Blitzkrieg des comités: une plaidoirie pour plus de jeu en tant qu’indépendant.e.s
Auteur·e·s
Angel Sun-Veilleux, revu et augmenté par Mennoya Nicounen
Publié le :
8 avril 2024
Savez-vous combien il y a des comités à la faculté? « Trop », beaucoup de personnes vous diront. On hésite à critiquer. On ne veut quand même pas empêcher des personnes de créer des communautés au sein de la faculté, surtout les gens issus de groupes minoritaires, et de partager ces intérêts avec les autres! Il y a certainement une part de vérité, mais, le problème n’est pas qu’il y ait tant de comités, ce sont plutôt les causes sous-jacentes de cette multiplicité qui méritent d’être soulignées et remises en question.
Ironiquement, en ce moment, l’administration de l’AED fait face à un problème assez unique en son genre, quitte à devenir un potentiel enjeu électoral : L’AED a trop d’argent ! Mais que faire avec tout ! cet ! argent?!
Pas de communauté sans comité
À son plus simple, les comités servent à créer des liens, une communauté, le tout basé sur un intérêt partagé. Par contre, dans une faculté particulièrement transactionnelle, où nous sommes de parfaits produits prêts à être consommés, cette envie se solde très souvent par la création d’évènements qui servent des aspirations professionnelles. On se passera de mentionner la multitude de « midis-conférences » lors de la saison de la course au stage, qui servent de campagnes de recrutement à peine voilées.
Mais où est la place aux évènements de nature plus ludique? Ceux qui nous permettent de décompresser, de rencontrer de nouveaux visages au sein de la faculté, d’échanger sur de larges sujets diversifiés, sans un cadre contraignant? Je tiens à souligner que des efforts variés allant dans cette direction ont été faits cette année : soirées de jeu de sociétés, de micro-ouverts, de quiz Kahoot ou d’organisation d’activités sportives. Elles sont encore en minorité, ces activités, mais ce sont toutes des initiatives qui concrétisent un changement de culture.
Que le.a meilleur.e gagne
De surcroît, il est pertinent de mentionner que la participation dans un comité nécessite un certain fractionnement de son identité. Oui, il est possible de s’impliquer dans deux comités. Mais disons que je suis féministe environnementalement-consciencieuse, avec des intérêts pour le droit international, les enjeux d’immigration et de réfugiés, d’accès à la justice, mais aussi le théâtre, le vélo et la cuisine, comment y trouver mon comble? Comment assurer un apport complet à mes divers intérêts?
Bien sûr, les collaborations entre comités existent. Autre que les enjeux organisationnels que celles-ci représentent, cette solution est peu satisfaisante. Il faudrait plutôt que les personnes de la communauté étudiante de la faculté puissent créer des évènements en solo, ou en groupe qui n’est pas nécessairement affilié à un comité particulier. En effet, en ce moment, si on n’est pas impliqué dans un comité, on ne sent pas qu’on a la légitimité auprès du bailleur de fonds pour monter un évènement. Puis, sans les fonds et sans la portée d’un comité, comment stimuler la mise en place de projets indépendants? Il est aussi à noter que les comités nécessitent un engagement en temps et d’énergie qu’on ne peut pas toustes se permettre… et ce, au grand dam des autres membres du comité.
Réservons donc les places dans les comités aux gens supramotivés (ou supramotivés à rajouter une ligne de VP X-Y-Z à leur CV), et permettons aux personnes qui veulent ponctuellement pondre une initiative de le faire.
So-so-solidarité : pour une décentralisation de l’AED
Ironiquement, en ce moment, l’administration de l’AED fait face à un problème assez unique en son genre, quitte à devenir un potentiel enjeu électoral : L’AED a trop d’argent ! Mais que faire avec tout ! cet ! argent?! Un assez bon problème à avoir, réalistement, et parfait pour instaurer des mesures innovatrices. C’est une chose que l’AED prenne des propositions de projets via un Google Form enterré dans les groupes Facebook, et c’en est une autre de donner les moyens pour qu’on puisse soi-même mettre en place lesdits projets.
Bien sûr, le nombre d’évènements facultaires nécessite une très grande gestion par l’AED, assez en tout cas pour (entre autres) motiver l’allégement du poste de VP interne en créant le poste de VP aux affaires administratives. Je crois que la diversification d’offres n’est qu’un avantage à la santé de la vie étudiante. De plus, ceci pourrait éviter la création sans fin de nouveaux comités, qui mènerait aussi à plus de travail pour l’exécutif de notre association étudiante.
Outre l’AED, les différents comités de la faculté pourraient avoir des étudiant.e.s qui participent à leur comité, sans faire partie de l’exécutif. Vice-présidence par-ci, vice-présidence par-là, pourquoi pas rajouter un VP projets? Chaque comité publie déjà minutieusement chacun des membres de son exécutif (avec une description de quelques fun facts obligatoires) pour humaniser et introduire son comité sur ses réseaux sociaux. Alors pourquoi ne pas user de leur visibilité pour faire naître des projets? Devenir des catalyseurs au sein de la faculté?
Parallèlement, je soutiendrai également la proposition de l’ancien rédacteur en chef du Pigeon, Hugo Lefebvre, dans le cinglant article « Aphorismes de la fin du monde » qu’il devrait y avoir « un système de suppression ou de mise en dormance de comités fossiles». Sans les nommer de manière exhaustive, vous avez probablement quelques exemples en tête juste en lisant cette ligne. Ou peut-être pas, puisque vous avez oublié qu’ils existent.
Beaucoup s’écrieront, « oui, mais la faculté de droit, c’est fait pour le droit! À quoi bon promouvoir et financer des soirées ludiques, de causeries philosophiques et autres pacotilles? »
Ce à quoi je vous répondrai immanquablement que, oui, nous sommes pour la plupart des juristes en devenir, mais que nous sommes par ailleurs étudiant.e.s côtoyant des personnes de tous les horizons. N’est-il pas primordial de tisser des liens qui creusent un peu plus loin que le superficiel? De trouver une communauté qui n’a pas à être filtrée et réduite à quelques infographiques Instagram? Apprenons à se connaitre, vraiment. Parlons de philosophie, d’arts, d’actualité, d’économie, de sports, d’amour, de voyages et de potins! Arrêtons de se demander nos profils LinkedIn, je vous montrerai mon Letterboxd à la place. J’ai envie de savoir, êtes-vous plus Gerwig ou Chokri? Pourquoi avez-vous tant aimé Delphine Seyrig épluchant des pommes de terres lorsqu’elle incarnait Jeanne Dielman? Quelle est votre lecture du moment? Une pièce de théâtre qui vous a marqué.e récemment? Ou me parlerez-vous plutôt de votre exposition préférée du moment au MBAM? Combien d’étoiles pour le nouveau resto en ville?
Peut-être pourrez-vous un jour me le dire en face dans un 5 à 7 que j’aurai organisé de mon propre gré. Entre-temps, faites un tour au club de lecture du Pigeon Dissident, c’est ce qui s’en rapproche le plus.