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Chemins ou culs-de-sac

Auteur·e·s

Aya Alaoui Ismaili

Publié le :

30 novembre 2023

Seule, sans soutien, cet espoir s’évapore dans cette pièce

J’attends

Je monte dans le camion blanc

Je me serre entre les passagers

J’admire par la fenêtre le paysage déserté


Tous les sièges sont occupés

Toutes les ceintures sont attachées

Tous nos bagages sont entassés

Enfin, tout ce qui nous reste du passé


Les secondes s’écoulent au fil des kilomètres

Les minutes défilent, à travers les virages

Les heures s'enchaînent et l’éclairage vient à disparaître

Les jours s’accumulent, tout au long du voyage


Soudainement,

Les roues s’arrêtent

Le moteur s’éteint

Les portières s’ouvrent


Il a fallu sortir

C’était l’heure de partir

Rien ne sert de courir

Nous n’esquivons aucun tir


Armés de la tête aux pieds

Pieds fermement fixés sur ce sol étranger

Étrangers que nous sommes face à eux

Ceux que l’on nomme Canadiens


J’attends

L’officier me pointe du doigt

Mais au moins, il ne me le coupe pas

Pas à pas, j’ai le souffle coupé

Essoufflée par mon passé


Passé coriace parsemé d’impasses qui me dépassent

Passer outre ce passé que l’on me pointe sur mon passeport

Passer par-dessus la frontière

Passé qui me servira de laissez-passer

Votre attention

Vous êtes en état d’arrestation

Votre entrée irrégulière nécessite une intervention

Vous risquez la déportation


Prendre des risques

Toujours le même disque

On connait la chanson

Le tempo de la rétention

Toujours en attente du couplet de libération


Libre comme le vent virevoltant qui vogue vers l’inconnu

Libre comme le silence qui siffle soigneusement dans mes oreilles

Libre comme l’air aérien qui erre dans les aires communes


Communément unis par la demande

Réclament aux Canadiens l’offrande

Insérant nos initiales sur un formulaire

Expliquant notre situation particulière


J’attends

Une attente

Sans attente

Consentante

Je demeure combattante


Je me suis déplacée ici

Mais ne l’est pas sur le papier

J’ai trouvé refuge ici

Mais ici je ne suis pas une réfugiée


Persiste à y croire

Accrochée à l’espoir

Faire valoir cette trajectoire

Ma seule échappatoire

Ne pas finir à l’abattoir


Un, deux puis trois mois sont écoulés

C’est l’heure de l’examen de recevabilité

D’autres formulaires à remplir

Je vais finir par l’obtenir


Têtue, tu te tues pour un statut

Tu t’entêtes à faire des tête-à-tête

Tu cries à tue-tête ta peur d’être abattue

Entends-tu l’audience qui te tient tête


Elle obsède sur une date erronée

Trouble de mémoire lié au passé

Désolé le temps est serré

Passons au prochain sans-papier


J’attends

On me verse une poignée

Poignée serrée je conclus mon loyer

Poignée que je tourne pour m’abriter


Je dépose ma tête sur l’oreiller

Bercée par ma couverture médicale

Feuilletant les pages d’un journal local

Épuisée je m’endors en rêvant de m’intégrer


Une lumière au bout du tunnel

Les rails sont alignés

Le train est enclenché

La fumée du potentiel


Au titre de la Convention

Nous devons craindre la persécution

Nécessiter la réinstallation

Implorant une protection


Je cochais toutes les cases

J’ai dû sauter une case

Choquée en puisant la lettre de ma case

Est-ce qu’ils leur manquaient une case


Irrémissible réalité refusant de réaliser ce verdict refusé

Pathétique, politique, étatique, antipathique

Seule, sans soutien, cet espoir s’évapore dans cette pièce


Pièce que je connais comme le fond de ma poche

Poche où je garde mes quelques piètres pièces

Pièces que j’ai lancées à l’eau avec un souhait

Souhait qui est encore tombé à l’eau

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