Comment juger des comportements déplacés dans la circulation : du dogme et des dos d’âne

Saint Pierre, l’omniscient, est debout devant un lutrin avec un livre qui contient le menu détail de tous vos gestes. Le monde est en file devant lui comme dans l'embouteillage d'un service au volant. Les questions qu’il pourra poser sont les suivantes : comment vous êtes-vous comporté·e·s dans la circulation? Quel moyen de transport avez-vous emprunté? Quelle empreinte avez-vous laissée sur Terre? Et ainsi de suite. Les réponses à ces questions déterminent si vous êtes digne d’accéder au réconfort du paradis ou si vous serez acheminé·e vers la chaleur insupportable de l’enfer.

La question « What would Jesus drive? » contient un jeu de mots relié à la locution « What would Jesus do? », qui sert à rappeler aux croyant·e·s qu’il est toujours mieux de se comporter avec la grâce et la compassion du messie. Mais les fabricants d’automobiles ont notoirement bien spéculé sur cette question à des fins de marketing. Évidemment que Jésus conduit une fourgonnette afin de transporter tous ses apôtres! Mais explorons cette question provocante en profondeur. Si on évalue trois moyens de transport, soit le transport actif, le transport en commun et l’automobile, on est amené·e à destination dans plusieurs sens. Chaque moyen de transport possède ses forces et ses faiblesses, et chaque trajet est unique.

Tout d’abord, les transports actifs, comme la marche à pied, la trottinette, la bicyclette ou le patin à roues alignées, sont les moins rapides et opèrent avec le plus grand champ de liberté. Ils sont discrets et ils passent inaperçus, mais ce serait le chaos total s’ils ne se conformaient pas à la lettre au Code de la sécurité routière (CSR) en s’immobilisant à chaque signe d’arrêt. Saint Pierre vous enlèvera des points si vous roulez sur le trottoir ou zigzaguez entre les voitures dans la circulation. Cependant, il accordera des mentions honorables si vous portez un casque et une veste réfléchissante. Même si vous êtes libre de vous promener sans créer un grave danger pour autrui, vous n’avez pas le droit de traverser la ville pêle-mêle comme des vaches sauvages en cavale.

Ensuite, les transports en commun comprennent les autobus, les métros et les taxis. Il est toujours poli d'offrir son siège aux personnes âgées ou enceintes, et il est conseillé de ne pas parler au téléphone afin de favoriser une ambiance tranquille. C’est le moyen de transport le moins stressant, car quelqu’un d’autre est chargé de guider le vaisseau à bon port. Vous, le ou la passager·ère, êtes tenu·e responsable de respecter les gens et les alentours. Il est strictement défendu d’agresser les autres passager·ère·s ou la personne qui conduit, et on devrait toujours ramasser nos déchets comme son journal ou sa tasse de café. Si saint Pierre vous accorde un billet pour le paradis, c'est qu'il témoigne que vous avez utilisé les transports en commun comme un·e gentil·le petit·e pèlerin·e, même si vous étiez un peu chaud·e après le vin de communion de la messe du sabbat.

Finalement, tout ce qui est considéré comme véhicule privé motorisé à l'énergie fossile est défini comme automobile. La liste qui élabore tous les péchés potentiels dans un char est plus longue que l’autoroute transcanadienne. Il existe également une série de sanctions pour le stationnement, qui régissent l’automobile même lorsqu’elle est immobilisée. Cela plaît à saint Pierre quand vous portez votre ceinture de sécurité et surtout quand vous respectez les limites de vitesse, en ville comme sur l’autoroute. Il est capable de voir si vous utilisez votre cellulaire au volant même s’il est caché sur votre jambe. Si vous faites du covoiturage dans la mesure du possible, cela amoindrira votre empreinte carbone tout en ayant un impact sur la qualité de l'air des nuages autour de saint Pierre. Certes, l’auto est le moyen de transport le plus problématique, mais on peut quand même la conduire avec prudence afin de grimper la pente vers le ciel.

Tout le monde possède le potentiel de passer au paradis. Le comportement sur la Terre des mortel·le·s forme la justification qui informe la décision de saint Pierre. Votre respect pour les autres déterminera si vous allez boire de la tisane avec mère Teresa de Calcutta ou si vous allez siroter des sambucas flambés en enfer avec Judas après avoir reçu le jugement dernier.