Gestation pour autrui : la nécessité de faire évoluer le droit
Auteur·e·s
Olivia Hourani
Publié le :
9 mars 2021
Certain·e·s veulent faire le tour du monde, d’autres rêvent de devenir parents. Pour une variété de raisons (infertilité, limitation physique, couples hétérosexuels), réaliser ce rêve s’avère aussi rare que de gagner à la loterie. Par exemple, une femme, vivant avec une insuffisance cardiaque, incapable de mettre à terme une grossesse sans risquer sa vie ou celle du fœtus n’avait pas d’autres options, afin d’être mère tout en ayant un lien de filiation, que la « gestation pour autrui ». Si ce couple avait voulu procéder de cette façon au Québec, ils auraient agi dans l’illégalité. Selon moi, ce qui caractérise une mère est l’éducation et les valeurs qu’elle transmet à son enfant, c’est pourquoi l’expression gestation pour autrui est préférée à celle de « mère porteuse ».
L’enjeu plus important est qu’il y a des enfants qui naissent par mère porteuse et ceux-ci sont laissés sans filiation. Il faut reconnaitre ces conventions, car il est dans l’intérêt de l’enfant de recevoir une protection sans égard aux circonstances qui entourent sa naissance.
Source : https://babygest.com/fr/mere-porteuse/ ; Natalia Alvarez, directrice du site.
Source : https://babygest.com/fr/mere-porteuse/ ; Natalia Alvarez, directrice du site.
État du droit au Québec
Le Code civil du Québec permet que tous les enfants, dont la filiation est établie, aient les mêmes droits et les mêmes obligations et ce, peu importe les circonstances de leur naissance. Toutefois, il ne prévoit aucune mesure d’établissement de la filiation d’un enfant né en ayant recours à la gestation pour autrui. Tout contrat entre « mère porteuse » et les « parents d’intention » est frappé de nullité absolue devant un tribunal. Ainsi, si les parties ne s’entendent plus au terme de la grossesse, le droit de ceux-ci sera en péril.
Une demande sans offre laisse inévitablement place à la création d’un marché noir. Le flou juridique qui existe en la matière au Québec n’efface pas le fait que certaines personnes y aient tout de même recours. Les individus qui veulent vraiment un enfant trouvent le moyen de s'organiser à l’extérieur du système en allant vers une province voisine ou de l’autre côté de l’océan. L’interdiction de rémunérer ces femmes agissant à titre de « mères porteuses » ne les empêchent pas de trouver le moyen d’être payées pour leurs services.
Il n’est pas question de se prononcer sur le pour ou contre quant à cette polémique complexe. L’enjeu plus important est qu’il y a des enfants qui naissent par mère porteuse et ceux-ci sont laissés sans filiation. Il faut reconnaître ces conventions, car il est dans l’intérêt de l’enfant de recevoir une protection sans égard aux circonstances qui entourent sa naissance. Je privilégie le terme « convention », car cela sous-entend une entente entre individus consentants et non la marchandisation qu’à la connotation « contrat ».
Le projet de loi du gouvernement sur la procréation assistée demeure silencieux en ce qui concerne l’encadrement légal de la gestation pour autrui. Des couples, comme celui mentionné ci-haut, ainsi que la Coalition des familles LGBT + et le Conseil du statut de la femme, demandent la mise en place d’un cadre légal à ce sujet.
Gestation pour autrui : pour ou contre ?
Les opposant·e·s à l’encadrement juridique craignent la commercialisation ou l’objectification du corps de la femme, mais là n’est pas la question. Il s’agit plutôt de protéger davantage les parties et la société. Ce vide juridique exacerbe la vulnérabilité des personnes impliquées, puisque celles-ci doivent naviguer à travers les systèmes juridiques et médicaux sans encadrement cohérent de l’État. La demande au législateur est celle de mettre en place des balises pour limiter les conséquences négatives pour les femmes qui agissent [déjà] dans ces conventions, pour agir en accord avec le droit et l’intérêt des enfants issus de ce projet parental et pour encadrer les droits et les obligations des parents d'intention. Refuser l’établissement de la filiation à un enfant qui devrait y avoir droit lui causerait un préjudice grave.
Bref, ne serait-ce pas une forme de paternalisme d’affirmer que les femmes sont incapables ou inaptes à prendre des décisions pour elles-mêmes ? Si le consentement libre et éclairé de la femme est donné, pourquoi ne pas lui permettre de porter l’enfant et de rendre ce service à un couple ? Aujourd’hui, le couple mentionné plus haut est parent d’une magnifique petite fille qui a maintenant 6 ans. Par contre, le processus n’a pas été facile. Il a dû franchir des obstacles et des océans, ce qui aurait pu être évité par un encadrement légal.