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Comment la protection de l’environnement aiderait à éviter la prochaine pandémie?

Auteur·e·s

Yannick Mallette-Pognon, Marie-Christine Lafrenière et David Beaulieu

Publié le :

9 avril 2021

Dans les dernières semaines, le gouvernement a annoncé l'assouplissement de plusieurs mesures sanitaires. Cette semaine, il a été contraint de faire demi-tour et resserrer ces mesures dans certaines régions. Le retour à la normale semble tout de même imminent, mais ce mode de vie « normal » est aussi inconsciemment celui qui nous a mené·e·s vers un confinement en premier lieu :


Étalement urbain, déforestation massive, monocultures dépendantes de pesticides, consommation croissante de protéines animales, expansion portuaire, déversements d’eaux usées, extractions toujours plus noires et plus sales…


Tous sont des facteurs qui dégradent et déconnectent les milieux naturels, qui nuisent à la biodiversité et qui favorisent les contacts entre les humains et les animaux. Ces facteurs contribuent par le fait même à l’apparition des zoonoses, soit des maladies infectieuses transmissibles des animaux aux humains comme la Covid-19 ou le VIH.


Comment de tels facteurs influencent-ils l’apparition des zoonoses? Les paragraphes suivants devraient vous aider à saisir le tout.

Ainsi, en menant de plus en plus d’espèces au bord de l’extinction, on se dégage d’un contrôle naturel de potentiels vecteurs de pathogènes.

La biodiversité, c’est le même principe qu’un vaccin


Les pathogènes capables de propager des maladies infectieuses ont une certaine spécificité, c’est-à-dire qu’ils préfèrent infecter un certain groupe d’espèces (hôtes) plutôt qu’un autre. Il leur arrive aussi d’infecter d’autres groupes d’espèces qui ne leur permettent pas de survivre ou de se reproduire, ce qui les empêche d’infecter de nouveaux hôtes et de causer la maladie.  Ces hôtes « incompatibles » sont compris dans la biodiversité et freinent la propagation du pathogène. Une grande diversité d’espèces dans un écosystème augmente donc les chances pour un pathogène de tomber sur un hôte incompatible, ce qui aide à contrôler, voire faire disparaître, les épidémies avant qu’elles ne se développent en zoonoses.


C’est le même principe qu’un vaccin! En vaccinant une certaine proportion de la population, on augmente le nombre d'individus incompatibles pour la survie et la reproduction du pathogène, ce qui empêche sa propagation dans la communauté. Avec une certaine partie de la population vaccinée, à moyen terme, le pathogène ne trouve plus d’hôtes compatibles et la maladie disparaît.


La biodiversité est nécessaire au contrôle des vecteurs de pathogènes


Les espèces-hôtes agissent comme de véritables vecteurs de transport pour disséminer rapidement et largement un pathogène dans une population. Un effet protecteur de la biodiversité réside dans les interactions prédateurs-proies, où les prédateurs contrôlent l’abondance des proies. Si une proie est le vecteur d’un pathogène virulent, mais qu’on élimine son prédateur, on retire le facteur limitant la multiplication de la proie. Celle-ci peut maintenant se reproduire en plus grand nombre, ce qui augmente le nombre d’hôtes compatibles pour le pathogène.


Ainsi, en menant de plus en plus d’espèces au bord de l’extinction, on se dégage d’un contrôle naturel de potentiels vecteurs de pathogènes.


Chaque espèce compte : béluga, caribou, chevalier cuivré, rainette faux-grillon, pin rigide, pic à tête rouge... La liste des espèces menacées au Québec doit cesser de s’allonger, sans quoi nous perdrons un filet de sécurité important offert gratuitement par la nature.


Augmentation des contacts humains-animaux


Au même rythme que les activités humaines posent leur empreinte sur les milieux naturels, les contacts entre les êtres humains et les animaux sauvages s’intensifient. Cette hausse du contact humain-animal favorise l’apparition de zoonoses. Par exemple, en plus de détruire les poumons de la planète et de réduire la séquestration de CO2, la déforestation force les animaux sauvages à trouver rapidement un nouvel habitat dans un monde où les possibilités se font de plus en plus rares. Les zones urbaines font maintenant partie de cette infime fenêtre de possibilités, menant à l’augmentation des contacts humains-animaux. Comme l’indique l’écologiste Andy MacDonald, spécialisé en maladies infectieuses, « il est assez bien établi que la déforestation [puisse] être un puissant moteur de transmission de maladies infectieuses ». De plus, il ne s’agit pas seulement de l’augmentation des contacts avec les insectes piqueurs, vecteurs favorables à la transmission de maladies infectieuses (ex : Zika, Dengue ou Malaria). Aujourd’hui, plus de 60 % des maladies infectieuses dont l’être humain est victime, telles que l’Ebola ou le VIH, sont transmises par une multitude d’autres animaux sauvages.


En modifiant l’environnement qui nous entoure et nous supporte, nous devenons de plus en plus vulnérables aux zoonoses, et les scientifiques ne s’étonnent pas de l’importance que joue cette proximité entre les humains et les animaux dans cet enjeu. La directrice du programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), Inger Andersen, a également mentionné que les occasions de transmission d’agents pathogènes de l’animal vers l’humain n’ont jamais été aussi élevées qu’aujourd’hui. D’ailleurs, dans son récent rapport sur l’émergence croissante des zoonoses, le PNUE classe la consommation de protéines animales comme facteur d’importance. Plusieurs liens existent entre la destruction des milieux naturels (déforestation, agriculture intensive, urbanisation, etc.), l’augmentation de la consommation de protéines animales, la commercialisation des espèces sauvages et la propagation à grande échelle de maladies infectieuses comme celle de la COVID-19.


Les changements climatiques comme facteur aggravant des épidémies


Les changements climatiques sont-ils directement responsables de la pandémie actuelle? Probablement pas. Néanmoins, ceux-ci sont, sans l’ombre d’un doute, un des facteurs qui favorisent l’émergence et la propagation de nouvelles maladies infectieuses. Ils sont aussi considérés comme un facteur aggravant, rendant les épidémies et leurs conséquences plus difficiles à surmonter.


Les virus et les épidémies ont toujours existé, diront certains. C’est le cas, mais depuis une vingtaine d’années, avec l’accélération des phénomènes climatiques extrêmes, nous avons aussi droit à l’apparition d’un nombre plus important de maladies (SRAS, H1N1, virus Zika, Covid-19, etc.). Les épidémies ne sont pas chose nouvelle, mais clairement, celles-ci seront plus nombreuses avec l’accélération des changements climatiques. Voici quelques exemples pour illustrer ce point :


D’abord, la hausse des températures moyennes dans certaines régions autrefois plus froides augmente le nombre de régions favorables à la survie des moustiques, qui sont des vecteurs importants de plusieurs maladies infectieuses. De plus, pour les régions plus au nord, la fonte progressive du couvert de glace permet la création de nouveaux micro-environnements aquatiques favorables à l’émergence de plusieurs de ces insectes.


La multiplication d’évènements climatiques extrêmes comme les inondations, les feux de forêts, les vagues de chaleur et les ouragans renforce la vulnérabilité de nos populations et complexifie le « combat » contre les épidémies, notamment en affaiblissant la santé, mais aussi en détruisant des ressources, des services et des infrastructures nécessaires à ce combat. De plus, les réfugié·e·s climatiques se concentrent dans certaines régions, ce qui facilite, par l’importante densité de population, la propagation des maladies infectieuses.


Les changements climatiques créent aussi des conditions défavorables à la survie de plusieurs espèces animales, ce qui réduit considérablement la biodiversité et l’effet « vaccin » qui l’accompagne.


Finalement, l’environnement est une partie intégrante de la santé sanitaire


Éviter les prochaines épidémies : voici une source de motivation de plus qui devrait inciter nos gouvernements à agir davantage pour protéger l’environnement. Les dommages créés par ces épidémies nous sont très dispendieux, autant d’un point de vue économique qu’en matière de santé humaine. Cependant, lorsqu’on examine les récentes prises de décisions, on constate qu’on est loin de cet objectif, pourtant crucial, et ce malgré les évidences scientifiques.


À l’échelle provinciale, les actions de notre gouvernement en matière d’environnement vont même à contre-sens : PL66 (Loi concernant l’accélération de certains projets d’infrastructure) au dépit de certaines législations environnementales, échecs imminents de conservation (caribou forestier, chevalier cuivré, rainette faux-grillon, béluga, etc.), gaz naturel liquéfié, manque flagrant et honteux d’encadrement de l’industrie forestière, mine de graphite à ciel ouvert…


Soulignons tout de même l’intention « ambitieuse » de la Coalition Avenir Québec d’interdire les voitures à essence en 2035.


Il devient plus que nécessaire de bâtir une écologie de la santé pour inclure l’environnement dans la gestion de la santé publique, de bonifier le budget en environnement à la grandeur des enjeux auxquels nous faisons face, mais surtout de faire preuve d’un peu plus de leadership politique et de proactivité en la matière.


Bref, le retour à la « normale » qu’on nous promet après la vaccination n’est peut-être pas si positif et si porteur d’espoir que ce qu’on nous porte à croire…

Sources consultées :

Alexandre, SHIELDS, « La destruction de la nature, une source de pandémies », Le Devoir, 28 mars 2020, [En ligne], https://www.ledevoir.com/societe/environnement/575925/la-destruction-de-la-nature-une-source-de-pandemies.


Cooper, D. and Nagel, J., Lessons from the pandemic: climate change and COVID-19. International Journal of Sociology and Social Policy, 2021.


Di Marco, M., Baker, M., Daszak, P., De Barro, P., Eskew, E., Godde, C., Harwood, T., Herrero, M., Hoskins, A., Johnson, E., Karesh, W., Machalaba, C., Garcia, J., Paini, D., Pirzl, R., Smith, M., Zambrana-Torrelio, C. and Ferrier, S., Opinion: Sustainable development must account for pandemic risk, Proceedings of the National Academy of Sciences, 2020, 117(8), pp.3888-3892.


Katarina, ZIMMER, « Deforestation is leading to more infectious diseases in humans », National Geographic, 22 novembre 2019, [En ligne].


Phillips, C., Caldas, A., Cleetus, R., Dahl, K., Declet-Barreto, J., Licker, R., Merner, L., Ortiz-Partida, J., Phelan, A., Spanger-Siegfried, E., Talati, S., Trisos, C. and Carlson, C., Compound climate risks in the COVID-19 pandemic, Nature Climate Change, 2020, 10(7), pp.586-588.

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