ai écrit dans le Pigeon, de ce que j’ai fait et des initiatives que j’ai entreprises.

Elle m’a permis de faire le cumul sur mes expériences passées et mes intérêts : le droit, l’écriture, mes valeurs.

La gratitude de trouver des gens qui s’aident mutuellement dans leur intérêt pour le journalisme.

J’ai appris plein d’affaires, je suis fière du projet réalisé en cours d’année.

J’aurais pu plus impliquer les étudiant​​·e·s de la Fac.

J’ai aimé les CA, on a eu tellement d’enjeux différents. C’était cool de s’impliquer dans les débats.

J’ai dû apprendre à argumenter sur des affaires que je tenais pour acquises.

Le Pigeon m’a mise en confiance sur ce que je voulais vraiment faire.

J’ai senti que ma place était importante.

Mes articles sont souvent très légers et champ gauche. Surprenants. J’aime ça être rigolo.

J’ai aimé rencontrer des gens. Beaucoup. [Iels sont] devenu· e· s de très bons ami·e·s.

C’est une partie importante de la vie étudiante.


Qu’est-ce que ton implication t’a amené pendant ton bac?


Une ligne dans mon CV. Je niaise.

Des gens, rencontrer des gens.

De sentir que je construis quelque chose, que je contribue à la vie étudiante.

Ma raison de venir à l’école. Sans ça, je me serais [ennuyée].

Ça a sauvé mon bac pour tout vous dire, j’ai vraiment rencontré du monde cool.

J’ai élargi mes horizons.

Des ami·e·s.

Ça m’a amené un chez-moi. J’ai pas eu besoin de casier très longtemps.

C’est d’être à l’école, mais que ce ne soit pas juste l’école.

La rédaction m’a permis d’avoir un regard plus profond sur les actualités facultaires : ça m’a donné un peu de pouvoir.

Des amitiés.

Un local.

Un cocon.


Qu’est-ce que tu aimerais transmettre au prochain exécutif? Comment vois-tu le Pigeon évoluer?


Voir les initiatives que j’ai parties survivre au moins quelques années.

Plus de sérieux. Le monde post-moderne ne permet pas que la dissidence soit drôle.

Ne pas avoir peur d’être audacieux·ses!

On a réalisé trop tard qu’une bonne couverture de l’actualité facultaire était importante.

De la rigueur. De la rigueur dans les pratiques journalistiques pour toutes les personnes qui vont contribuer au journal, de la rigueur dans la démocratie étudiante. Peut-être qu’il y a des lacunes [sur ce sujet-là] dans le Pigeon parce qu’on ne se sent pas les mêmes responsabilités qu’une asso.

L’importance de la transparence.

Se rappeler que le Pigeon a une place particulière, une réputation et une place déjà faite : il y a des attentes au niveau rédaction et au niveau administration.

Plus inclusif!

Il ne faut pas qu’on soit ok, il faut qu’on soit meilleur.

C’est important de leur faire confiance. J’ai eu la chance d’apporter ma vision et d’influencer les décisions : c’est à leur tour de faire la même chose.

Il ne faut pas s’abandonner à la complaisance.

Je leur souhaite de continuer à travailler en équipe.

Il ne faut pas avoir peur de repousser les limites, de confronter l’autorité.

De continuer d’être dissident.


***


L’amitié alternative


Lors des élections de l’équipe exécutive du Pigeon 2023-2024, de nombreuses personnes qui présentaient leur candidature ont mentionné qu’ils/elles avaient trouvé dans Le Pigeon des personnes « comme eux et elles ». Ils et elles se sont reconnu·e·s dans l’esprit du Pigeon un peu alternatif/intello qui s’inscrit en marge du courant ambiant de la Faculté. Cela me fait penser à l’état dans lequel je me trouvais quand j’ai écrit mon premier article de l’année. J’essayais alors de mettre le doigt sur le malaise que je ressens entre les murs de la Faculté, le sentiment d’inadéquation avec la masse étudiante. Je critiquais entre autres la façon très étroite de penser et d’agir à la Faculté. Tout le monde court à la Faculté, et j’ai besoin de marcher, de me laisser le temps de contempler et de penser. Le Pigeon est un peu mon club de marche. Ainsi, je comprends les gens qui affirment avoir trouvé une famille dans le Pigeon. Je pense que les gens qui aiment lire et écrire, qui aiment l’art, la réflexion et l’introspection se sentent un peu extraterrestres à la Fac. Le Pigeon est leur vaisseau.


Le dialogue en CA


Lors des rencontres hebdomadaires de l’équipe exécutive, nous avons eu des échanges riches sur des enjeux importants. Que ce soit la diffusion d’un article contenant une opinion controversée ou la possibilité d’accepter le don d’un enseignant de la Fac pour offrir une bourse de journalisme étudiant, nous avons dû entrer en dialogue et confronter les idées des autres. Une telle occasion d’entrer en dialogue me paraît précieuse, d’autant plus qu’elle se fait de plus en plus rare dans cette ère d’isolement derrière nos écrans marquée par l’indifférence et la polarisation des idées.


Lorsque Sarah Polley a accepté son Oscar pour Women Talking, elle a dit que son film mettait de l’avant des femmes qui arrivent à prendre une décision, malgré leurs opinions divergentes, non seulement en discutant, mais en écoutant. De façon parallèle, je pense que nos discussions nous ont fait prendre conscience de l’importance d’écouter l’autre pour prendre de meilleures décisions. Ainsi, j’estime que notre plus grande source  d’apprentissage, en tant qu’équipe, réside dans la pratique de l’art du dialogue.


L’importance de l’esprit critique


Au risque de me répéter, je trouve que nos études nous amènent peu d’occasions d’émettre un point de vue critique. Or, l’exercice de remettre en question nos expériences et nos apprentissages me paraît essentiel pour être des étudiant·e·s libres et lucides. Par ailleurs, d’Alexis de Tocqueville à Bruno Marchand, on ne cesse de rappeler que le journalisme est un rempart pour la démocratie. La Faculté est notre microsociété. Si on veut l’améliorer, on doit la remettre en question. Des démarches administratives au déroulement des activités de la vie étudiante en passant par le contenu des cours, on a besoin d’un espace pour critiquer la Fac. Ainsi, Le Pigeon dissident est un pilier, à mes yeux, de la vie démocratique facultaire.


S’inscrire dans la tradition


À une époque où la presse papier est amenée à disparaître, Le Pigeon dissident demeure vivant et solide sur ses pattes. Chaque année, une équipe motivée se renouvelle dans un élan créatif et met la mission du Pigeon dissident au cœur de son existence.


Un événement marquant de l’année est sans doute, pour moi, la rencontre des journalistes Marc Cassivi et Yves Boisvert qui se sont formés par le journalisme étudiant, notamment en écrivant dans les pages du Pigeon dissident. Je pense qu’une partie de la fierté qui nous envahit en faisant partie de l’équipe exécutive du Pigeon vient du fait que l’on s’inscrit dans une tradition journalistique qui se perpétue depuis près d’un demi-siècle. À mon avis, cette idée d’être une courroie de transmission entre les étudiant·e·s qui ont écrit à leur passage à la Fac et ceux et celles qui feront évoluer le Pigeon à leur façon dans le futur contribue à donner un sens à notre implication.


L’Art de la dissidence


Récemment, ma tante m’a prescrit, par devoir de mémoire, le visionnement d’un documentaire sur le poète Alfred Desrochers. Dans ce film, Desrochers évoque l’importance de la presse, autant les journaux et les revues que les périodiques, pour donner une place aux écrivain·e·s et encourager la création littéraire. Cela m’a rappelé que la presse écrite est aussi un lieu de création. Le Pigeon doit aussi, à mon sens, veiller à demeurer un lieu de création qui donne une tribune pour que les membres de la Faculté puissent s’exprimer sur les plans artistique et littéraire.


Malgré nos dissidences, je partage la vision de notre cher rédacteur en chef selon laquelle le Pigeon doit aussi être un lieu qui libère l’esprit par l’art et la philosophie. Simplement, j’espère que tous les membres de la Faculté se sentent invité·e·s à cette célébration de l’art, des humanités et de la dissidence.

bottom of page