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L’indulgence de la rentrée

Auteur·e·s

Noémi Brind’Amour-Knackstedt

Publié le :

1 septembre 2020

Cette rentrée scolaire annonce une remarquable entrée dans l’ère numérique. Le fidèle tableau noir et la petite craie blanche ne sont plus qu’un vague souvenir où l’on éclairait la minuscule classe grâce à une lampe à l’huile. Révolue est l’époque où les élèves résolvaient des équations sur des tableaux blancs intelligents ou bien sur des iPads. Dorénavant, bienvenue à l’université Zoom. Accélérant le virage numérique, la pandémie a autant bouleversé l’apprentissage de la communauté étudiante que le format d’enseignement du corps professoral. Du semestre hivernal, on retient les plaintes, les angoisses et les inquiétudes des étudiant.e.s. Et on néglige la perspective de ceux et celles qui leur enseignent. Considérant que l’édition de la rentrée est spécialement conçue pour vous, chers et chères étudiant.e.s de première année, votre journal a recueilli des informations au sujet du cours d’Introduction au droit. Celui-ci vous sera enseigné par Anne-Marie Boisvert, Pierre Larouche, Michel Morin, Pierre Noreau et Hugo Tremblay. En outre, Le Pigeon Dissident a donc plus de soixante professeur.e.s et chargé.e.s de cours afin de répondre à vos questions quant au déroulement de la session à distance dans son ensemble.


Incursion dans l’incroyable univers juridique par le cours Introduction au droit


Chers oisillons, sachez que vos professeurs d’Intro ont travaillé ardemment, et ce, depuis le mois de mai, pour vous élaborer une expérience unique et féconde en érudition. Étant donné qu’il n’y a que quelques amphithéâtres permettant de respecter les mesures de distanciation sociale, lors de la première séance, laquelle ne sera pas enregistrée, vous rencontrerez vos professeur.e.s par Zoom. Ensuite, l’on prévoit pour chacune des sections un cours en présentiel dans l’amphithéâtre Jean-Lesage à des dates et heures différentes.


Pour les séances suivantes, Anne-Marie Boisvert, Pierre Larouche, Michel Morin, Pierre Noreau et Hugo Tremblay ont uni leurs forces pour préenregistrer une présentation visuelle de leurs PowerPoint, lesquels varient entre une vingtaine de minutes et une demi-heure. Chaque professeur.e est responsable d’un certain nombre de capsules. Cependant, leur contenu a été revu et approuvé par tous. Certains développements ont été allégés au profit du temps réservé aux exercices et aux échanges. Afin de vous pratiquer, vous devrez répondre à des jeux-questionnaires ainsi qu’à des exercices. Vous pourrez accéder au site du cours sur StudiUM dès le lundi 17 août.


Comme vous pouvez le constater, les étudiant.e.s de chacune des sections A, B, C, D et E auront droit au même contenu. Néanmoins, votre professeur.e affecté.e à votre section sera disponible pour vous rencontrer via Zoom tous les matins et tous les après-midi à 10 h et 14 h lors de la semaine du 24 août. Ainsi, ce format synchrone vous permet de poser des questions et de discuter des lectures ainsi que des exercices. Parfois, la section sera sujette à la subdivision pour faciliter les échanges virtuels entre étudiant.e.s.


En ce qui a trait à l’examen, le Pigeon vous recommande fortement de faire les mini-jeux-questionnaires et les exercices, car il semblerait que votre évaluation suivra le même modèle de questions posées dans ces derniers. Pour la correction, vos enseignant.e.s conservent à l’esprit le contexte particulier dans lequel se déroulera votre examen !


Une audience composée de black mirrors


À travers la collecte de données, le Pigeon a découvert que plusieurs professeurs n’enseigneront pas cet automne en raison d’une période consacrée à la recherche, d’une sabbatique ou bien d’une retraite. Faute de temps ou bien même d’expérience en enseignement en ligne, certains professeur.e.s ne pouvaient tout simplement pas répondre aux onze questions suivantes.

Heureusement, pour une fois, les professeur.e.s et les chargé.e.s de cours ont misé sur la collaboration en partageant leur savoir.

Préférez-vous le format de cours asynchrone ou synchrone ?


En général, le consensus règne autour du format hybride, c’est-à-dire un cours constitué de séances asynchrones et synchrones. La dimension asynchrone offre ainsi une souplesse aux étudiant.e.s dans leur gestion de leur horaire et d’autres contraintes et permet également à l’enseignant.e de réaliser du montage afin de clarifier, voire même de bonifier, certains passages. De plus, l’aspect asynchrone abaisse la difficulté que peut rencontrer la plateforme Zoom avec environ 90 étudiant.e.s connecté.e.s. Toutefois, le mode asynchrone ne se prête guère aux interactions virtuelles entre le ou la professeur.e et ses étudiant.e.s. À ce moment, grâce au format synchrone, il est nettement plus aisé de vérifier la compréhension des étudiant.e.s de la matière, que ce soit par le biais d’échanges ou d’une période de questions.


Ainsi, il est possible que les étudiant.e.s puissent consulter des PowerPoint narrés ou bien des capsules vidéos, puis disposent d’une séance Zoom afin d’approfondir et de valider leurs connaissances.


De plus, quelques professeurs ajoutent un suivi individualisé par le truchement du courriel ou de rencontres en personne ou en visioconférence afin de subvenir aux besoins des étudiant.e.s.


Les formations qui vous ont été offertes pour la transition en ligne vous ont-elles bien préparé.e.s ?


L’Université de Montréal met à la disposition des professeur.e.s et des chargé.e.s de cours de nombreuses ressources, des tutoriels et des webinaires afin d’assurer l’adaptation des cours au format en ligne. En effet, le contenu d’un cours à distance ne constitue pas un copié-collé d’un cours en présentiel. Globalement, les formations demeurent assez générales et ne répondent pas forcément aux contraintes spécifiques des cours de droit, c’est-à-dire un groupe très large d’étudiants pour un.e seul.e professeur.e.


Heureusement, pour une fois, les professeur.e.s et les chargé.e.s de cours ont misé sur la collaboration en partageant leur savoir. En effet, les professeur.e.s « plus jeunes et plus familier.ère.s avec les technologies » ont été d’une précieuse aide pour leurs collègues moins habiles et moins à l’aise. Idéalement, plusieurs professeur.e.s auraient souhaité bénéficier de davantage de temps pour concevoir tout le matériel adapté à l’enseignement en ligne. Bref, la plupart des enseignant.e.s se sentent soutenu.e.s, mais pas suffisamment à leur goût.


Un des professeur.e.s sondé.e.s par Le Pigeon Dissident affirme que la formation donnée lui a suffi pour maîtriser Zoom et le logiciel PowerPoint. D’ailleurs, le Pigeon tient à le féliciter d’avoir « exploré powerpoint [lui-même] ».


De quelle manière comptez-vous « dynamiser » votre cours afin de stimuler la réflexion chez vos étudiant.e.s ?


Les professeur.e.s et les chargé.e.s de cours s’entendent pour réitérer la création de sous-groupes dans Zoom afin d’initier une discussion, lesquels seraient des « salles de conférence » non supervisées et non enregistrées par l’animateur.trice du Zoom. Un.e professeur.e suggère même de les appeler des « Break Out Rooms ». Le corps enseignant invite également les étudiant.e.s à discuter entre eux par le biais du forum sur StudiUM ou même via un groupe Facebook.


D’autres proposent une période de déconnexion, c’est-à-dire une pause prolongée, puis retourner à la séance en commençant par un outil dynamique de type Polleverywhere. Afin de dynamiser les lectures, il est possible d’utiliser l’outil de lecture en groupe Perusall.


Les professeur.e.s sont conscient.e.s que les étudiant.e.s de première année devront faire preuve d’imagination pour bâtir un réseau de camarades comme l’ont fait les cohortes précédentes.


Les étudiant.e.s devront-ils/elles activer leur caméra vidéo lors des cours synchrones ? Quels sont les bénéfices d’une telle approche selon vous ?


Évidemment, les professeur.e.s et les chargé.e.s de cours préfèreraient que la caméra des étudiant.e.s soit activée. Or, est-ce vraiment réaliste de l’exiger ? Plus d’une cinquantaine de caméras allumées risquent certainement de tester la patience de la bande passante. De plus, il s’agit d’une intrusion directe dans l’environnement personnel de chaque étudiant.e. À cela s’ajoute la question du vol d’image. Qui sait, peut-être que l’un d’entre nous effectuera une capture d’écran d’un.e autre étudiant.e qui s’endort ou même de l’enseignant.e en question ! L’activation de la caméra n’élimine toutefois pas les étudiant.e.s « zombies », à savoir des étudiant.e.s qui se connectent, éteignent leur caméra et n’écoutent plus…


Le principal avantage de la caméra allumée consiste en l’évaluation de la compréhension des étudiant.e.s par leur langage non verbal et leur réactivité. Ainsi, l’apprentissage devient plus efficace et, bien entendu, plus agréable pour l’enseignant.e.


La pluralité d’approches en matière d’enseignement en ligne est-elle bénéfique OU néfaste pour les étudiant.e.s ? Devrions-nous uniformiser les approches ? Par exemple, tous les cours devraient être synchrones.


Sachant qu’il y a une pluralité de types d’apprenants, l’uniformité n’est pas envisageable, ni même souhaitable. La diversité des approches favorise l’apprentissage.


Si tous les cours étaient offerts selon la formule synchrone « pure », celle-ci présente son lot de défis, car elle exige que des conditions précises soient réunies. Par exemple, il faudrait que chaque participant.e puisse s’isoler dans un endroit déterminé pour suivre le cours, à l’abri des distractions externes. Chaque professeur.e devrait pouvoir profiter de tous les outils qui lui sont offerts à la lumière de ses habiletés personnelles et de ses limites.


Devrions-nous instaurer le système d’assistant.e.s-professeur.e.s (teacher assistants) comme c’est déjà le cas dans le système anglophone (McGill, Concordia) pour mieux répondre à VOS besoins ainsi que ceux de la communauté étudiante ?


Certes, de l’aide ne se refuse pas. Or, en général, les professeur.e.s préfèrent rencontrer les étudiant.e.s par eux-mêmes et elles-mêmes. En revanche, une assistance technique pour bénéficier de toutes les fonctionnalités de Zoom (éteindre les micros, modérer les discussions) serait grandement appréciée. Cette assistance peut très bien être fournie par les étudiant.e.s présent.e.s !


Pourtant, le rôle d’assistant.e permettrait de répondre aux questions des étudiant.e.s par le biais du « chat » en direct pendant le cours.


Pour certains professeurs, il faudrait songer à créer des postes additionnels de professeur.e.s de carrière. Ces derniers estiment que la crise sanitaire a mis en lumière les limites du modèle de la formation en sciences humaines, à savoir un amphithéâtre rempli d’étudiant.e.s pour un nombre insuffisant de professeur.e.s et pour du personnel à statut précaire. Un tel modèle enrichit les coffres des universités au détriment d’un ratio étudiants-professeurs réaliste. En fait, la pandémie fournit un excellent prétexte pour réformer les bases de financement de la formation juridique « afin de refléter les impératifs contemporains du monde de la justice, notamment une meilleure formation aux habiletés cliniques et aux capacités d’innover ».


Où trouvez-vous votre motivation pour donner un cours en ligne ?


Si plusieurs étudiant.e.s constatent une perte d’intérêt pour les cours à distance, il apparaît normal que ce soit peut-être le cas de leurs professeur.e.s également. En effet, où puise-t-on le plaisir d’enseigner lorsqu’on peine à interagir avec des apprentis juristes.


Pour vous octroyer des cours en ligne de grande qualité, vos professeur.e.s et chargé.e.s de cours font appel à leur passion du droit et à celle d’enseigner, leur désir de vous rencontrer et de vous accompagner dans ces circonstances particulières. En outre, il s’agit pour vos enseignant.e.s d’une expérience leur permettant de développer leurs propres habiletés, voire même d’évoluer.


Certains dévoilent avec le sourire que les cours par Zoom constituent un moyen non négligeable pour éviter le trafic entre l’Université et leur domicile.


Avez-vous des craintes quelconques par rapport à l’enseignement en ligne ?


Alors que de nombreux professeur.e.s craignent l’augmentation de plagiat, d’autres se méfient de la numérisation automatique de documents tels que les solutionnaires. Plus d’un.e anticipent les difficultés techniques, mais ils et elles ont confiance que les étudiant.e.s viendront à leur rescousse.


Quelques professeur.e.s s’inquiètent quant au bien-être de l’étudiant.e. Comment parviendront-ils/elles à percevoir — et calmer — les angoisses, les doutes des étudiant.e.s par le biais d’un cours synchrone « pur » ? Comment être ainsi présent.e pour chacun.e d’entre nous ? Par ailleurs, les évaluations demeurent un défi de grande taille si l’on tient compte du nombre élevé d’étudiant.e.s par cours.


D’autres professeur.e.s rappellent les risques de décrochage reliés à l’apprentissage complexe du savoir juridique, lequel requiert un engagement relativement important en matière de temps.


Avez-vous des conseils à donner aux étudiant.e.s, peu importe leur année ?


« Soyez indulgent.e.s ». Envers vous-même. Envers vos professeur.e.s. Envers tous et toutes. Les conditions optimales sont loin d’être réunies, donc il est normal que vous rencontriez certains accrocs.


Néanmoins, soyez assidu.e.s et discipliné.e.s. Participez activement aux activités pédagogiques qui vous sont proposées et planifiez rigoureusement votre horaire. Cette session, vous avez l’occasion d’être plus actif.ve.s dans le cadre de vos études.


Ne croyez pas que le format asynchrone vous accorde plus de temps. En réalité, c’est bien le contraire. Écouter un cours en différé accapare davantage de temps, car vous pouvez reculer, mettre sur pause. Ainsi, un cours d’une durée de trois heures peut facilement s’étirer sur une période supplémentaire d’une heure.


Soyez également solidaire entre vous. Entraidez-vous, chers et chères futur.e.s juristes. Posez-vous des questions sur la matière après avoir lu votre jurisprudence et votre doctrine. Soyez préparé.e.s à devenir enfin maître de votre apprentissage.


Avez-vous modifié votre correction des évaluations ? Pensez-vous avoir été plus sévère OU clément.e lors de la session d’hiver OU ne notez-vous aucun changement dans votre correction ?


Le Pigeon retient une réponse particulièrement éloquente : « On doit adapter les évaluations, mais jamais baisser les standards ».


Espérez-vous pouvoir couvrir toute la matière prévue par le syllabus ? Par exemple, s’il s’agit d’enregistrements déposés sur StudiUM, il semble ainsi plus facile de contrôler le rythme du cours, car il n’y aucune réelle interruption.


Grâce aux enregistrements qui favorisent la répartition de la matière en capsules, il y a, effectivement, moins d’interruptions. En mode synchrone, davantage de problèmes peuvent survenir et ainsi perturber le rythme du cours.


***


Votre formation juridique, dépourvue de professeur.e.s et de chargé.e.s de cours, s’enrichirait de peine et de misère. Vous pouvez tous et toutes lire et annoter votre doctrine. Or, en saisissez-vous bien l’essence ? La compréhension du savoir juridique est un privilège acquis par la collaboration entre les parties impliquées. Comme le pointe une de vos enseignant.e.s, « ce n’est pas seulement l’étudiant.e qui continue d’apprendre ». Faites preuve de patience. Faites-leur confiance, oui, mais faites-vous confiance aussi. #Çavabienaller

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