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Le coco de Safia Nolin

Auteur·e·s

Clémence Duranleau-Hendrickx

Publié le :

18 mars 2021

Il y a quelques semaines, Marc Cassivi publiait, dans La Presse, une chronique pleine de sensibilité. Il y abordait la haine que reçoit Safia Nolin depuis ses débuts dans l’industrie musicale. Depuis, après avoir notamment été insultée avec agressivité et violence durant l’un de ses cours universitaires en ligne, Safia Nolin a pris une pause de ses réseaux pour se couper de la méchanceté gratuite que se permettent certains à son égard.


Essentiellement, ce qui est reproché à Safia Nolin, c’est son existence. C’est de s’être habillée en jeans et en t-shirt à l’ADISQ il y a quelques années : porter un t-shirt de Gerry Boulet pour aller chercher des trophées (amplement mérités) peut vous valoir par la suite des menaces de mort, des incitations au suicide et des commentaires profondément méchants. Sauf que le t-shirt de Gerry, ce n’est pas le seul problème. Si ça continue depuis des années, c’est que ces énergumènes reprochent à Safia de ne pas être assez mince, assez belle, assez toute pour correspondre à nos standards de beauté. Ah oui, et ils lui reprochent aussi de ne pas être assez hétérosexuelle, comme on le constate avec la multitude de commentaires homophobes.

Ce que vit Safia Nolin sur une base quotidienne, c’est une représentation de la violence sociale que l’on fait aux femmes.

La haine dans les propos de ces personnes est parfois telle qu’on se demande ce que Safia a bien pu leur faire : comment le simple fait qu’elle existe peut-il les pousser à une telle violence? Ces mêmes personnes semblent avoir plus à reprocher à Safia pour sa personne que de choses à reprocher aux différents artistes visé·e·s par la vague de dénonciation d’agressions sexuelles de cet été. S’il ne suffit pour ces agresseurs que de publier un statut Facebook avec certains mots-clés et l’aide d’une firme de communications qui s’assure que chaque ligne soit bien ficelée pour qu’on accepte leurs excuses et qu’on y aille à grands coups de réactions « j’adore », est-ce qu’il faudrait que Safia s’excuse de son existence? Qu’elle s’excuse d’avoir l’apparence qu’elle a? De l’orientation sexuelle qu’elle a? C’est ça qu’il faudrait pour que la violence à son égard cesse?


Malheur à ceux qui s’acharnent sur les réseaux sociaux, Safia est l’une des dix Audacieuses qui participeront au Défi de Leucan à la fin mars. Les cheveux, particulièrement lorsqu’ils sont longs, sont un élément de l’idéal de beauté féminin depuis belle lurette. Des cheveux, ça encadre le visage et ça adoucit les traits, ça contribue à qualifier une femme de désirable. Quand une personnalité publique accepte de participer au Défi de Leucan, on salue son geste. Quand c’est Safia, les commentaires s’affolent et les réactions « rires » sur Facebook se multiplient.


Ce que vit Safia Nolin sur une base quotidienne, c’est une représentation de la violence sociale que l’on fait aux femmes. C’est un exemple de la pression que l’on met sur les femmes pour correspondre à des standards édictés. Comme si les femmes étaient des produits qu’on pouvait classer en désirables, peu désirables ou pas du tout désirables. Comme si c’était seule la fonction d’une femme que de plaire. Safia, en acceptant de se raser la tête, refuse que ces quidams ne la traitent comme un produit, elle refuse de se plier aux diktats de beauté qui lui pourrissent la vie et choisit de poser un geste courageux empreint d’altruisme.


Dans la dernière année, Safia Nolin, via sa plateforme Instagram, a organisé plusieurs collectes de vêtements et de denrées pour des organismes, elle a prêté sa visibilité à plusieurs personnes pour promouvoir de petites initiatives et a apporté son support à plusieurs autres projets. Elle a aussi partagé ses habitudes de consommation en vrac et ses habitudes zéro-déchet. Toutefois, ce que retiendront ceux qui se spécialisent dans l’intimidation, ce sont les articles sensationnalistes qui rapportaient que Safia n’utilisait pas de savon pour se laver et les blagues de dénonciation d’agressions sexuelles.


La haine, qui atteint le cœur comme du venin et du poison, et l’irrésistible envie de le recracher contre une personne qui ne fait qu’exister et vivre comme elle l’entend, c’est ce qui rend laid. C’est la misogynie et l’homophobie qui rendent laids. Ce ne sont pas un chandail de Gerry Boulet et des jeans portés à l’ADISQ, ce n’est pas un crâne rasé et ce n’est surtout pas un corps qui a le droit d’exister.

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