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Cicatrice

Auteur·e·s

Zoe Li

Publié le :

9 mars 2022

Noir Canada


Le droit du plus fort


Je m’attendais à être désillusionnée. Je sais que le droit ne mène pas nécessairement à la justice. Le droit ne va pas toujours de pair avec la justice. Je savais tout cela avant de décider d’étudier en droit, avant d’être acceptée en droit.

Je suis en droit pour aider les gens. Je suis en droit pour défendre les droits humains. Je suis en droit pour défendre les droits fondamentaux. Je suis en droit pour donner un sens à ma vie et accomplir mon devoir.

Je ne suis pas en droit pour faire la Course aux stages. Je ne suis pas en droit pour travailler dans un grand cabinet. Je ne suis pas en droit pour le prestige. Je ne suis pas en droit pour mener une vie facile et de confort.


Je suis en droit pour aider les gens. Je suis en droit pour défendre les droits humains. Je suis en droit pour défendre les droits fondamentaux. Je suis en droit pour donner un sens à ma vie et accomplir mon devoir.


Le jeu en vaut-il la chandelle? Passer par le processus pour obtenir le résultat en vaut-il la peine? Suivre des cours obligatoires qui m’intéressent peu pour obtenir un baccalauréat en droit afin d’aider les gens vaut-il la peine, alors que je pourrais être en train de faire un baccalauréat en psychologie pour aider des gens dépassés par les évènements qu’ils vivent?


Des évènements de la Course aux stages à répétition. Les grands cabinets. Encore et encore. Que dalle!


Les petits et moyens cabinets. OK.


La justice sociale, Pro bono, les stages en milieu communautaire. Enfin.


Fichtre! Où sont les droits humains? Où sont les droits humains dans le cursus? Où sont les droits humains dans les évènements?


Tout le monde est tellement qualifié, tellement expérimenté. Que fais-je en droit? Je veux m’impliquer, mais les autres sont meilleurs que moi. Les probabilités que je sois choisie sont quasi-nulles. Aussi bien ne pas perdre de temps à ce sujet.


Que fais-je en droit? Veut-on de moi en droit? Dans une société où les droits humains sont respectés, veut-on de moi comme juriste spécialisée en droits humains? À quoi bon défendre les droits humains dans une société où les droits humains sont tant respectés que les litiges les concernant sont intentés pour des raisons futiles?


Je pourrais être en train de faire des choses beaucoup plus utiles qu’étudier, que me laisser être consommée par un baccalauréat fait pour consommer toute ma vie.


Pourquoi ne pas critiquer à la place de tout accepter comme un mouton? Clairement, il y a des choses qui ne fonctionnent pas dans le système de justice. Comment ça, notre système est parfait? Il y a peu de questions sur son intégrité. Tant mieux. Mais il n’est pas parfait. Les délais sont trop longs. Notre système de justice est de source humaine. Il est donc normal qu’il comporte des erreurs, qu’il soit imparfait. Mais plus important que tout, la justice accordée par le système de justice n’est pas la véritable justice. La véritable justice va au-delà de la compensation pécuniaire et résout ce que la compensation pécuniaire ne peut résoudre.


Cynisme. Pas seulement de ma part, mais aussi de la part de certainᐧeᐧs professeurᐧeᐧs. Rire cynique. Rire sarcastique. Rire dément.


Qui a eu l’idée du millénaire d’enchâsser une épée de Damoclès dans la Constitution? Sérieusement, la clause dérogatoire s’applique au droit à la vie, mais pas aux droits linguistiques? Je comprends l’importance accordée aux droits linguistiques en raison de l’histoire du Québec, mais sérieusement? Le fait que la clause dérogatoire ne vise pas les droits linguistiques signifie-t-il que les droits linguistiques sont plus fondamentaux que le droit à la vie? À quoi bon avoir des droits linguistiques lorsqu’il n’y a aucune once de vie?


Suis-je en premier lieu votre outil juridique personnel ou un être humain? Suis-je en premier lieu votre outil juridique personnel ou un membre de la famille?


Si m’élever ne vaut pas la peine, alors pourquoi ne pas m’avoir tuée alors que je n’étais qu’un nouveau-né? Vous auriez pu faire valoir la défense d’infanticide involontaire et être acquittéᐧe. Rire sarcastique. Voilà le résultat des études en droit : cela donne des outils.


Pensées suicidaires pendant un an et demi, hebdomadairement. Parfois plusieurs fois en une journée. Quatre plans. Rêves sanglants. Réveils en larmes. C’est épuisant à la longue. J’aimerais me reposer. Même les personnes avec qui je vis, que je côtoie quotidiennement, ne se rendent pas compte et ne savent toujours pas que ça n’allait pas. J’ai eu recours à un test sur le site Web Suicide.ca pour confirmer mes soupçons qu’il me faut consulter. Comme c’est hilarant que personne ne s’en soit rendu compte!


La justice n’attend jamais, la défense des droits humains non plus. Peu importe les conséquences, j’accomplirai mon devoir de défendre les droits humains, de supporter les individus à travers leurs souffrances et de les aider à trouver des solutions. C’est à propos d’eux, pas de moi. Si mon peu d’expérience peut les aider, tant mieux.


Mon cynisme et ma spirale descendante sont une ombre qui restera avec moi. Il y a des jours où ça ira bien, des jours où ça ira moins bien, comme une cicatrice au rythme de guérison sinusoïdal.


Le monde a besoin de personnes empathiques et ayant une conscience, cherchant à faire la bonne chose, à faire ce qui doit être fait. Le domaine du droit a besoin de juristes empathiques, voulant prendre soin des autres et aucunement tentéᐧeᐧs par l’appât du gain et du prestige. Comme l’individu ayant connu l’univers illuminé à l’extérieur de la caverne et y étant redescendu pour guider ceux et celles qui sont restéᐧeᐧs dans l’obscurité, je continuerai en droit pour aider ceux et celles dans le besoin. Ce sera éreintant, choquant et/ou troublant. Avec un entourage qui remarquera lorsque clairement ça n’ira pas, ce sera possible. Cela vaudra et vaut la peine.

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