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Collaborer pour solidifier notre communauté

Auteur·e·s

Raphaël Uzan

Publié le :

1 novembre 2020

« So it’s a different year », tel fut l’euphémisme utilisé par mon rabbin lors de son sermon à une audience de fidèles, portant des masques, réunis en comité restreint pour célébrer la nouvelle année juive qui se déroulait au mois de septembre. En effet, c’est une année différente. On nous a même récemment confirmé, pour les quelques optimistes restants, que ce ne serait pas juste le semestre, mais bien l’année entière qui se déroulerait sur la plateforme Zoom.


Si noble que soit le but motivant cette décision, soit la protection des personnes les plus vulnérables face au virus qui circule, on perd une grande partie de ce qui composait nos « vies d’avant ». Lorsque l’on passe des couloirs agités et bouillonnants de la Faculté aux vignettes noires du logiciel Zoom, aux groupes sur Facebook et à StudiUM, on perd également en grande partie notre sens de la communauté.


Malheureusement, comme beaucoup de crises, celle que nous vivons présentement n’a fait qu’accentuer des tendances déjà présentes, et ce, bien avant qu’un minuscule virus ne vienne changer nos vies. En juin 2019, selon un sondage réalisé par la firme Angus Reid, 48 % des Canadiens se disaient déjà isolés ou seuls (lonely)(1). Au Royaume-Uni, la situation est tellement inquiétante que, pour la première fois, on a nommé en 2018 une ministre de la solitude (2). Ces données inquiétantes s’accompagnent d’une augmentation des diagnostics en maladie mentale (3).


Cependant, nous ne sommes pas destinés à suivre ces tendances. Cette courbe, elle aussi, peut être aplatie. Selon d’autres statistiques, les personnes ayant des connexions sociales de manière quotidienne sont à la fois plus heureuses et plus productives (4). Construire et maintenir des communautés fortes aide à réduire les effets catastrophiques de la solitude à notre époque. Alors que l’on entre dans un hiver particulièrement incertain, il est important de penser à comment maintenir une communauté active, et ce, malgré les restrictions.

Pour faire face aux défis que présente l’apprentissage à distance dans cette perspective de partage, c’est plutôt une mentalité de collaboration que nous devons appliquer.

Dans son récent ouvrage Morality (5), le philosophe et rabbin anglais Lord Johnathan Sacks fait une distinction importante entre les institutions qui suivent les lois du marché (l’économie et l’État) et celles qui ne devraient pas. L’État ou l’économie suivent des logiques de compétition qui s’avèrent nécessaires à leur prospérité et à la nôtre. Les communautés, la société civile et les lieux d’apprentissage, quant à eux, suivent une logique de coopération. Lorsque l’on abandonne nos communautés, en ne les renforçant pas, on se tourne forcément vers des institutions telles que le marché (l’économie) et l’État. Or, ces institutions ne peuvent, par leur nature, satisfaire à tous nos besoins. Tel que l’illustre l’auteur : « [the state] can finance school but it cannot create inspiring teachers ».


Comment peut-on appliquer cela à notre réalité d’étudiant.e.s ? Il faut commencer par reconnaître que la compétition est nécessaire à notre milieu, c’est pourquoi des éléments comme la courbe de notation ou la course au stage existent; nous sommes de futurs juristes qui allons entrer sur un marché, celui du travail. Cependant, et la nuance est importante, lorsque nous sommes sur les bancs d’école (ou actuellement sur nos chaises à la maison), nous n’appartenons plus à un marché, mais à une communauté d’étude. Nos cours sont des espaces d’échanges, d’apprentissage et de partage dans une atmosphère respectueuse et collégiale.


Pour faire face aux défis que présente l’apprentissage à distance dans cette perspective de partage, c’est plutôt une mentalité de collaboration que nous devons appliquer. Nos enseignant.e.s peuvent nous fournir du matériel d’apprentissage, mais il revient à nous d’en discuter, d’engager avec nos camarades et de coopérer pour, en fin de compte, non seulement survivre à la dure saison qui s’annonce, mais pour également retirer le meilleur de nos expériences académiques.


Les opportunités de l’apprentissage en ligne sont énormes. En 2012, lors d’un TED talk, une courte conférence, l’auteur et fondateur de Crash Course (une plateforme d’apprentissage) John Green parlait de retrouver les jours des salons parisiens de l’époque des lumières grâce aux vidéos d’apprentissage sur YouTube (6). Malgré les limites de l’apprentissage en ligne (on n’est pas inspiré de la même manière par une vidéo ou même une vidéoconférence), cela permet de créer et de maintenir de fortes communautés d’apprenants dans lesquelles les participant.e.s se tirent les uns les autres vers le haut.


Comme nous le faisons déjà si bien dans nos activités extracurriculaires, avec les 31 comités de la Faculté, notre association étudiante et les innombrables évènements ayant lieu au cours de l’année (en ligne ou pas), sans oublier l’engagement pro bono, il est temps de s’investir pour rendre nos cours plus vivants et vibrants. C’est avec ce sens de communauté et de coopération que nous pourrons faire de cette expérience, qui n’est malheureusement enviable pour personne, un réel succès. En ramenant à nos forums d’apprentissage un sens de communauté, nous pouvons briser la solitude de beaucoup et faire de cette année différente une réussite académique et un épanouissement pour tous.


C’est pendant des pandémies que des génies tels que Newton se sont développés (7); ce pourrait être durant cette crise que les prochains grands juristes canadiens et québécois seront découverts !

(1) Dave KORZINSKI, A portrait of Social isolation and loneliness in Canada today, juin 2019, Angus Reid Institute, [En ligne], http://angusreid.org/wp-content/uploads/2019/06/2019.06.14_Loneliness-and-Social-Isolation-Index.pdf (PDF).

(2) Tara JOHN, « How the World’s first loneliness minister will tackle ‘the sad reality of modern life’ », 25 Avril 2018, TIME Magazine, [En ligne], https://time.com/5248016/tracey-crouch-uk-loneliness-minister/.

(3) STATISTIQUES CANADA, Mental Health Care Needs, 2018, 7 octobre 2019, Statistiques Canada, Catalogue no.82-625-X, [En ligne], https://www150.statcan.gc.ca/n1/en/pub/82-625-x/2019001/article/00011-eng.pdf?st=Bfnhrr8v.

  • Selon Statistiques Canada, 1 Canadien sur cinq souffre d’une forme de maladie mentale.

(4) Esteban ORTIZ-OSPINA et Max ROSER, « Loneliness and Social Connections », février 2020, OurWorldInData.org, [En ligne], https://ourworldindata.org/social-connections-and-loneliness.

(5) Johnathan SACKS, Morality: Restoring the Common Good in  Divided Times, 2020, Basic Books, New York, 384 p.

(6) John GREEN, « The Nerd’s guide to learning everything online », novembre 2012, TEDx Indianapolis, 18 min 2, [En ligne], https://www.ted.com/talks/john_green_the_nerd_s_guide_to_learning_everything_online (version anglaise).

(7) Alisha MATTHEWSON-GRAND, « Life Under Lockdown », 2020, University of Cambridge Alumni Blog, [En ligne], https://www.cam.ac.uk/alumni/life-in-lockdown.

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