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La violence du silence

Auteur·e·s

Aya Alaoui

Publié le :

8 avril 2024

Silence dans la salle

C’est l’heure, ouvrons le bal

Tamisons l’éclairage

Écoutons l’adage


Le chef d’orchestre s’installe

Les violonistes ajustent leurs cordes vocales

Les flûtistes harmonisent leurs respirations

Les pianistes dressent leurs partitions


L’auditoire est d’un calme muet

Leurs oreilles sont aux aguets

Leurs regards inquiets s’entremêlent

Leurs sourcils se froncent avec zèle


Puis, rien

Absolument rien

Le silence est absolu

Les partitions sont déchues


L’impatience faisant rage

N’est que de passage

Dans cette attente, cette décadence

Le temps s’étire, la dissidence se flétrit


Plus aucun n’ose se questionner

Acceptant le muselé

L’évidence crie

Du moins elle transperce le bruit


Le silence, le règne d’un maître austère

Qui ancre ses pieds avec fermeté

Le regard rivé vers les hostilités

Son arsenal réside dans le message qu’il opère

Un message dénué de mots


Qu’a-t-il à dire

Qu’a-t-il à fuir

Pourquoi se taire

Pourquoi ne rien faire


Mais quelle insouciance

Teintée d’ignorance

Aberrée fut l’audience


Culotée je trouve

Ne savait-elle pas

Ne savait-elle pas qu’elle y prenait part

Refusant de prendre la parole

Sillonnant la salle de gauche à droite

Sans faire la part des choses


Prenez une part du gâteau

Servez-vous, il y en a pour tous

Un pour tous et tous pour un

Pendant que l’enfant lui tousse


Serpent sifflant supplice

Sinistre symphonie

Ceux qui saignent sans cesse

Suppliant cesser feux

Suspense scandaleux


Que sert l’aberration

Si ne s’en suit guerre appellation

Si personne ne se lève pour prendre action

C’est ainsi qu’on laisse cours à la guerre

C’est ainsi que la Palestine se perd en terre


Car oui

Oui et puis non

Oui, nous sommes l’audience

Et non, nous n’assistons à rien


Mains croisées

Regard baissé

Veston-cravate

Veto cloué


Le silence que l’on dédaigne

S’échappe de nos lèvres

Coupable d’étouffer nos voix

Nœud à la gorge face à la famine qui égorge


L’enfance synonyme d'insouciance

Laissant place à la méfiance

Le bébé bordé sous un ciel étoilé

À présent asphyxié par la fumée


Ah, les tendres années sautées à la marelle

Ah, la marelle un pas de trop vous serait mortelle


Permettez-moi d’invoquer la loi, le Code pénal

Art. 219, témoin de leurs sorts fatals

Coupable de négligence criminelle

Celui qui par insouciance

Dévie des devoirs de vigilance


Objection ! nous dévions

Pardon votre honneur, confusion

Il s’agit, en effet, du droit international

Qualifiable de bancale, dans ce monde sans égal


Un monde où le silence est un assassin

Un monde où l’orchestre s’abstient

Un monde où l’audience ne rétorque point

Un monde où l’humain a perdu la main


Tendre la main à la Palestine

Enfant criant famine

Déterrée sous les ruines

Pauvre orpheline

J’espère que tu rumines


Et oui le silence désemparé

Si aujourd’hui je vous en fais part

Ce n’est pas pour en prendre part

Rédigeant ces partitions

J’essaye de faire ma part

À vous de partager l’espoir

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