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Critique de la démocratie du philosophe au politicien

Auteur·e·s

Alexandra Ioana Vas

Publié le :

4 novembre 2021

L’idéalisation de la société dans laquelle nous vivons est prévalente. La démocratie c’est génial! dit-on. Chaque individu peut, en cochant une case, déterminer qui représente le pays dans lequel il vit. Le pouvoir réside entre les mains de chaque citoyenᐧne, et chacun sent qu’il ou elle a une importance cruciale. Notre système, comme le mentionne Abraham Lincoln lors de son discours à Gettysburg, est un « government of the people, by the people, for the people (gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple) ». (1) Cependant, la démocratie est-elle réellement une forme de gouvernement idyllique ou comporte-t-elle de sérieux défauts?

Est-ce question de se contenter avec ce que l’on a [la démocratie] et de ne pas essayer de changer le système par peur que les modifications apportées soient pires que ce qui existait initialement?

Les critiques face à ce système ne sont pas chose nouvelle. De la Grèce antique au 20e siècle, de nombreuses figures partagent leur opinion de manière pragmatique.


Platon, philosophe athénien, s’est penché sur la question dans La République. Par écrit, il organise sa société parfaite et en parallèle compare cet idéal à la démocratie athénienne. D’après lui, l’ignorance de la majorité de la population face à la politique est un élément qui empiète sur le bon choix d’un dirigeant. (2.1) Il suggère qu’il faut seulement consulter les philosophes, car ce sont ceux qui seraient les mieux placés pour prendre des décisions rationnelles. (2.2)


Je peux comprendre son raisonnement. Voter sans connaitre le système politique qui nous entoure est certainement problématique, mais qu’en est-il des conflits d’intérêts? Un être humain peut-il réellement être objectif quant à la prise de décisions qui n’affecte pas seulement sa personne, mais son entourage proche? Ne serait-ce simplement pas l’équivalent d’une oligarchie, mais au lieu d’une société dirigée par la bourgeoisie, on accorde le pouvoir à l’élite intellectuelle?


L’ironie de ce propos est que Platon considère qu’un idéal démocratique n’a pas pu être atteint à Athènes en raison du système oligarchique existant. (3.1) Celui-ci était caractérisé par l’aspiration de ceux au pouvoir de s’enrichir et d’accroitre leur réputation, ce que Platon considère comme les vices de l’humanité.  (3.2)


Le philosophe critique aussi le manque de questionnement et la présence d’une sorte d’effet de meute chez la population. Tout dépend de la majorité, donc si la majorité décide d’aller en guerre, même si ce n’est pas la meilleure décision stratégique, le pays se prépare au combat. (3.3) Si la majorité décide que le témoignage d’un esclave est seulement valable sous torture et bien, torturons-le! C’est peut-être une mainte exagération, mais le principe est bien illustré : les décisions doivent être prises par des individus en connaissance de cause. Cependant, de tels individus existent-ils réellement ou faut-il faire appel aux robots assimoviens?


Churchill, célèbre ancien premier ministre du Royaume-Uni, a également une vision cynique à l’égard de cette forme de gouvernement. Il mentionne que « la démocratie est la pire forme de gouvernement, à l'exception de toutes les autres qui ont été essayées ». (4) Pourquoi dit-il cela? Est-ce question de se contenter avec ce que l’on a et de ne pas essayer de changer le système par peur que les modifications apportées soient pires que ce qui existait initialement?


La pensée de Churchill est semblable à celle de Platon. Il désire que le pouvoir soit entre les mains de ceux et celles qui sont qualifiéᐧeᐧs, ceux et celles qui peuvent diriger une nation. (5) Cependant, qui est responsable de déterminer ou de quantifier les capacités d’un tel individu? C’est extrêmement arbitraire!


Churchill se considère également un représentant du peuple anglais, mais n’est-ce pas hypocrite de se proclamer comme étant un dirigeant parfait lorsque l’on partage des pensées racistes et un sentiment de supériorité britannique accablant. (6.1) Or, comment peut-il considérer qu’il est un représentant qui se base sur l’objectivité et la logique lors de sa prise de décisions lorsqu’il crée sa propre pyramide des races où règne au sommet l’homme anglais blanc catholique? (6.2)


Bref, bien que la démocratie soit la forme de gouvernement dans la société dans laquelle nous vivons, la remettre en question et analyser son fonctionnement est nécessaire. Que ce soit par le biais d’une société fictive comme le fait Platon ou simplement en verbalisant les inquiétudes que l’on a face à celle-ci, débattre sur le fonctionnement du système aide à son amélioration.

Sources citées:


[1] Scott MALCOMSO. «'What Lincoln Believed': The Great Democrat», The New York Times, 22 mai 2005, en ligne: < https://www.nytimes.com/2005/05/22/books/review/what-lincoln-believed-the-great-democrat.html >


[2] The Classical Association, Greece & Rome Vol. xli, No. 1, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, pp. 49-56


[3] Ann R. CACOULLOS. « Democracy in Republic: Plato’s Contestation », Anglophone Journal of Comparative Literary, 1 mai 2016, en ligne: < https://doi.org/10.12681/syn.16223 >


[4] Richard M. LANGWORTH. « “Democracy is the worst form of Government…” », Richard M. langworth, 26 juin 2009, en ligne:  < https://richardlangworth.com/ >


[5] The Royal Historical Society, Transactions of the Royal Historical Society Vol. 11, Cambridge, Cambridge University Press, 2001, pp. 201-220


[6] Tom HEYDEN. « The 10 greatest controversies of Winston Churchill's career », BBC news, 26 janvier 2015, en ligne: < https://www.bbc.com/news/magazine-29701767 >

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