top of page
Portrait%20sans%20photo_edited.jpg

L’envers du changement d’horaire

Auteur·e·s

Angel Sun-Veilleux

Publié le :

30 novembre 2023

« ACAB! », « à bas le système! », « cessez-le-feu immédiat! ». Trop souvent, face à ces revendications dites woke, on ne peut s’empêcher de questionner l'ampleur du projet. Vraiment, essayer de changer tout un système? Ambitieux, les jeunes. Pourquoi ne pas vous tourner vers des demandes plus concrètes et individuelles? Ah, elles aussi ne fonctionnent pas? Qui blâmer? Nous? Eux? Quels enjeux attaquer? Les enjeux systématiques ou les enjeux de tous les jours? Eh bien, moi, j’ai décidé de m’attaquer au plus mondain des mondains, quelque chose qui nous touche chaque fois qu’on a une pause de 4h le lundi dans notre horaire, chaque fois qu’on a 6h de cours en une journée… le changement d’horaire à la fac. Au début, j’avais un débat intérieur : le sujet est-il trop futile? Y a-t-il même un consensus sur le sujet ou suis-je juste dans une chambre d’écho, une bulle de plaignards? Qui suis-je pour essayer d’en parler, encore moins changer les choses? En revanche, dans l’esprit du thème de cette édition du journal, on va répondre par des affirmations. Oui, je vais créer un Google Forms digne du meilleur cours de méthodologie de CÉGEP. Oui, je vais en parler, même si ça semble être plate et horriblement anodin. Eh oui, je vais en parler, même si la décision semble être chose jugée et qu’il n’y a plus rien à faire.

L’instauration du CHAL s’est faite dans un processus manquant de collégialité et de consultation des acteur.rice.s concerné.e.s. Concrètement, les avantages du CHAL sont difficiles à trouver, surtout au sein de notre faculté, ce qui aurait dû être pris en compte par les données démographiques du sondage de la FAÉCUM.

En regardant le graphique 1, on peut déjà constater que l’horaire de l’an passé était satisfaisant pour presque toustes les étudiant.e.s, frôlant la déification. « C’était mieux avant! », c’est le cas de le dire. Bien que le graphique 2 démontre une plus large gamme d’opinions, il en ressort tout de même qu’une portion notable d’étudiant.e.s sont insatisfait.e.s avec leur nouvel horaire. C’était donc assez pour me lancer dans ma quête d’information. Au fil de mon grattage de bobos, c’est là que j’ai découvert l’ampleur de la problématique.

La naissance du changement horaire

Tout d’abord, pour éviter toute confusion, le changement dans les horaires a été imposé par l’Université à toutes les facultés. Le nouveau système mis en place est surnommé le CHAL, soit le système de création des horaires de cours et l'assignation des locaux d'enseignement. Ce comité au sein de l’Université a été créé afin de diriger, superviser et recommander tout ce qui est en lien avec le changement d’horaire. Celui-ci compte plusieurs membres de l’administration, mais un.e seul.e élève nommé par la FAÉCUM est présent.e. L’absence de professeur.e.s, de chargé.e.s de cours ou encore de représentant.e.s syndicaux.ales est aussi criante. De quoi partir sur un bon pied.


Le comité CHAL est né d’un rapport et d’un sondage effectués par la FAÉCUM. Dans son rapport, il cite plusieurs problèmes qui affectent la population étudiante, dont « le trop grand nombre de cours ou d’examens par jour, l’incapacité à se déplacer dans les délais attendus entre deux cours et la trop grande occurrence des conflits d’horaire. » Il est assez ironique que ces problèmes soient les mêmes qui ont nouvellement été créés au sein de notre faculté.


Le sondage qui a mené à la création du rapport a été diffusé en automne 2018. Au final, c’est 322 étudiants qui ont répondu, soit 0,805% des 40 000 membres de la FAÉCUM. En ce qui concerne mon sondage, celui-ci a eu 234 répondants, représentant 19,5% des étudiants du bac. La FAÉCUM est notre unique voix dans les engrenages du CHAL et, en ce moment, elle est extrêmement mal représentée. Ce n’est pas la première fois que cette problématique est soulevée, considérant que celleux oeuvrant au sein dd la FAÉCUM ne sont plus étudiant.e.s.

Le panier de cours

Cette année, exceptionnellement, le choix des cours a été fait en deux temps, non pas sans retards. Le CHAL est une des causes de ces retards. Avant que les élèves puissent choisir leurs cours, il y a beaucoup d’étapes préliminaires. Notamment, celle de noter les disponibilités des professeur.e.s et chargé.e.s de cours. Auparavant, et de façon générale, les professeur.e.s donnaient leurs disponibilités pour leurs cours directement à la fac. C’est là que tout le  casse-tête de création et d’attribution des plages horaires débutait.


Depuis l’instauration du CHAL, par contre, le modus operandi a été inversé. Au lieu de demander les disponibilités des professeur.e.s, il leur est maintenant exigé de fournir toutes leurs indisponibilités de 8h30 à 21h30, incluant les fins de semaine. Il leur fallait également fournir des justifications pour motiver chacune de leurs indisponibilités, jusqu’à ce qu’une entente soit signée entre le syndicat des professeur.e.s et l’Université de Montréal, mettant sur pause cette exigence. Non seulement était-ce un flagrant empiètement de la vie privée des professeur.e.s, mais c’était une demande irréaliste compte tenu des aléas de la vie.


Tous changements en cours de route doivent maintenant être faits au CHAL et  les délais de traitement sont énormes. Au printemps dernier, avant même qu’il soit instauré, il y avait au moins 5200 changements demandés pour la période d’automne 2023 (locaux inadéquats, examens durant des jours fériés, horaires incompatibles avec les exigences du programme, non-respect des indisponibilités des professeur.e.s, etc.).

Horaires chargés

La FAÉCUM souligne et propose plusieurs solutions pour alléger les horaires trop chargés. En observant les résultats des graphiques 3 et 4, il est possible de voir qu’il y a une nette augmentation des étudiants qui ont plusieurs cours dans une journée. Charger son horaire certains jours peut être un avantage ou un désavantage. Par contre, ce que je décris, c’est surtout le fait que plusieurs élèves qui ne voudraient pas avoir des journées chargées sont obligé.e.s d’en avoir.  Plusieurs témoignent que la fatigue se ressent souvent dans les cours en fin de journée et que le taux d’engagement dans ces cours diminue, autant chez les étudiants que chez le corps professoral. Est-ce vraiment ce que nous souhaitons pour la qualité de notre éducation?

La pause universelle

Un des plus grands reproches des professeur.e.s et des étudiant.e.s est la frustration pour les cours d’après-midi et de soir le vendredi. Alors que nous baignons dans un discours social sur la semaine de travail de 4 jours, cette augmentation d’offre de cours le vendredi semble être un pas en arrière. Surtout qu’auparavant cette plage horaire était réservée pour une pause universelle: il était possible d’y faire des reprises de cours, donner des conférences, faire des périodes de questions, etc. Cette pause universelle était aussi connue des autres organisations avec qui la faculté fait affaire comme les milieux communautaires et les entreprises pour les stages, les tribunaux pour les stages dans la magistrature et les cabinets d’avocats. Eux aussi ont dû procéder à des changements à l’interne pour accommoder cette nouvelle réalité.


Maintenant, la pause universelle est le mercredi de 15h30 à 18h30, mais celle-ci ne semble pas respectée, connue ou utilisée à ses fins (plusieurs reprises ayant lieu à d’autres périodes). Les résultats du sondage (graphique 5) démontrent aussi l’insatisfaction de ce changement de la part des étudiants.

Les conflits d’horaire

Les conflits entre les horaires sont les problèmes les plus difficiles à éviter. Par exemple, au cours de cette session et encore plus à la session prochaine, les cours obligatoires sont disproportionnellement présents le jeudi et le vendredi.


Par contre, le conflit d’horaire le plus remarquable est avec les divers événements de la faculté. Que ce soit ceux créés par les comités, l’AED, le CDP, les cabinets d’avocats ou autre, il y a une grogne générale des étudiant.e.s qui doivent choisir entre leur éducation et d’autres opportunités d’apprentissage en dehors de la salle de cours. L’expérience universitaire est tellement plus riche et complexe que les cours et les heures passées sur les bancs rotatifs de Jean-Brillant. Ce sont toutes les rencontres, les champs d’intérêt explorés, les projets futurs créés, les expériences professionnelles, entre autres, qui en font aussi partie. Le changement d'horaire est un obstacle à la vie étudiante.

Conclusion

Beaucoup des critiques soulevées avaient déjà été mises de l’avant par le syndicat des chargé.e.s de cours et des professeur.e.s. Leurs membres ont même sorti un communiqué conjoint afin de réitérer leur mécontentement, déjà partagé à l’interne.


L’instauration du CHAL s’est faite dans un processus manquant de collégialité et de consultation des acteur.rice.s concerné.e.s. Concrètement, les avantages du CHAL sont difficiles à trouver, surtout au sein de notre faculté, ce qui aurait dû être pris en compte par les données démographiques du sondage de la FAÉCUM. Énormément de problèmes que le système cherchait à résoudre ont donc soit été créés de toutes pièces à la suite de celui-ci, soit été empirés. Si les professeur.e.s et les chargé.e.s de cours sont insatisfait.e.s, que les étudiant.e.s le sont toustes également, qui tire bénéfice de ce changement?


Lors d’une assemblée universitaire tenue le 2 octobre 2023, le recteur a affirmé qu’il était encore « trop tôt pour parler d’un échec ». Que faut-il de plus pour parler d’un échec? Encore pire lorsqu’on pense à tous les coûts entraînés par ce changement et le programme informatique utilisé; argent qui aurait pu mener à des améliorations concrètes pour les parties susmentionnées.


Prendre des décisions de cette amplitude sans que les personnes affectées soient assises à la table de discussion est une pente très glissante. Ignorer les critiques et les problèmes soulevés par ces mêmes personnes (qui se sont avérées bien réelles et fondées) est la recette pour un échec.


Je veux également préciser que la faculté dans sa propre gestion des horaires pré-CHAL n'était pas irréprochable. Par contre, en lui retirant ses pouvoirs discrétionnaires, on assiste à un rallongement de la chaîne de prise de décisions et, de ce fait, la possibilité de rectifier d’autres problèmes au sein de la faculté.


Je ne prétends pas détenir les solutions à tous les problèmes soulevés, personne ne devrait, mais je peux affirmer avec certitude que c’est en entreprenant un processus transparent, collaboratif et réceptif que la solution pourra être créée. À ce jour, ceci n’est pas le cas et nous ne devrions pas l’accepter comme étant satisfaisante, surtout en tant qu’étudiant.e.s directement impacté.e.s.


Signé, Angel Sun-Veilleux.

PS – Je tiens à remercier tous ceux.elles qui ont participé, de loin ou de près, à la rédaction de cet article, que ce soit en répondant au sondage, en alimentant ma réflexion ou en répondant à mes multiples questions.

Image: https://www.pinterest.ca/pin/12666442693896430/


1) FÉDÉRATION DES ASSOCIATIONS ÉTUDIANTES DU CAMPUS DE L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL, Les horaires des cours, Montréal, FAÉCUM, 2019, en ligne: https://www.faecum.qc.ca/ressources/documentation/avis-memoires-recherches-et-positions-1/avis-sur-les-horaires-des-cours

2) Ibid, p. 4

3) SCCCUM, Communiqué conjoint SCCCUM et SGPUM, 2023 en ligne: https://app.cyberimpact.com/newsletter-view-online?ct=KLrzqkMDvubsx6P9qCih8X28TBhOQZFxmwGv9hxjAUCnruR2Gp4Wu6q0ceDGK_bvLbPsrc0ZnMX-R8rcQy4IXQ~~

4) UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL, Procès-verbal de la 0649e séance, Montréal, 2023, p. 7, en ligne: https://secretariatgeneral.umontreal.ca/public/secretariatgeneral/documents/proces_verbaux/AU/2023/AU0649_2023-10-02.pdf

bottom of page