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L’Entente sur les tiers pays sûrs

Auteur·e·s

Jade Assayag

Publié le :

1 septembre 2020

Le Canada est un pays à fort taux d’immigration. En 2016, 21,9 % des Canadiens seraient nés à l’étranger[1]. Cependant, les gouvernements successifs, quelle que soit leur orientation politique, ont mis en place diverses mesures afin de limiter le nombre de demandeurs d’asile au Canada.


« From strict visa issuance policies to airline sanctions for undocumented travellers, Canada is a model for migration control intended to discourage potential asylum seekers. »[1]


L’Entente sur les tiers pays sûrs[2] (ci-après « Entente »), entrée en vigueur en 2004, est un exemple flagrant de mesure ayant participé à réduire le nombre de demandeurs d’asile arrivant des États-Unis.


« En vertu de [cette entente], les demandeurs d’asile sont tenus de présenter leur demande dans le premier pays sûr où ils arrivent, à moins d’être visés par une exception prévue par l’Entente. »[3]


Or, les États-Unis étant le seul tiers pays sûr reconnu au sens de l’article 102 (1) a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (ci-après « LIPR »), «  […] les personnes qui arrivent à un point d’entrée terrestre du Canada (PDE) des États-Unis [sont] inéligibles à présenter une demande d’asile au Canada. »[4]

Une telle décision est une victoire pour les demandeurs d’asile.

Amnistie internationale souligne « [qu’] un an après la signature de l’Entente, le Conseil canadien pour les réfugiés (CCR) indiquait une chute d’environ 50 % des demandes d’asile à la frontière canado-américaine »[5].


Dès son entrée en vigueur, l’Entente fait l’objet de vives critiques, car elle a pour conséquence d’exposer les demandeurs d’asile renvoyés aux États-Unis à « de graves violations de leurs droits humains »[6]. En 2002, le Gouvernement s’est pourtant engagé à « mettre en place une procédure équitable et efficace qui soit respectueuse […] des droits et des libertés fondamentales reconnus à tout être humain » (3 [2] e) LIPR).


Le 29 décembre 2005, Amnistie internationale, le Conseil canadien des réfugiés, le Conseil canadien des Églises ainsi qu’un « demandeur d’asile colombien aux États-Unis, intentent une contestation judiciaire de la désignation des États-Unis comme tiers pays sûr »[7].


Le 29 novembre 2007, la Cour fédérale « conclut que la désignation des États-Unis comme tiers pays sûr est invalide et illégale », que l’Entente « viole la Charte canadienne des droits et libertés (article 7 : droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne et article 15 : non-discrimination) » et que « les États-Unis violent la Convention contre la torture en ne se conformant pas à ses obligations de non-refoulement »[8].


Malheureusement, le 27 juin 2008, la Cour d’appel fédérale infirme la décision de la Cour fédérale, tandis qu’en 2009, la Cour suprême refuse d’entendre l’affaire.


Une lueur d’espoir en 2020


Dans une décision rendue le 22 juillet 2020[9], la Cour fédérale conclut à nouveau que le renvoi des demandeurs d’asile arrivant des États-Unis en vertu de l’Entente viole l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, considérant les mesures d’emprisonnement prises à leur encontre (voir notamment les paragraphes 104 à 115 de la décision).


Les États-Unis ne pouvant plus être considérés comme un tiers pays sûr, les articles instituant l’Entente (101 [1] e) LIPR et 159,3 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés) sont déclarés inopérants en vertu de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 et, de ce fait, l’Entente est invalide.


Une telle décision est une victoire pour les demandeurs d’asile. Néanmoins, cette décision est suspendue pour une période de six mois, afin de laisser au Parlement le temps de répondre à la décision et peut-être de faire appel, comme cela a été le cas en 2007, tandis que l’Entente reste en vigueur.


Le comité ACAADR


Le Comité ACAADR est la section UdeM de l’Association canadienne des Avocats et Avocates en Droit des Réfugiés (ACAADR). Nous avons pour mandat d’offrir un soutien à l’ACAADR et ainsi de participer à défendre les droits des demandeurs d’asile et réfugiés au Canada.


Suivez-nous sur notre page Facebook : Association canadienne des Avocats et Avocates en Droit des Réfugiés — UdeM


Au plaisir de vous rencontrer !

[1]GOUVERNEMENT DU CANADA, Immigration et diversité ethnoculturelle : faits saillants du Recensement de 2016, mis à jour le 1 octobre 2017, en ligne : <https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/171025/dq171025b-fra.htm>.

[2] Michael BARUTCISKI, « OTTAWA SHOULD APPEAL FEDERAL COURT’S INVALIDATION OF SAFE THIRD COUNTRY AGREEMENT: MICHAEL BARUTCISKI FOR INSIDE POLICY », 10 MLI, en ligne : <https://www.macdonaldlaurier.ca/ottawa-appeal-federal-courts-invalidation-safe-third-country-agreement-michael-barutciski-inside-policy/>.

[3] Déf. Pays sûr : les États respectant « les droits de la personne et [offrant] une solide protection aux demandeurs d’asile peuvent être désignés tiers pays sûrs. », GOUVERNEMENT DU CANADA, Entente entre le Canada et les États‑Unis sur les tiers pays sûrs, mis à jour le 23 juillet 2020, en ligne : <https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/organisation/mandat/politiques-directives-operationnelles-ententes-accords/ententes/entente-tiers-pays-surs.html>. ; Voir également l’article 159.3 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés : « 159,3 Les États-Unis sont un pays désigné au titre de l’alinéa 102 (1) a) de la Loi à titre de pays qui se conforme à l’article 33 de la Convention sur les réfugiés et à l’article 3 de la Convention contre la torture et sont un pays désigné pour l’application de l’alinéa 101 (1) e) de la Loi ».

[4] GOUVERNEMENT DU CANADA, préc., note 3.

[5] The Canadian Council for Refugees, Amnesty International, The Canadian Council of Churches, ABC, de [by her litigation guardian ABC], FG [by her litigation guardian ABC] v The Minister of Immigration, Refugees and Citizenship and The Minister of Public Safety and Emergency Preparedness, 2020 FC 770, par. 3.

[6] AMNISTIE INTERNATIONALE,  RÉFUGIÉS Le droit d’asile au Canada, automne 2011, en ligne : <https://amnistie.ca/sites/default/files/upload/documents/dossiers/refugies_mp_0.pdf>

[7] Id.

[8] Id.

[9] Id.

[10] The Canadian Council for Refugees, Amnesty International, The Canadian Council of Churches, ABC, de [by her litigation guardian ABC], FG [by her litigation guardian ABC] v The Minister of Immigration, Refugees and Citizenship and The Minister of Public Safety and Emergency Preparedness, préc., note 5.

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