Dissidents d'hier, leaders d'aujourd'hui
Le droit mène à tout
Auteur·e·s
Mia Bellemare
Publié le :
22 août 2024
Un adage qui mène dans son sillage toute sorte d’étudiants, des plus méthodiques aux plus créatifs. Survol du parcours de trois gradués de la faculté, dont l’implication a façonné les pages du Pigeon au fil des années 80.
“Un journaliste n’est pas nécessairement un expert. C’est celui qui doit être capable de parler à l’expert pour expliquer des choses aux lecteurs”
Journaliste, La Presse Ancien journaliste du Pigeon Dissident
Juge, Cour d'appel du Québec Ancien président de l'AED
Avocat associé, droit des affaires Ancien trésorier du Pigeon Dissident
Journaliste, La Presse Ancien journaliste du Pigeon Dissident
Yves Boisvert entame ses études en droit en 1983 et les termine en 1988. Entretemps, il complète un certificat en études françaises et théâtrales. Membre d’une troupe de théâtre et d’improvisation, il est passionné par le journalisme, lui qui lit inlassablement les journaux depuis toujours.
“C’était important chez nous, on recevait plusieurs quotidiens chaque jours” se souvient-il.
Sur le banc d’école, son professeur préféré est Pierre-André Côté, en Interprétation des lois. André Morel le passionne tout autant, lui qui est historien du droit et enseigne en Liberté publique. Son cercle social est majoritairement composé de jeunes impliqués dans le milieu journalistique étudiant. À la faculté, il s’est lié d’amitié avec Pierre Cayouette et Isabelle Paré, devenus journalistes au Devoir, ainsi qu’Emmanuel Bilodeau, aujourd’hui comédien.
“On partageait beaucoup de choses ”, se rappelle-t-il. “Je n’étais pas l’étudiant moyen”, admet-il, se sentant légèrement à porte-à-faux.
La question se posait déjà à l’époque : que faisait-il en droit ? Sa motivation lors de ses études restait la même : apprendre de la formation juridique. Le but ? Devenir journaliste.
Il rédige plusieurs articles au sein du Pigeon Dissident, dont un sur le spectacle du chanteur français Renaud, une critique du livre « toute croche et mal écrit » de son professeur de droit corporatif, et un article sur l’histoire de notre bibliothèque. Le parcours universitaire de Boisvert est marqué par plusieurs bouleversements constitutionnels, dont l’entrée en vigueur de la Charte canadienne en 1982. L’élection d’un gouvernement progressiste-conservateur en 1984, avec la plus grande majorité parlementaire de l’histoire canadienne, et le retour du gouvernement de Robert Bourassa lors du scrutin provincial de 1985. Plusieurs négociations constitutionnelles sont menées sur la place publique par des constitutionnalistes de la faculté, tels que Daniel Turp, Guy Chevrette et José Woehrling. Le sujet de l’heure : “pourquoi et comment modifier la constitution ?”
Ce fut une époque de débats intellectuels passionnants, où la sphère politique était dominée par des juristes tels que Lucien Bouchard, Jean Chrétien, Pierre Elliott Trudeau et même René Lévesque, se souvient-il. Au plan international, l’Afrique du Sud vivait toujours l’Apartheid. La Guerre froide sévissait entre l’Union Soviétique et les États-Unis.
Au terme de ses études, Yves Boisvert fait son entrée au quotidien La Presse, en tant que stagiaire. Il est assigné à une chronique d’échecs, en suite logique à Jean Hébert, grand maître international dudit jeu et ancien chroniqueur assigné. Sceptique face à sa capacité à occuper ce poste, il couvrira les quarts de finale des championnats du monde d’échecs, qui se tiendront au Québec. Pour la première et la dernière fois, un Québécois atteignait ce niveau.
“Un journaliste n’est pas nécessairement un expert. C’est celui qui doit être capable de parler à l’expert pour expliquer des choses aux lecteurs”
Durant une décennie, il est chroniqueur au palais de justice, couvrant divers procès partout en Amérique du Nord et en France. “J’étais spectateur de la justice”, mentionne-t-il. Sa carrière de journaliste est marquée par d’importants jugements tels que l’arrêt R. c. Jordan ainsi que R. c. Askov.
Boisvert assure que le droit fournit une grille d’analyse de notre société et permet d’y comprendre ses rouages techniques. “Tu dois rester curieux et gourmand de toutes les possibilités, de manière rigoureuse. Suivre la pente, mais en montant”, conseille-t-il
“Mes implications comme journaliste étudiant m’ont permis de découvrir mon métier. Tant que le besoin existe, le journalisme a raison d’exister.” - Yves Boisvert
À 19 ans, Benoît Moore quitte les bancs du Collège Jean-de-Brébeuf, toujours incertain quant au chemin à entreprendre pour réaliser ses ambitions. Fils d’une infirmière et d’un père statisticien, le droit ne fait pas spontanément partie de ses repères. Il dépose des demandes d’admission dans divers domaines : en sciences politiques, en administration des affaires, et en droit. Initialement placé sur la liste d’attente de la faculté de droit de l’Université de Montréal, ce n’est que quelques semaines plus tard que Benoît reçoit sa lettre d’admission. Sa curiosité insatiable et sa passion pour la politique le poussent à se lancer dans cette nouvelle aventure.
Ayant la fibre de l’engagement étudiant et fort de son expérience au sein de l’Association générale des étudiants de Brébeuf (AGEB), il est élu « RepAcad », de la section A.
Lors de son passage, le Pigeon Dissident a couvert plusieurs évènements marquant de l’époque, se remémore-t-il. L’édition de septembre 1989 était dédiée à l’arrêt Daigle c. Tremblay de la cour suprême, sur le droit à l’avortement. “C’était le feuilleton d’actualité politique de l’année ».
Durant sa dernière année, il se porte candidat à la présidence de l’Association des étudiants en droit (AED). Remportant ses élections, il se retrouve à la tête de l’organisation et obtient du même coup une place au sein du conseil de la faculté. Pour la première fois, son statut lui offre un réel accès aux sphères décisionnelles. C’est en portant la voix des étudiants qu’il signe les pages du Pigeon Dissident.
Il décrit ses années à la faculté comme les plus belles de sa vie. Entre les cours, les débats oratoires, et ses quatre participations aux Law Games — dont une dans laquelle sa collaboration à l’épreuve de curling leur coûte la victoire — il profite de son parcours de manière équilibrée.
« Pour moi, l’implication étudiante a été un vecteur d’acquisition d’habilités qui m’ont été utiles comme personne, comme professeur, comme avocat et aujourd’hui comme juge », mentionne-t-il. Aujourd’hui, l’honorable Benoît Moore continue de se rappeler avec affection ses années d’études, un lieu où sa passion pour la justice et son engagement ont trouvé leur voie.
Après avoir enseigné à plus de 3000 étudiants à l’Université de Montréal, Benoît Moore est nommé à la Cour d’appel du Québec en juin 2019. Ce parcours, entamé par une simple lettre d’acceptation, le mène à une des plus hautes instances judiciaires du pays.
C’est en 1990 que Pierre-Hubert Séguin débute ses études dans la section D de la faculté. Diplômé en sciences pures du collège Bois-de-Boulogne, il se distingue par son esprit analytique et sa facilité à compter. C’est au sein du Pigeon qu’il trouve un terrain fertile pour marier ses talents de communicateur et de gestionnaire.
Dès sa première année, Séguin s’implique comme journaliste chroniqueur pour le journal, où il couvre des sujets chauds comme l’instauration de la TPS sous le gouvernement Mulroney et la naissance du Bloc Québécois, dans un contexte politique marqué par les débats sur le référendum des accords de Charlottetown et du Lac Meech.
« Être avocat, c’est être capable de s’exprimer verbalement et par écrit. Le journal était un médium de communication et un terrain d’apprentissage pour gérer un organisme », affirme-t-il.
En 1991, il est élu trésorier du journal en Assemblée générale. À ses côtés, Yann Bernard, Sylvain Aird et Bruno Racine. Ensemble, ils forment un quatuor inébranlable.
Ses mandats comme trésorier sont ponctués de plusieurs négociations budgétaires, jadis laissées à la discrétion de l’AED, dans le but d’établir un mode de paiement fixe à long terme pour assurer la pérennité du journal. Les années au Pigeon sont pour Séguin un mélange d’adrénaline et de défis. Chaque nouvelle édition est le fruit de longues heures de camaraderies et de travail au local du journal, où se débattent les grands thèmes de l’actualité. Les membres de cet exécutif sont demeurés, à ce jour, de précieux amis.
Aujourd’hui, Pierre-Hubert Séguin est le Québécois ayant effectué le plus de transactions commerciales dans le secteur de la sécurité, tant en nombre qu’en valeur. Il a travaillé sur l’une des plus grandes opérations de rachat par capitaux privés de l’histoire canadienne, la recapitalisation de 5,2 G$ de la multinationale Garda World.
Sa première motivation : aider les entrepreneurs d’ici et stimuler le capital de risque du Québec.
image: https://ca.pinterest.com/pin/5136987067975765/
image Yves Boisvert: La Presse
image Benoît Moore: Université de Montréal
image Pierre-Hubert Séguin: Langlois Avocats