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La crise au Liban : entre réalité et hypocrisie

Auteur·e·s

Elias Eid

Publié le :

30 avril 2025

« - Les bombardements continuent toujours?

-Bien sûr, ils ne nous laisseront jamais tranquille

-Où est-ce qu’ils en sont dans leur invasion terrestre?

-On en a aucune idée, aucun journaliste n’a le droit d’être sur place

-On a aucune idée ?!?

-Aucune. »


Voici un très petit échantillon des discussions que j’ai souvent eues avec mes proches, toujours au Liban. Ce n’est même plus une situation qui choque la population. Depuis mon plus jeune âge, mes parents et grands-parents ont vécu des invasions, des guerres et des occupations par plusieurs entités étrangères, notamment l’armée israélienne.

« - Les bombardements continuent toujours?
-Bien sûr, ils ne nous laisseront jamais tranquille
-Où est-ce qu’ils en sont dans leur invasion terrestre?
-On en a aucune idée, aucun journaliste n’a le droit d’être sur place
-On a aucune idée ?!?
-Aucune. »

Chaque jeune Libanais et Libanaise a grandi dans l’ombre de la menace sioniste. On nous enseigne que l'État hébreu est un ennemi depuis sa conception. Même si la plupart des Libanais.e.s de mon âge étaient relativement jeunes à cette époque, l’un de nos premiers souvenirs d’Israël est celui de nos familles quittant leurs maisons pour échapper aux bombardements de la guerre de juillet 2006.


Le Liban est le pays, après la Palestine, qui a le plus souffert des conflits instigués  par Israël. Cet État a, pendant la Guerre civile libanaise (1975-1990), financé et entraîné directement des milices soutenant les intérêts sionistes au Liban. Les Israéliens.ne.s se battaient contre les Palestinien.ne.s et les syrien.ne.s, au dépend d’innombrables vies libanaises. Les Israélien.ne.s ont également réussi à semer une haine viscérale entre les partisans des milices chrétiennes et ceux des milices palestiniennes. Ces deux-là se sont, pendant de nombreuses années, affrontés ouvertement et massacrés mutuellement.


Comme si cela ne suffisait pas, en 1978, Israël a envahi le sud du Liban jusqu’au fleuve Litani, et y a établi un État virtuel directement sous son administration. Puis, en 1982, s’est déroulée la plus grosse invasion Israélienne au Liban. Tsahal (l’armée Israélienne) est arrivée jusqu’à la capitale, Beyrouth, qui est la première (et la seule) capitale arabe à avoir été assiégée par les Israéliens dans l’histoire. L’objectif déclaré par les sionistes ? « Chasser les milices palestiniennes du Liban ». Selon cette rhétorique, il est évident que commettre les plus grandes atrocités, si c’est pour la sécurité d’Israël, ne pose aucun souci.


Le siège de Beyrouth a été surnommé le « Stalingrad arabe ». Les rues de la capitale, qui étaient déjà un champ de bataille depuis 7 ans, étaient désormais un dédale de décombres dans lequel l’armée israélienne faisait la chasse aux fedayins (les combattants palestiniens). Résultat de l’invasion ? L’évacuation de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine), des milliers de mort.e.s et un nouveau président libanais élu sous l’ombre des chars israéliens. Ce dernier aura comme objectif premier de signer un traité de paix avec les Israélien.ne.s. Ce même président fut assassiné 2 semaines après son élection (dans des circonstances obscures, mais la responsabilité israélienne n’en est pas pour autant écartée). En représailles, des milices (alliées d’Israël) sont rentrées le lendemain dans un camp palestinien de Beyrouth (avec l’accord tacite de Tsahal) et ont massacré entre 500 et 3000 Palestinien.ne.s et Libanais.e.s de confession musulmane.


Ce contexte établit les bases pour comprendre l’émergence de mouvements de résistance dans le sud du Liban. C’est dans cette situation que va naître un des acteurs les plus importants du conflit que l’on observe aujourd’hui, le Hezbollah (le « le Parti de Dieu » en arabe). Le Hezbollah est né dans cette atmosphère de résistance contre Israël. Le sud du pays est la région qui a de loin le plus souffert du conflit avec Israël. Cette région est historiquement, et jusqu’à aujourd’hui, majoritairement habitée par des Libanais.e.s de confession musulmane chiite. Depuis le début de la guerre civile, plusieurs groupes se sont formés pour résister à Israël. Les principaux sont le Mouvement Amal, un mouvement officiellement séculaire visant à protéger les intérêts des chiites au Liban, jusque-là marginaux, mais aussi d’autres partis multiconfessionnels, comme le Parti nationaliste syrien et le Parti communiste libanais. Avec l’invasion de 1982, concordant avec le changement de régime en Iran en 1979, le Hezbollah est créé. Financé par ce dernier, il commence ses actions dans l’ombre et s’officialise en 1985. À compter de 1985, le Hezbollah va combattre Israël jusqu’à ce que l'État hébreu se retire du sud du Liban (à l’exception des fermes de Chebaa) en 2000.


On en arrive à aujourd’hui. Le Hezbollah, après la guerre civile, est resté le seul groupe armé à ne pas s’être vu confisquer ses armes. Et dans l'État défaillant qu’est le Liban, où la corruption règne, le Hezbollah évolue comme un État dans l'État, protégeant et favorisant les membres de sa communauté en continuant à s’armer, grâce à l’Iran, pour s’opposer à Israël.


La guerre qu’Israël a menée contre le Liban entre le 23 septembre et le 27 novembre 2024 avait pour objectif « d’effacer la menace du Hezbollah sur le nord d’Israël », laissant des marques indélébiles sur tous les Libanais.e.s. Environ 4000 mort.e.s, 17 000 blessé.e.s et plus d’un million de déplacé.e.s. Une population, traumatisée par les bombardements, qui a perdu maison, famille et sécurité. Cette guerre a provoqué chez la population libanaise une blessure dans le plus profond de son humanité.


Il est aussi question des Libanais.e.s hors du Liban qui s'inquiètent continuellement pour leurs familles, et qui doivent être témoins de leurs propres yeux de l’hypocrisie du monde moderne. Chez eux, au Levant, c’est la guerre et les massacres, alors qu’en Occident, c’est une journée tout à fait normale, où il faut sourire aux gens, rester poli.e et cordial.e, et surtout, faire comme si de rien n’était en payant son café trop cher. Finalement, nous les Libanais.e.s, les Palestinien.ne.s, les Syrien.ne.s ne sommes que des vermines que le brave État d’Israël doit éliminer pour la grandeur de sa nation et des intérêts occidentaux.


Aujourd’hui, rejeter ouvertement les politiques israéliennes, rejeter le régime israélien, c’est rejeter toutes les politiques les plus atroces que l’humanité se doit de combattre si elle souhaite, un jour, aller vers des jours meilleurs. S’opposer aux politiques israéliennes, c’est s’opposer au génocide, au nettoyage ethnique, au racisme institutionnalisé, à l’expansionnisme vorace. La paix, que l’on observe chez certains pays dits « développés », vient avec un coût. Ce coût est payé par des dizaines de pays écrasés par la corruption et la pauvreté. Il n’y a pas de lutte qui ne nous concerne pas.


S’opposer aux politiques israéliennes, c’est redonner un peu d’espoir à l’humanité, et un peu de souffle à la liberté.

Un libanais amoureux de liberté

Ménargues, A. (2004). Les secrets de la Guerre du Liban : Du coup d’État de Béchir Gémayel aux massacres des camps palestiniens (Tome 1). Albin Michel

Ménargues, A. (2012). Les secrets de la guerre du Liban : Des massacres de Sabra et Chatila au voyage d’Amine Gemayel à Damas (Tome 2). Albin Michel

De Clerck, D. et Malsagne, S. (2020). Le Liban en Guerre : 1975-1990. Belin

Fisk, R. (2001). Pity the Nation: Lebanon at war. (3e edition). Oxford

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