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La saison des augmentations
Combien de temps l’hiver des locataires va-t-il durer?

Auteur·e·s

Rosalie Poulin

Publié le :

30 avril 2025

Le marché locatif résidentiel est encadré par la loi, principalement par le Code civil du Québec,au chapitre du louage. Pourtant, mon expérience au sein d’un comité logement m’a appris que la réalité du marché locatif s’apparente plutôt à un Far West où ni propriétaires ni locataires ne voient clair.  Rares sont les baux que j’ai pu analyser qui ont été rédigés selon les règles de l’art que les député.e.s de l’Assemblée nationale s’évertuent à réinventer d’année en année.


En cette saison des augmentations de loyer, soit de 3 à 6 mois avant la fin des baux, qui arrivent pour la majorité à échéance le 30 juin prochain, je crois intéressant d’expliquer certaines notions essentielles du droit du logement.  L’activisme viendra lorsque toustes agiront en connaissance de cause, alors commençons par le début.

Que représente réellement le fameux 5,9% de hausse suggéré par le Tribunal administratif du logement (TAL) ?

La suggestion de hausse de loyer du TAL

Que représente réellement le fameux 5,9% de hausse suggéré par le Tribunal administratif du logement (TAL) ?


Ce pourcentage n’est qu’un guide pour les locataires et propriétaires.  Ainsi, selon le TAL, en 2025, les propriétaires de logements non chauffés devraient pouvoir augmenter le loyer de 5,9%.  Or, ce pourcentage ne fixe pas un plafond légal et les jugements en fixation de loyer devant le TAL ne feront jamais référence à ce pourcentage.


La limite légale d’une augmentation se trouve plutôt dans le calcul utilisé par le TAL lors d’une audience pour fixation de loyer. Ce calcul prend en compte l’augmentation (ou la diminution !) des dépenses des propriétaires (chauffage, taxes municipales et scolaires, travaux de réparation ou travaux majeurs, coûts d’exploitation, etc.) et détermine un pourcentage de ces dépenses qui peut être amorti en augmentant le loyer des locataires.  Par exemple, en 2025, la ou le propriétaire qui effectue des réparations majeures dans un logement peut amortir 4,7% des coûts sur le loyer des locataires. Ainsi, l’augmentation permise est calculée par rapport aux dépenses des propriétaires et non par rapport au loyer actuel.  Pour plus de détails ou pour explorer votre situation particulière, vous pouvez vous référer à cet outil de calcul simplifié : https://hausseloyer.org/.


Il faut donc comprendre qu’une hausse de loyer inférieure à 5,9% en 2025 peut aussi être considérée comme abusive même si, en pratique, les propriétaires arrivent souvent à justifier les augmentations.  En effet, les taxes ont tendance à augmenter d’année en année et l’inflation augmente les coûts de réparation et d’entretien des immeubles.  De plus, si des outils de calcul sont disponibles pour les locataires, l’outil du TAL est particulièrement rebutant et les calculs nécessitent l’obtention de certaines informations de la part de leur propriétaire (ou des registres municipaux), comme le coût des taxes municipales et scolaires des deux dernières années, la valeur des travaux effectués et le coût d’exploitation d’un immeuble.  Il est donc très difficile pour un.e locataire d’évaluer indépendamment la validité de sa hausse de loyer.


L’augmentation de loyer

Si votre propriétaire désire augmenter votre loyer, il doit vous envoyer un avis écrit entre 3 à 6 mois avant la fin de votre bail, qui indique notamment la hausse du loyer, mais aussi les options qui s’offrent à vous : accepter l’augmentation, refuser l’augmentation et quitter le logement ou refuser l’augmentation, mais demeurer dans le logement.  Votre bail continue donc, même si vous avez refusé l’augmentation et c’est à votre propriétaire de faire les démarches juridiques pour faire fixer le loyer devant le TAL s’iel veut augmenter le loyer. À défaut, votre bail continue aux mêmes conditions que l’année précédente.


La contestation devant le TAL, même si elle permet d’obtenir le résultat le plus juste (selon la loi en vigueur), pose un risque pour les locataires. S’il serait discriminatoire d’ouvertement refuser un.e locataire potentiel.le à cause d’antécédents devant le TAL, cela n’empêche pas les propriétaires de le faire discrètement.


Le Far West

Si les quelques lignes qui me sont accordées dans ce journal ne sont pas suffisantes pour faire un topo complet de l’état actuel du droit du logement, je me permets de semer quelques pistes qui expliquent la complexité des problèmes de logement auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui.


Dans le contexte de la hausse des loyers, la colocation et le déplacement continuel des locataires ne sont pas surprenants.  Ainsi, la colocation, la sous-location et la cession de bail sont plus courantes que jamais, mais les modalités de ces situations ne sont pas toujours claires et mènent à une dégénération des conflits entre propriétaires et locataires dans une proportion que le législateur n’a jamais anticipée.


Si la sous-location et la cession de bail sont prévues au C.c.Q., la colocation, elle, n’y est pas expressément mentionnée. Nos solutions à ce vide, comme les ententes entre colocataires, sont imparfaites et les conflits dégénèrent rapidement.  Les colocataires sont également plus vulnérables à l’expulsion, puisque le non-paiement d’une part de loyer peut entraîner l’expulsion de toustes (art. 1971 C.c.Q., voir aussi 1553), mais aussi parce que rares sont les situations où tous.tes les colocataires sont parties officielles au bail.


Malgré la codification du droit à la cession de bail, sa récente réforme (le projet de loi 31) a mêlé les cartes en créant un système à double mesure où le refus de la cession de bail par les propriétaires résilie ou continue le bail (selon la qualité « sérieuse » ou non du refus).  Ce double système fragilise encore plus la situation des colocataires en ne clarifiant pas le statut du bail, dont une part est résiliée de plein droit à cause du refus.


Du côté de la sous-location, on assiste plutôt à une prolifération de locataires qui n’ont pas le droit au maintien dans les lieux.  Les sous-locataires sont également dépendants du bail de leur locataire (art. 1940 C.c.Q.) et peuvent être expulsé.es de leur logement après plus de 12 mois à le sous-louer (art. 1944 C.c.Q.).


Pour finir, je prends un risque : la vision de la propriété immobilière comme un investissement sûr et passif doit changer.  Tout investissement, immobilier ou autre, comporte un risque.  En matière de logement, ce sont actuellement les locataires qui épongent ce risque et qui s’appauvrissent, sans jamais voir le fruit de leurs dépenses. Le législateur est au courant de cette situation et, pourtant, rien ne change substantiellement, puisque ses intérêts sont partagés entre les électeurs propriétaires et les électeurs locataires. Si l’opposition entre le droit à la subsistance des locataires et le droit à la fructification des propriétaires peut être violente, je me garde de généraliser et de diaboliser les propriétaires.  La plupart agissent dans le respect de la règle de droit qui a été énoncée en leur faveur.  Beaucoup risquent gros dans notre système néolibéral où la sécurité n’est pas assurée, pas même aux propriétaires.


Bref, tout cela ne constitue que des bribes de dialogue, que de la poussières dans le chantier du marché locatif québécois. Toustes gagneraient à mieux connaître leurs droits et à éventuellement militer pour, au moins, un équilibre législatif entre locataires et propriétaires. Je nous laisse sur les paroles des anciens locataires du 6760 St-Vallier (qui n’avaient probablement pas à gérer notre fouillis actuel, bande de paumés heureux).  Au fond, je me pose la même question, en voyant l’état du monde, que la blonde de Michel.


Dans ta chambre on n’a rien allumé

Par la fenêtre on voyait la neige tomber

Tu m’as demandé combien de temps

L’hiver allait durer

Beau dommage (Chinatown)


Je répondrais : aussi longtemps qu’on n’aura pas déblayé jusqu’à l’asphalte, au nœud.

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