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La transition énergétique : un paradoxe ?

Auteur·e·s

Yannick Mallette-Pognon et Marie-Christine Lafrenière

Publié le :

23 février 2021

Par Yannick Mallette-Pognon, membre du Comité Environnement,  et par Marie-Christine Lafrenière, étudiante au doctorat en écotoxicologie


La terre se réchauffe, c’est un consensus scientifique. Maintenant, quels sont nos moyens pour éviter le point de non-retour ?


Intuitivement, on se dit déjà qu’il faut diminuer nos émissions de gaz à effet de serre (GES), donc délaisser les énergies fossiles. Ok. Ensuite, par quoi les remplace-t-on? Ici, on a déjà l’hydroélectricité. Mais est-ce suffisant?  Qu’en est-il du reste du monde? Et qu’advient-il de l’hydroélectricité si tout le régime hydrique est débalancé par le réchauffement climatique, soit par la désertification, les modifications des débits fluviaux, les variations des précipitations? Beaucoup d’incertitudes nous guettent, et ce, même au Québec.


Évidemment, il faut entamer la transition énergétique le plus rapidement possible, mais ce n’est pas si simple que cela. Car pour fabriquer des éoliennes, des panneaux solaires, des voitures électriques, tous considérés comme étant des énergies vertes, il faut extraire des ressources non renouvelables, dont les métaux rares.


Comme Guillaume Pitron, journaliste français, le dit si bien : 


« Pour faire du propre, il faut faire du sale »

Ces métaux sont pourtant omniprésents dans notre vie moderne. Ils sont essentiels à la fabrication de nombreux objets technologiques.

Nous dépendons de métaux rares


Les métaux rares, ironiquement, ne sont pas si rares que ça. Ils sont moins abondants que des métaux comme le fer et le cuivre, certes, mais plus présents que l’or ou l’argent par exemple. Parmi les métaux rares, il y a notamment le cobalt, le gallium, le lithium, le lanthane, l’yttrium et la liste est longue. Ils sont toutefois bien mélangés à la matrice du sol, ce qui les rend coûteux à extraire, autant d’un point de vue économique qu’environnemental. Il faut normalement beaucoup d’eau et de produits chimiques pour les extraire et les raffiner. Les déchets produits, comme les déchets radioactifs et les acides, sont également considérables. Pour bon nombre de métaux rares, ce sont des pays en voie de développement, comme la Chine, qui ont absorbé le coût environnemental de leur production pour les fournir au reste de la planète qui se prétend propre.


Ces métaux sont pourtant omniprésents dans notre vie moderne. Ils sont essentiels à la fabrication de nombreux objets technologiques : équipement militaire, voitures électriques ou hybrides, ordinateurs, cellulaires, scanners médicaux, batteries, satellites, éoliennes, panneaux solaires, etc.


Les voitures électriques, un emblème de la transition, ont souvent été présentées comme une solution enviable. Si l’on tient compte de leur cycle de vie complet, de la fabrication à l’utilisation, leur bilan environnemental n’est pas sans reproche. En raison de l’extraction de tous les métaux rares nécessaires à sa conception, la voiture électrique part avec une dette environnementale. Le Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services de la Polytechnique Montréal (CIRAIG) a évalué qu’après une distance de 30 000 km, la pollution climatique (émission de GES) d’une voiture électrique devenait équivalente à celle d’une voiture à essence, mais qu’il lui fallait atteindre au moins 85 000 km pour qu’elle devienne moins nocive pour la santé humaine que la voiture à essence. Et pour cela, il faudra que l’électricité qui l’alimente provienne d’énergies renouvelables et non de la combustion d’énergies fossiles, comme le charbon. Ce n’est ni blanc ni noir.


Avec notre consommation exponentielle de ces métaux rares, l’approvisionnement est à risque de pénurie sur le moyen terme. Pour sécuriser leur équipement militaire, leurs communications numériques et, par le fait même, leur transition énergétique, de nombreux pays, dont le Canada, sont à la course pour trouver des gisements profitables.


S’il y a une chose à retenir des métaux rares à ce stade, c’est qu’il ne peut y avoir de transition énergétique sans eux. Cette transition est-elle viable à long terme dans un monde de ressources finies ?


Tout n’est pas foutu !


Pensons à ce qu’on peut faire. Nous avons du travail devant nous, mais il faut réfléchir pour bien organiser la transition énergétique. Celle-ci doit inclure une vision collaborative, solidaire, et ce, à toutes les échelles.


Les technologies vertes, comme la voiture électrique ou les éoliennes, font partie d’un cocktail solutionnaire pour la transition. Ainsi, il ne faut pas les exclure de notre plan de transition, mais il ne faut pas non plus miser toutes nos chances sur celles-ci !


Recyclage et innovations


La solution idéale serait de pouvoir recycler les métaux rares essentiels et de pouvoir les réutiliser indéfiniment. On règlerait à la fois les problèmes imminents d’épuisement des ressources et ceux d’extraction polluante. Or, présentement, c’est moins de 1% des métaux rares qui sont recyclés. C’est trop cher et trop complexe. Imaginez, recycler de la poussière d’indium sur des écrans tactiles…


Nous devrons sinon miser davantage sur les innovations en recherche et les financer en conséquence afin de trouver des moyens plus efficaces pour recycler les métaux rares. Cet effort collectif pourrait, entre autres, servir à trouver des métaux de substitution moins énergivores. Il faudra également développer le concept de mines responsables avec des procédés de raffinage et de stockage des déchets plus respectueux de l’environnement.


Au Québec, située sur la rive sud de Montréal, l’entreprise GéoMéga pourrait bientôt construire la première usine de recycle de métaux de terres rares en Amérique du Nord. Gardons l’œil sur ce projet prometteur pour l’économie québécoise et sa transition énergétique !


Légiférons !


Nous devons forcer nos entreprises à éco-concevoir leurs technologies pour qu’elles soient plus faciles à réparer et à en recycler les composantes, notamment les électroménagers, les appareils technologiques et les batteries. Le projet de loi 197 sur l’obsolescence programmée, rédigé par les étudiant.e.s de la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke et ayant été présenté à l’Assemblée nationale, incarne un bel exemple de leadership et d’innovation faisant partie de la solution. Dans un effort global, nous pourrions réduire considérablement la pression sur nos ressources. Mais pour y arriver, nous avons besoin d’effort et de volonté politique sur tous les niveaux, du municipal à l’international.


Paradoxe


La transition énergétique actuelle est paradoxale : les énergies propres se fondent sur l’exploitation de métaux sales. L’énergie renouvelable ne peut exister sans l’extraction de matières premières non-renouvelables…


Nous devons repenser notre approche de la transition globale pour limiter le réchauffement climatique, l’épuisement de nos ressources et la perte massive de biodiversité.

Sources consultées


CIRAIG - Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services, Analyse du cycle de vie comparative des impacts environnementaux potentiels du véhicule électrique et du véhicule conventionnel dans un contexte d’utilisation québécois, Polytechnique Montréal, 2016.


Chemin de la Transition. La transition, en 1m40! https://cheminsdetransition.org/la-transition-en-1m40/.


GéoMéga – Rare Earths Refining Recycling. https://geomega.ca/fr/technologie-isr/.


Guillaume PITRON, La guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique. Lonrai, Éditions Les Liens qui Libèrent, 2019.


Pierre-Olivier PINNEAU, « Quand est-ce qu’on commence la transition énergique ? », La Presse, 29 décembre 2020, [En ligne], <https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2020-12-29/quand-est-ce-qu-on-commence-la-transition-energetique.php>.

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