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Black Mirror : science-fiction ou vision futuriste de la fin de notre monde

Auteur·e·s

Apolline Labeta

Publié le :

19 avril 2023

La série Black Mirror est sûrement l’une des séries les plus pessimistes, mais peut-être celles dont la société avait besoin pour prendre conscience de ce qui ne va pas. Cette série amorce une vraie réflexion sur la part de la technologie qui peut influencer d’une manière ou d’une autre la société et modifier nos comportements. Elle nous met tant en garde sur les dérives potentielles de technologies qui nous sont familières, que sur l’usage que nous en faisons. Cette réalisation est bien plus efficace que tous les avertissements faits par les scientifiques auprès du public. Cela repose sur le fait que chaque épisode arrive à nous montrer un futur théorique où les conséquences de certaines technologies sont plus effectives que dans notre réalité.

Le plus effrayant est que cette série se place dans un monde avec nos codes sociaux, donc pas de voyage dans le temps ou d’extraterrestre, mais plutôt un monde où l’humain est petit à petit dépassé par la technologie. La morale, c’est que quand cette singularité arrive, l’être humain n’y survit que rarement. Cette série nous montre un avenir, malheureusement et sûrement, plus proche que ce que l’on pense.

Chaque épisode est indépendant, et vient nous faire prendre conscience qu’une technologie que nous connaissons et qui existe peut amener la fin de l’humanité. Cette série est une parfaite illustration de ce que l’on appelle en philosophie la « pente fatale », soit une forme de raisonnement philosophique qui suggère qu'une action ou une décision qui semble initialement acceptable peut entraîner des conséquences indésirables ou immorales si elle est suivie de manière cohérente ou poussée à ses limites logiques. Le concept peut prendre la forme d'une chaîne d'événements qui commence par une action innocente ou acceptable, mais qui se poursuit jusqu'à une conclusion indésirable ou immorale. Par exemple, si l'on accepte l'idée qu'il est acceptable de mentir dans certaines situations, cela peut conduire à la conclusion qu'il est acceptable de mentir dans toutes les situations, ce qui pourrait avoir des conséquences négatives pour la société dans son ensemble. Cet argument est souvent utilisé dans les débats moraux et éthiques pour souligner les conséquences potentielles d'une décision ou d'une action. Il est important de noter que l'argument de la pente fatale n'est pas une preuve en soi, mais plutôt un outil de raisonnement qui peut aider à évaluer les conséquences potentielles d'une action ou d'une décision.


Rapportée à la série, la vie de chacun·e dépend d'une technologie, cette dépendance est arrivée, car des technologies plus anodines ont été acceptées. On pourrait penser qu’aujourd’hui, nous sommes en train d’accepter ces technologies anodines qui vont nous mener à des technologies totalitaires.

Le plus effrayant est que cette série se place dans un monde avec nos codes sociaux, donc pas de voyage dans le temps ou d’extraterrestre, mais plutôt un monde où l’humain est petit à petit dépassé par la technologie. La morale, c’est que quand cette singularité arrive, l’être humain n’y survit que rarement. Cette série nous montre un avenir, malheureusement et sûrement, plus proche que ce que l’on pense.


Les technologies sont déjà là


Si chaque épisode ne donne pas de date précise, ce n'est pas pour rien. Il s’agit clairement de laisser le ou la spectateur⋅rice dans le doute, les épisodes se déroulent dans un futur indéterminé à la fois proche et lointain. Cependant, ces technologies sont parfois en développement ou existent déjà.

Prenons, par exemple, l’épisode des robots abeilles. La disparition des abeilles est un sujet d’actualité. Le géant américain Walmart a déposé une demande de brevet pour le lancement de drones abeilles dont le but serait de polliniser des récoltes, et ainsi mettre fin à l’usage intensif de pesticides. Ces robots seraient en mesure de détecter le pollen à l’aide de caméras et de le transporter pour féconder d'autres plantes. Harvard s'est aussi saisie du sujet et travaille sur la fabrication de Robobees, qui restent tout de même encore à l’état de projet.


Sur des technologies plus réelles, Black Mirror évoque le sujet des réseaux sociaux et des jeux vidéo. La série évoque l’idée d’une société asservie par une technologie totalitaire qui attribue une note en permanence sur tous les aspects de la vie des citoyen⋅ne⋅s (actes, paroles, publications sur les réseaux …). Cette satire, nous la connaissons déjà, que ce soit au travers de nos propres réseaux sociaux ou de manières plus extrêmes comme en Chine. De notre point de vue, chacun⋅e essaye de donner une certaine image de soi à travers les réseaux sociaux. On se valorise en critiquant les profils des autres et on se construit une vie parfois loin de la réalité pour faire bonne impression et être approuvé par la société. Avec le temps, nous avons tous et toutes jugé ce système acceptable. Or, cela peut conduire à des dérives comme en Chine, qui a mis en œuvre un système de crédit social basé sur la surveillance constante de toute la population. Chacun·e reçoit une note qui lui permet ou non d’accéder à des emplois, des crédits et des assurances plus ou moins avantageuses.


Terminator : on a tous et toutes vu ce film où les robots prennent le dessus sur l’espèce humaine. Black Mirror nous livre une version bien étrange de ce qui peut arriver dans l’épisode « Metalhead », en remplaçant les humanoïdes par des chiens robots intelligents, similaires à ceux de Boston Dynamics, vendus par Google au groupe japonais Softbank. Si maintenant ils ont vocation à travailler au civil et sur des chantiers, à la base, ils devaient travailler en collaboration avec la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), une agence militaire américaine.


Les robots tueurs existent bien. Il s’agit de robots autonomes animés par de l’intelligence artificielle. Leur finalité serait de remplacer l’humain sur le champ de bataille. Dans ces catégories de robots tueurs, on trouve des drones tueurs équipés de la reconnaissance faciale et de 7 kilos d’explosifs appelés Kamikazes Kargu et utilisés par l’armée de la HAF. Elon Musk a lui-même mis en garde contre l’intelligence artificielle et propose de mettre en place un système de régulation. L’utilisation d’une telle technologie est discutable, notamment sur le plan éthique. En effet, d’un point de vue du droit, il est difficile de punir un robot pour les crimes qu’il a commis, car il n’a pas de volonté ou de libre arbitre. De plus, comme le démontre la série, les piratages sont de plus en plus courants, la finalité de la technologie dépend beaucoup des mains dans lesquelles elle tombe. Elle pourrait être utilisée d’une façon bien différente que celle prévue initialement. Le but de cet épisode est de nous mettre en garde contre le danger qui nous guette, à savoir l'intelligence artificielle et les robots. L’évolution de la série est notable, car il s’agit tout autant de dénoncer la technologie que l’utilisation qu’en fait l’être humain. 


La série pose de manière récurrente la question de la fin de l'humanité. Il est intéressant de voir cette extinction au sens figuré : la fin de l’être humain tel qu’on le connaît. Ce sont là des questions qui portent sur le transhumanisme et l'anthropologie. Dans cette perspective, l’épisode « Be right back » évoque la symbiose entre la technologie et l’humain et dans quelle mesure sommes-nous toujours humain lorsqu’une partie de nos composants ne sont plus organiques mais électroniques? Dans cet épisode, un homme revient à la vie sous forme d’androïde. C’est en un sens l’avenir et la fin de l’humanité. Qu’est-ce qui fait que nous sommes humains? Notre chair, notre esprit? Si le transhumanisme prône le dépassement de la condition humaine grâce à la technologie, en devenant immortel, ne signe-t-il pas la fin de l’humanité en changeant notre spécificité mortelle?


Dans l’épisode « Playtest », c’est le cas des jeux vidéo qui est abordé. Un joueur  essaye un jeu vidéo expérimental et finit mort quelques secondes après l’avoir testé. Le joueur portait un casque de réalité virtuelle et un implant neuronal. Ce dernier a été piraté  par un pirate informatique, qui a par la suite généré des images à partir de ses peurs. Ces casques existent déjà et sont en libre commercialisation : Oculus Rift de Facebook est sorti le 28 mars 2016. Nous en revenons encore à l’idée que « l’homme est un loup pour l’homme ». Dans cet épisode, la technologie n’est que l’instrument qui a conduit à la mort, mais le véritable auteur de ce crime est bien le pirate informatique. Il s’agit ici de nous mettre en garde contre les technologies immersives et le contrôle des sens, mais aussi contre le danger que l’humain représente pour lui-même.


La singularité marquerait peut-être la fin de notre existence. C’est un concept qui est souvent utilisé pour désigner un point de rupture ou de transition majeure dans l'évolution de l'humanité. Plus spécifiquement, la singularité technologique se réfère à un moment hypothétique dans le futur où les avancées technologiques deviendraient tellement rapides et si puissantes qu'elles transformeraient radicalement la société et l'humanité elle-même.


Cette notion a été popularisée par le futurologue Ray Kurzweil, qui prédit que l'intelligence artificielle atteindra un point où elle dépassera l'intelligence humaine et où les machines pourraient s'améliorer en une boucle exponentielle, créant ainsi une explosion de progrès technologiques qui pourrait avoir des effets énormes sur la société.


Cependant, il est important de noter que la singularité technologique est un concept controversé, et certain⋅e⋅s expert⋅e⋅s en technologie et en science ne sont pas convaincu⋅e⋅s que cela se produira un jour, ou que les effets seront aussi dramatiques que certain⋅e⋅s l'imaginent.


La technologie est ce qui fait avancer l’humanité, mais aussi ce qui la rend dépendante. En ce sens, c’est une béquille sur laquelle l’humain ne devrait pas se reposer trop souvent. La fin de l’humanité arrivera surement au moment où nous cesserons de croire que le monde n’a besoin que de lui-même pour survivre. Pendant des milliers d’années, l’humain a su s’élever par sa seule intelligence. Ne serait-ce pas une hérésie que de laisser une machine décider de comment doit-on remodeler notre monde ? Laisser une machine résoudre nos problèmes, n’est-ce pas nous contraindre à ne plus jamais pouvoir évoluer par nous-mêmes ?

Sources citées :


Black Miror ou l’anthologie de la pente fatale, Scott White, janvier 2018, The conversation en ligne https://theconversation.com/black-mirror-ou-lanthologie-de-la-pente-fatale-90482


Black Miror ou le côté obscure de la technologie, Oihab Allal-Cherif, 28 mai 2019, en ligne,  https://theconversation.com/black-mirror-ou-le-cote-obscur-de-la-technologie-117466


Wyss Institute at Harvard University : RoboBees: Autonomous Flying Microrobots


Poornima Weerasekara - Agence France-Presse : Confusion entourant l’instauration du crédit social en Chine


KARGU® Combat Proven Rotary Wing Loitering Munition System, en ligne : https://www.stm.com.tr/en/kargu-autonomous-tactical-multi-rotor-attack-uav


Intelligence artificielle : Elon Musk plaide pour une vrai régulation, Les Échos, Sophie Amsili, 17 avril 2017 : Déclaration de Elon Musk en juillet 2017 devant les gouverneurs des États américains pendant le National Governors Association


Hobbes, Léviathan, 1651

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