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L'après COVID-19 : Qu'est-ce qui nous attend ?

Auteur·e·s

Nirmine El Chami

Publié le :

18 janvier 2021

Mardi, le 12 janvier 2021. Sommes-nous au début, en plein milieu ou vers la fin de la pandémie ? Un couvre-feu venant tout juste d’être annoncé par le gouvernement Legault, couronné par des mesures plus strictes mises en place pour forcer la distanciation sociale, nous semblons être dans un cercle vicieux où les conditions de retour à la normale tardent à être réunies. Nous sommes confinés, isolés et retranchés dans nos demeures avec cette impression que le monde ne fonctionne plus comme avant. Ce monde dans lequel on vivait, qui semblait si malléable, mécanique et routinier, n’est plus. Nous attendons donc que tout revienne à la normale, mais est-ce une option ? Les effets de la COVID-19 sont-ils rétroactifs ? Est-ce une utopie de croire que notre monde capitaliste reprendra les rênes tant au niveau économique que social, que les multinationales continueront de dominer le monde et que les citoyens quitteront le numérique pour revenir sur les bancs des institutions ? Pour comprendre où nous nous dirigeons, il faut retourner à la source de la turbulence. Cet article se veut une réflexion scientifique et épistémologique, avec une touche personnelle sur les lendemains de la pandémie dans le monde, au Canada, et plus particulièrement au Québec.


L’impact sociologique : moi, toi, les autres ou nous ?


Alors que le nombre de cas continue de croître à travers le monde, les autorités mondiales répondent en mettant en place des mesures restrictives de distanciation sociale. Les liens sociaux contemporains basés sur la mobilité et l’appartenance à la collectivité se sont vus reconfigurés par le ressort des politiques publiques. De ce fait, la distanciation sociale a fait en sorte que des gens qui se ressourcent a posteriori dans les interactions avec les autres se sont retrouvés, par le biais du confinement, déconnectés du monde social dans lequel ils se sont développés. En outre, ils se voient confrontés à une nouvelle réalité, de façon soudaine et abrupte, celle de « l’isolement sociogéographique ». Avec l’établissement des mesures de distanciation sociale, un lien important de causalité entre les ordres publics et les stimulus comportementaux de la distanciation sociale observée dans les communautés se voit, dès lors, mis de l’avant. En effet, les études montrent que l'adhésion aux ordres publics concernant la distanciation sociale n'est pas stable et qu’elle fluctue avec le degré de différences spatiales dans la réception de l'information et le niveau de crainte face à la pandémie (1). C’est ce qui explique les différentes dynamiques sociétales pendant la pandémie. En outre, la société est divisée entre ceux qui choisissent de respecter les consignes sanitaires et de s’isoler, et ceux qui choisissent de ne pas se soumettre aux règles publiques. Ainsi, c’est ce qui explique pourquoi certains décident d’aller dans le Sud, quitte à se retrouver au cœur d’une controverse nationale.

De ce fait, la distanciation sociale a fait en sorte que des gens qui se ressourcent a posteriori dans les interactions avec les autres se sont retrouvés déconnectés du monde social.

Ainsi, les défis sociaux sont plus que jamais mis de l’avant durant les pandémies, car la réalité économique est le reflet des conditions sociales. En outre, le bien-être de la société est la pierre angulaire de la croissance économique et vice-versa. Par ailleurs, il est de plus en plus prouvé que des niveaux d’inégalité plus faibles peuvent rendre l’économie moins vulnérable aux crises financières ou aux périodes de stagnation (2). Il est donc fondamental de maintenir la collectivité même en temps de crise, de soutenir les communautés et de prioriser le bien-être social malgré la peur de ne plus avoir de papier de toilette dans les supermarchés.


L’impact psychologique : l’héritage des autres pandémies


Au Québec, Karine Dion, médecin urgentologue, vient tout juste de s’enlever la vie, victime collatérale du virus disent-ils, mais le juste dirait qu’elle était une victime de premier rang. En effet, la propagation de la COVID-19 nous rappelle plusieurs épidémies comme le SRAS, l’Ebola ou encore la H1N1. L’histoire des pandémies et des épidémies dans le monde nous a démontré que leurs effets psychologiques ne se limitent pas à la peur de contracter le virus. Ce serait beaucoup trop simpliste et réducteur de ne prendre en compte que cet aspect individualiste du virus. Ainsi, il y a plusieurs aspects psychologiques qui reviennent, comme la peur de perdre ses proches, l’isolement, l’angoisse, le sentiment d’être coincé (que la vie est en suspens) et surtout le sentiment d’impuissance. Les pandémies n’ont jamais filtré leurs victimes, et ceux qui se trouvent au premier rang pour combattre le virus ne s’en sortiront pas sans séquelles psychologiques. En effet, les travailleurs de la santé seront particulièrement touchés par le stress. Ils risquent de développer plusieurs syndromes, dont l’épuisement physique et émotionnel, le trouble de stress post-traumatique, etc (3). Pendant le SRAS, jusqu’à 50 % des professionnels de la santé souffraient d’un stress psychologique aigu à cause de la peur de la contagion des membres de leur famille et de l’isolement social. Ils vivent également un état de stress traumatique secondaire qui est modelé par un sentiment d’inconfort lorsqu’il leur est impossible de fournir les traitements adaptés à tous les patients (3).


Pour le reste de la population qui n’est pas sur le champ de bataille avec le virus, les effets de la COVID-19 restent notoires. Dans une étude scientifique, les données d’un questionnaire qui mesure la satisfaction à l’égard de la vie et de l’intégration sociale, la détresse psychologique et l’aversion au risque ont été recueillies auprès de 1381 Canadiens au cours des premiers jours de la mise en place des mesures intenses de la santé publique, soit du 31 mars au 15 avril 2020 (4). Les résultats démontrent l’impact colossal de la distanciation sociale, notamment la détresse psychologique accrue qu’elle engendre. Les personnes manifestent de la détresse globale et ses tangentes comme la panique, la dépression et les troubles émotionnels (4). Cette étude révèle déjà à quoi il faut s’attendre avec le prolongement du confinement sur une période beaucoup plus longue. Cela démontre aussi l’importance des mesures de santé publique et le rôle primordial du gouvernement dans la gestion de la crise. Comment celui-ci a-t-il anticipé ces effets non exhaustifs qui pèsent telle une épée de Damoclès sur la tête de la population ?


L’impact politique : une gestion de crise aussi « efficace » que celle de l’environnement ?


Comment gérer cette crise sur le plan national ? Que ce soit au niveau fédéral ou au niveau provincial, une chose est sûre : il faut trouver rapidement des politiques publiques efficaces et adaptées. Le Canada devrait mettre en place des politiques qui encouragent l’équité plutôt que le financement par emprunt, et ce, afin de favoriser la création et la croissance d’entreprises, ainsi que la stabilité des commerces locaux menacés par la pression du marché en temps de crise (2). Sur le plan des politiques sociales, bien que des initiatives sont mises en place pour favoriser l'accès aux services de santé mentale pour les personnes présentant une symptomatologie légère à modérée, l'accès aux soins demeure un problème considérable, en particulier pour les personnes atteintes de troubles mentaux plus complexes et graves (5). Le système de santé mentale au Canada n'avait pas la capacité de répondre à la demande avant le début de cette pandémie, et l'accès aux soins deviendra encore plus problématique, à moins que les gouvernements fédéral et provinciaux n'agissent maintenant pour amortir la recrudescence des problèmes de santé mentale causés par la COVID-19.


Au niveau international, la pandémie a plus que jamais fait ressortir les failles du multilatéralisme et a mis à l’épreuve les rails de la coopération mondiale. Le soutien aux économies des pays en développement est moindre, alors qu’ils sont confrontés à la pire crise humanitaire depuis la Seconde Guerre mondiale et qu’ils subissent des pressions sans précédent compte tenu de leur budget national précaire. Leur budget alloué pour répondre aux besoins urgents en matière de santé publique et de programmes sociaux se voit limité, et seule la mise en place d’un programme de réforme visant la résolution des problèmes structurels causés par la vulnérabilité des pays du Sud en raison de leur dette, programme dirigé par l’ONU en collaboration avec le FMI, pourra assurer leur stabilité. Finalement, l’heure est grave, car si la communauté internationale ne réagit pas de manière décisive maintenant, l’Agenda 2030, prévue par l’Assemblée générale de l’ONU, et l’Accord de Paris seront univoquement déraillés. Il faut plus que jamais une réponse internationale coordonnée à la crise (6).


Conclusion


L’après COVID-19 laissera-t-il place à un système de santé épuisé, un système d’éducation affaibli et une société fragmentée ? Comment la COVID-19 a-t-elle renversé notre normalité ? Ou plutôt, comment la COVID-19 a-t-elle affiché la fragilité et le débalancement de notre système mondial ?  Et si la source du problème remonte aux veines de notre société qui a longtemps été infectée par le consumérisme et l’individualisme ? En effet, il a pu être observé que les effets majeurs de cette crise ne sont pas inconnus. Les effets sociologiques, psychologiques et politiques ne sont que le reflet des inégalités économiques déjà existantes (6).


À quoi ressemblera le monde après la COVID-19 ? Grand nombre des problèmes auxquels nous serons confrontés au cours de la prochaine décennie seront simplement des versions plus extrêmes de ceux auxquels nous sommes déjà confrontés aujourd'hui. Cette fois, le monde ne se portera mieux que si, à la sortie de cette crise, nous décidons de prendre des mesures pour résoudre ces problèmes de façon permanente. Dans The Pandemic Is a Portal, l’auteur indien Arundhati Roy écrit : « Historically, pandemics have forced humans to break with the past and imagine their world anew. This one is no different. It is a portal, a gateway between one world and the next. » (7). Même si la COVID-19 est un jour éradiquée de la planète, ses démembrements seront toujours de ce monde, et il faudra plus qu’une dose de vaccin pour y mettre un terme. Il faudra « imaginer » un monde plus égalitaire, centré sur le climat et les injustices sociales, avec pour objectif de dévier la trajectoire fatidique de l’humanité qu’a pris l’homme depuis des siècles. La logique du sous-développement, de la détérioration climatique et des inégalités sociales universellement acceptée doit être remise en cause avant que la prochaine pandémie ne soit la dernière leçon.

  1. Mutlu YUKSEL, Yigit AYDEDE, Francisko BEGOLLI, « Dynamics of Social Mobility during the COVID-19 Pandemic in Canada IZA », Institute of Labor Economics, 2020, [En ligne], < http://ftp.iza.org/dp13376.pdf> (PDF), (page consultée le 11 janvier 2021).

  2. Carolyn A. WILKINS, « Exploring life after COVID-19: the far side of the moon », Bank of Canada, 12 novembre 2020, [En ligne], <https://www.bankofcanada.ca/wp-content/uploads/2020/11/remarks-2020-11-12.pdf> (PDF), (page consultée le 11 janvier 2021).

  3. Valeria SALADINO, Davide ALGERI, Vincenzo AURIEMMA, « The Psychological and Social Impact of Covid-19: New Perspectives of Well-Being », Front Psycho, 2 octobre 2020, [En ligne], <https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2020.577684/full>, (page consultée le 11 janvier 2021).

  4. Lisa A. BEST, Moira A. LAW, Sean ROACH, Jonathan M.P. WILBIKS, « The Psychological Impact of COVID-19 in Canada : Effects of Social Isolation During the Initial Response », Canadian Psychology/Psychologie Canadienne, 2020, [En ligne], <http://dx.doi.org/10.1037/cap0000254>, (page consultée le 11 janvier 2021).

  5. Neve DOYLE, « Seeing Firsthand How Canada's Mental Health System Is Failing Those Who Need It », The Mighty, 14 octobre 2019, [En ligne], <https://themighty.com/2019/10/canada-mental-health-system-broken/>, (page consultée le 12 janvier 2021).

  6. Daniel SUSKIND et al., « How Will Be the World Be Different after Covid-19 », Finance and development, 2020, [En ligne], <https://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/2020/06/pdf/how-will-the-world-be-different-after-COVID-19.pdf> (PDF), (page consultée le 12 janvier 2021).

  7. Arundhati ROY, « The Pandemic Is a Portal », The Financial Times, 3 avril 2020, [En ligne], <https://www.ft.com/content/10d8f5e8-74eb-11ea-95fe-fcd274e920ca>, (page consultée le 12 janvier 2021).

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