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Comment contourner le figuier de Plath (et autres préoccupations de la rentrée): réussir sa première année en 4 leçons

Auteur·e·s

Mennoya Nicounen

Publié le :

22 août 2024

Chèr.es lecteur.ices,


L’heure d’une nouvelle année scolaire a sonné. Cependant, n’ayez crainte! Tout n’est pas noir. Qui dit nouvelle année qui s'amorce, dit le retour de ma chronique pour Le Pigeon dissident (Columba livia f. dissidens, de son nom scientifique). À l’instar de ma toute première contribution l’an passé, alors que j’étais moi-même une nouvelle recrue de la Faculté, je me permets de mettre à profit mes apprentissages des 10 derniers mois pour m’adresser aux étudiant.e.s qui entament leur première année.

Cette faim qu’a énoncée Plath, qui nous prend dans le creux de l’estomac, est à mon avis une faim spirituelle, un appétit pour de la « nourriture inconnue », comme écrivait Kafka.

Vous aurez donc compris à la lecture du titre, chèr.e.s lecteur.ice.s, que ce petit article se veut à la fois ludique et évocateur, qu’il se base bien évidemment non pas sur une étude empirique, mais des expériences vécues qui  — je l’espère sincèrement — vous sauveront bien des larmes. Je réalise, à l’écriture de cette chronique, que je décrirais ma première année au LL.B. comme étant une représentation parfaite du figuier de Sylvia Plath, l’un des passages clés de son œuvre The Bell Jar. Pour celleux qui n’ont pas encore eu la chance de la lire, je résumerai la thèse ainsi: au pied d’un figuier, affamée, la protagoniste prénommée Esther est tellement obnubilée par les différentes figues représentatives des futurs et carrières qu’elle pourrait choisir que, paralysée par l’indécision profonde, elle finit par laisser la faim la tenailler et les fruits pourrir. À force de rester dans l’hésitation, les figues mûries viennent s’écraser et elle ne réussit toujours pas à se décider: elle n’aura pas cueilli son fruit assez rapidement, l’opportunité est morte, à ses pieds. Elle a peur de saisir l’un des avenirs, l’une des carrières, laissant ainsi de côté une meilleure figue — car en choisir une vaut la renonciation du reste qui s’offre à elle, chaque fruit plus attrayant et mûr, plus délectable et sucré que le précédent. Sauf qu’au final, si tout est pourri par le temps qu’on décide dans quelle figue mordre à pleine bouche, il ne nous reste qu’un goût aigre et des regrets.


Effrayant, je sais. Cependant, le passage juste après, que tout le monde semble avoir oublié, m’est encore plus révélateur: dans son journal, Esther énonce qu’après avoir décrit la métaphore du figuier, elle a mangé un repas. Puis, elle avoue que finalement, elle avait peut-être juste pensé aux figues parce qu’elle avait faim. Cette faim qu’a énoncée Plath, qui nous prend dans le creux de l’estomac, est à mon avis une faim spirituelle, un appétit pour de la « nourriture inconnue », comme écrivait Kafka. Je crois — non, j’ai la conviction — que l’étude du droit pur, les études juridiques, tout comme celle de la littérature, est l’une de ces nourritures pour l’âme qui sait nous rassasier profondément. Elle saura nous sortir de la torpeur du figuier et nous y faire voir plus clair pour choisir la figue qui nous est la plus attrayante, non pas par nécessité pour faire taire notre faim, mais par gourmandise. Ainsi, si l’on confronte l’infinité de l’arbre à fruit avec le ventre plein, la figue que nous cueillerons ne sera qu’un ajout à un repas déjà satisfaisant. Comprenez donc, chèr.e.s lecteur.ice.s, que d’alimenter son âme via la littérature, la philosophie, la culture – ou l’étude du droit – est une façon d’éviter le dilemme posé devant Plath, assurer qu’il soit plus aisé de faire un choix, de ne pas rester trop longtemps paralysé.e.s dans l’indécision et la peur de manquer une meilleure avenue.


Voici donc 4 leçons qui vous serviront de guide de survie à la rentrée, et de pistes pour contourner le figuier de Plath:


  1.  Essayez de prendre de l’avance sur les capsules à écouter lors de la semaine d’introduction. Certaines sont longues, et elles ne sont pas toujours des plus palpitantes, mais elles restent très utiles, et surtout, informatives. Personne n’a envie d'écouter 3 heures de capsules après avoir bu assez d’alcool pour accidentellement s'auto-embraser avec une cigarette, et je recommande fortement aussi d’avoir de bonnes notes synthétisées. Il sera facile de repérer vos questions sur la matière, premièrement, mais aussi vous n’aurez pas besoin de les reformater avant votre examen final (conseil d’amie: si vous n’écoutez qu’une seule de mes recommandations que ce soit celle-ci et la prochaine, car elles sont complémentaires).

  2. Faites vos lectures, doctrinales et jurisprudentielles, peu importe à quel point vous manquez peut-être d’intérêt pour la matière, ou que vous n’y voyez pas d’utilité directe. La doctrine est parfois lourde, sauf qu’elle permet de mettre la matière en contexte. On dit souvent d’aller clarifier avec la doctrine après le fait, mais je trouve personnellement qu’il est plus commode de lire la doctrine avant votre cours. Généralement, le cours en soi saura clarifier les éléments que vous avez moins bien maîtrisés. Par contre, si vous n’avez toujours pas saisi la matière à la suite du cours, de grâce, allez voir l’enseignant.e, vos collègues, ou d’autres ressources. Le droit est d’une telle tautologie que vous pouvez fréquemment vous y perdre, comme on pourrait se perdre dans le cœur d’une horloge suisse — mais il est important d’avoir tous les engrenages pour que le mouvement de la machine soit fluide, comme il est essentiel de bien comprendre la matière dans son entièreté pour intégrer les principes juridiques. En vous plongeant dans les études de différents domaines, vous serez enclin.e.s à trouver vos intérêts et vous orienter : déjà, certaines figues vous apparaîtront plus alléchantes que d’autres, mais vous aurez toutes les cordes à votre arc.

  3. Si vous avez un intérêt pour une formation en common law, renseignez-vous auprès de votre TGDE pour les 3 programmes suivants: si vous avez un baccalauréat antérieur, la possibilité de faire votre J.D. en même temps que votre LL.B., comme à l’Université McGill. Si vous désirez faire des études aux cycles supérieurs, le LL.M. en common law nord-américaine. Puis, si vous voulez une équivalence, des programmes comme celui à l’Université d’Ottawa ou encore, celui en partenariat avec Osgoode Hall (Université de York). Vous pouvez très bien œuvrer en tant que civiliste assumé.e. Toutefois, pour celleux d’entre vous qui aimeraient œuvrer au sein du gouvernement canadien (ministère ou autre), ou bien qui considèrent une carrière à l’extérieur de notre belle province, ou qui ne cherchent qu’à avoir une formation plus large et complète dans le système juridique canadien, prenez le temps de regarder ces options. Avec une formation que vous estimerez complète, votre âme sera nourrie et encore une fois, les figues qui vous sont destinées seront plus évidentes.

  4. Gardez un équilibre. Si vous le pouvez, étudiez à l’extérieur de la maison, ou du moins, à l’extérieur de votre chambre. Cela permet de scinder la vie personnelle de celle académique. Étudiez avec vos ami.e.s et collègues que vous aurez rencontrés dans votre section ou même d’autres programmes entièrement (mes ami.e.s. en ingénierie et en agronomie m’ont déjà sauvée de nombreuses fois). Prenez le temps de faire d’autres activités avec des personnes que vous appréciez, puis, plus que tout, gardez un temps alloué à vos intérêts, comme le sport ou l’art, la culture (musique, cinéma, musées, etc.). Vous vous porterez mieux. Cet équilibre peut aussi se transposer dans le domaine académique: par exemple, participer à des associations étudiantes ou simplement trouver du temps pour écrire dans le journal étudiant et participer au cercle de lecture. C’est une balance au sein de la Faculté ainsi que hors de cette dernière qui saura vous motiver et maintenir cette motivation. En nourrissant vos passions, vous aurez un développement personnel plus global, plus complémentaire, ce qui viendra rassasier votre appétit pour cette culture dont votre for intérieur a besoin pour déjouer le dilemme du figuier.

  5. Conseil bonus: trouvez-vous de bons ami.es et collègues au sein de votre section et hors de celle-ci aussi. Votre semaine d’intégration sert à rencontrer les gens de votre section, profitez-en! Et par-dessus tout, profitez-en aussi pour apprendre à connaître celleux qui seront vos collègues l’an prochain, lorsque vous serez décloisonné.es. Avoir un bon système autour de soi pour s’aider lors des révisions, des travaux d’équipe, pour les questions (ou même juste pour décrocher, également) est primordial. Enfin, je parle pour moi, évidemment, mais je sais que je n’aurais pas eu autant de plaisir sans avoir eu les merveilleuses personnes qui sont encore à mes côtés aujourd’hui.

Sur ce, je vous souhaite une bonne rentrée et bon succès. En espérant que vous aurez des expériences inoubliables et que vous tomberez fou amoureux.euses du droit comme cela a été mon cas. Il serait hautain de prétendre que mes petits conseils vous éviteront cette paralysie évoquée par Sylvia Plath, mais je crois qu’ils vous seront utiles malgré tout pour naviguer vos débuts d’études à la Faculté. Je vous souhaite surtout de trouver votre place, aussi intimidant soit-il de se lancer dans l’inconnu d’une nouvelle étape significative de votre jeune vie d’adulte. Bienvenue à la Faculté, bienvenue à l’Université de Montréal, bienvenue chez vous!



Au plaisir de vous réécrire une tirade philosophique bon marché à la prochaine édition (et qui sait, peut-être en écrirez-vous une aussi). Vous pouvez m’écrire sur mon compte Instagram pour me partager vos moments de la rentrée, vos angoisses et vos espoirs, si vous le désirez.

Avec amour et bienveillance,

Mennoya Nicounen

Instagram: @mennoya_nicounen



Image: Secrets de jardins

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