top of page
Portrait%20sans%20photo_edited.jpg

Histoire reconnue n’est pas à moitié pardonnée

Auteur·e·s

Sara Sellah

Publié le :

3 novembre 2020

Ces temps d’insouciance alimentant l’enfance ne sont plus et cela fait longtemps que j’ai découvert le monde sous un jour plus obscur. De George Floyd à Joyce Echaquan, le cœur m’est lourd à force d’observer la déchéance humaine s’exprimer par tant de haine. En me levant un matin, alors que je parcourais les quelques pas qui séparent mon lit de mon bureau, une question m’a traversé l’esprit. Elle semblait bien simple en apparence, mais le fait est que les réponses qu’elle entraîne sont lourdes de conséquences. Trop lourdes pour que nos gouvernements acceptent aujourd’hui d’en parler ouvertement.


Comment en sommes-nous arrivés là ?


Nous nous plaisons à penser que les mentalités ont changé, que les comportements racistes sont peu présents. Pourtant, que pouvons-nous répondre à ces gens qui en souffrent quotidiennement ? Le racisme n’est pas un concept près de s’évanouir dans les sociétés modernes. Je suis d’accord pour affirmer que l’acceptation et l’ouverture d’esprit sont bien plus présentes de nos jours. Mais si cela est vrai, comment en sommes-nous arrivés là ? Comment en sommes-nous arrivés à assister au décès d’une femme autochtone dans le plus grand manque de dignité, et ce, en raison de ses origines ? Afin de mieux saisir le tout, je crois qu’un retour aux sources s’avère nécessaire; par conséquent, une partie de la réponse se trouve cachée dans l’histoire qui nous définit en tant que pays. Je me suis questionnée sur les différents épisodes historiques qui démontrent de façon flagrante la présence de racisme ou de manque de tolérance. On conviendra d’abord que certains comportements, autrefois normalisés, ont laissé leurs marques dans la société en dépit des efforts réalisés pour les enrayer. Également, la peur de l’autre est un phénomène profondément enfoui dans les habitudes courantes qui régissent nos vies. Nombre de facteurs inconscients, tel le besoin d’appartenance au groupe, sont la cause de l’intégration de certains préjugés, cela débutant à notre plus jeune âge. Le problème survient lorsque trop peu de personnes en sont conscientes. Trop peu conscientes, parce qu’elles ne connaissent pas le revers de la médaille.


Ainsi, je n’ai qu’une chose à dire : nous ne nous connaissons pas assez. Une histoire trouée, en majorité vidée de ses pires défauts, voilà ce que l’on sait. Tant d’horribles choses se sont produites par le passé, et jamais elles n’auront été reconnues dans notre conscience collective, ou, au mieux, elles le sont très peu. Cette absence de reconnaissance crée un fossé plus grand entre les groupes minoritaires qui, depuis longtemps, sont les cibles de discrimination. À titre d’exemple, les paragraphes qui suivent présentent une sélection de trois événements historiques présentant des aspects peu connus de l’histoire canadienne.

Cependant, ces mouvements sont parfois plus difficiles à faire connaître aux personnes indirectement touchées par ces causes.

Colonialisme canadien


La question des Premières Nations en territoire canadien est toujours sous-estimée. Oui, nous en apprenons plus sur les problèmes causés aux autochtones et oui, nous étudions leurs modes de vie et certaines de leurs pratiques… Mais j’ose croire que ce n’est pas assez. La délocalisation des Inuits, dont je n’ai connu l’existence que récemment, témoigne de certaines horreurs et traumatismes qu’encore, les nations autochtones ont dû subir. Tel que le relate l’article « « Nous l’appelions la "prison" » : l’enfer du déracinement inuit » sur le site de Radio-Canada, plusieurs familles, au temps de la Guerre froide, ont été délocalisées à quelques 2000 mètres au nord de leurs maisons par le gouvernement canadien. L'argument gouvernemental était la réaffirmation de la souveraineté canadienne dans l’arctique et le rattachement à la culture ancestrale de ces peuples. Ses véritables motivations, cependant, cachaient des objectifs politiques ne justifiant pas de telles actions, soit de mettre une présence humaine sur le territoire nordique afin d’éviter l’invasion par les Américains et le braconnage dans ces régions. La destruction culturelle massive qui a été imposée à ces peuples ne nous est pas enseignée dans son ensemble, de façon que l’on puisse dépeindre un portrait juste de l’ampleur des problèmes engendrés. Tout le monde sait que ce qui a été fait est horrible et injustifié. Tout le monde sait qu’aujourd’hui encore, les conséquences de ces actes pèsent sur les Autochtones. Le préjugé reste facile et présent dans la société, en raison du manque d’éducation sur, par exemple, des personnalités inspirantes de cette communauté ou encore une mise de l'avant de certains artistes qui se démarquent par leur originalité et leurs influences culturelles.


Esclavagisme


L’histoire des Afro-Canadiens ne se fait pas souvent entendre. Pourtant, le Canada n’échappe pas à la qualification d’état esclavagiste. En effet, selon l’Encyclopédie canadienne, c’est entre 1600 et 1834 que ces activités étaient pratiquées, mais, ce pour quoi le Canada était notamment reconnu, c’était sa contribution à l’esclavagisme par l’achat de produits faits par des esclaves. Ainsi, comme partout ailleurs, lorsque des esclaves tentaient de s’émanciper, on les blessait ou les battait et parfois, on allait même jusqu’à les tuer. Ce passage peu connu de notre histoire peut sembler anodin parce que la période canadienne d’esclavage remonte à un temps lointain où il s’agissait d’un phénomène socialement acceptable. En revanche, je trouve dommage de ne pas en être plus avisée, car l’histoire de l’esclavage canadien et de comment il a fini par être aboli peut présenter des personnages inspirants pour les jeunes qui en apprennent plus sur leur propre histoire. Une représentation ainsi faite de la réalité historique des Noirs au Canada nous prouve une fois de plus que l’histoire telle qu’on la connait ne nous montre pas certains aspects présentant les minorités dans leur évolution victorieuse contre la discrimination.


Les petits immigrés anglais


C’est grâce au roman de fiction historique The Forgotten Home Child, écrit par l’auteure canadienne Geneviève Graham, que j’ai découvert les petits immigrés anglais. Ce sont des orphelins, tous des enfants, très pauvres, vivant dans la rue et volant pour subsister. Un homme, le docteur Barnardo, a fondé plusieurs orphelinats en Angleterre à partir de 1869 et offrait à ces enfants un abri et de la nourriture, en plus de toutes sortes de formations. En raison de la pauvreté extrême qui sévissait en Angleterre, les orphelinats du docteur Barnardo avaient une entente avec le gouvernement canadien. Dans les faits, les enfants allaient servir de main d’œuvre dans les fermes canadiennes en échange d’un toit, de vêtements et de nourriture. Malheureusement, ces enfants ont été abusés, battus et maltraités. Entre 1869 et 1930, ce sont plus de 100 000 orphelins qui ont été envoyés au Canada, mais plusieurs ont péri bien avant d’avoir pu atteindre leurs 18 ans : ils étaient retrouvés morts de froid dans les granges, de malnutrition ou ils se suicidaient. Ces enfants étaient considérés comme de la vermine anglaise. S’il est vrai qu’elle rejette une honte sur plusieurs familles canadiennes, toutes provinces confondues, cette histoire est aussi peu connue parce que les victimes de ces injustices avaient honte d’elles-mêmes. Pendant longtemps et jusqu’à assez récemment, personne n’a cherché à ressortir ces histoires controversées.


Cela ne représente qu’une petite partie de l’histoire canadienne méconnue. Je déplore le fait que d’aussi importantes parcelles de notre patrimoine ne puissent nous être enseignées. Les humains sont parfois prévisibles et les schémas auxquels ils se soumettent sont de simples réflexions du passé. L’histoire, à mes yeux, devrait nous permettre d’apprendre des erreurs de nos prédécesseurs, mais, surtout, devrait nous aider à ne jamais les réitérer. Seulement, cela devient impossible lorsqu’on n’en a jamais entendu parler. En ne sachant pas ce que les minorités d’autrefois ont pu vivre, comment peut-on comprendre l’ampleur de ce qu’elles vivent aujourd’hui ?


Il est vrai qu’en ce qui a trait aux Autochtones, entre autres, la sensibilisation sur le sujet devient de plus en plus grande. Mais cela ne pardonne en rien le préjudice causé à l’ensemble d’une communauté, et ce, pendant des années. Il en va de même pour l’histoire des Afro-Canadiens; le mois de l’Histoire des Noirs est un premier pas vers l’avant pour reconnaître l’héritage de cette communauté. Cependant, ces mouvements sont parfois plus difficiles à faire connaître aux personnes indirectement touchées par ces causes. S’il devenait possible, par l’entremise de l’école, de parler de ces sujets dans le but de sensibiliser une plus grande partie de notre population, alors peut-être réussirons-nous à créer des liens de confiance plus solides entre les membres de notre société. Ce serait une forme de sensibilisation qui, commençant auprès des enfants, leur permettrait de grandir en prenant réellement conscience du fondement injuste du racisme. D’ailleurs, malgré certains efforts pour fournir une compensation monétaire à toutes les victimes des horreurs dont on ne prend pas assez conscience, le simple fait de raconter leur histoire plutôt que de tenter de l’effacer me semble être le seuil minimal à respecter.


Se rendre à une réflexion collective sur notre rapport à l’histoire canadienne, mais surtout sur les vices qu’elle cache, serait le commencement d’un véritable changement. C’est en prenant conscience du passé que l’on pourra construire l’avenir d’un peuple plus uni et où chacun saura comprendre un peu mieux son prochain.

Source complète pour l’image :

ERB, Isaac. British immigrant children from Dr. Barnardo's Homes at landing stage, Saint John, N.B, photograph : silver gelatin print, c.a. 1920, Saint John N.B., Bibliothèque et Archives Canada, [En ligne], http://central.bac-lac.gc.ca/.redirect?app=fonandcol&id=3193366&lang=fra, (consulté le 2 novembre 2020).

bottom of page