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Anthropologie de l’Amour

Auteur·e·s

Sophie Gagnon

Publié le :

20 février 2023

Peu importe notre origine, culture, éducation ou orientation sexuelle, nous serons tou⋅te⋅s appelé⋅e⋅s à vivre l’amour romantique, si ce n’est pas déjà le cas. Et nous ne sommes certainement pas les premier⋅ère⋅s! Bien qu’elle ait évolué, cette émotion était déjà intégrale à la psyché de nos ancêtres, leur permettant de réunir leurs efforts d’accouplement avec un individu dans le but d’élever un enfant et assurer la prolifération de l’espèce (1). De toute évidence, l’amour romantique s’exprime de plusieurs autres façons aujourd’hui, mais il n’en demeure pas moins que nos actions convergent vers ces instincts primitifs que nous partageons tous et toutes : le sexe, la reproduction et la survie. Les tendances de notre société actuelle laissent  croire que la sexualité humaine et l’amour romantique ont évolué vers la culture et l’hédonisme tout en s’éloignant du contrôle biologique de la reproduction, qui en avait jusqu’alors été la principale raison (1).

Les tendances de notre société actuelle laissent à croire que la sexualité humaine et l’amour romantique ont évolué vers la culture et l’hédonisme tout en s’éloignant du contrôle biologique de la reproduction, qui en avait jusqu’alors été la principale raison.

Bien que l’on puisse croire que notre amour est unique en son genre, il a manifestement des fondements génétiques et chimiques qu’il est possible de retracer et qui nous permettent de ressentir cette émotion enivrante. La science ne peut pas tout expliquer, mais elle peut nous éclairer quant à sa nature et ses fondements.


La chimie de l’amour

Qu’est-ce que l’amour? L’anthropologue canadienne Helen Fisher, experte dans ce domaine, propose — d’un point de vue évolutif — une description en trois temps de ce qu’est l’amour  : l’attraction ou le désir sexuel pour quelqu’un; l’amour romantique ou le fameux « coup de foudre »; et l’attachement ou ce qui fonde l’union, une relation amoureuse à long terme (2). Ces stades sont tous véhiculés par les réactions chimiques dans le cerveau qui s’activent dans des zones spécifiques selon les différentes « phases » identifiées par Fisher. Dans un premier temps, ce sont la testostérone et l’œstrogène qui sont prédominants dans la production de la libido et du désir sexuel (3). Deuxièmement, la phényléthylamine (bonheur), la dopamine (enthousiasme) et la norépinéphrine (euphorie) sont proéminentes au moment du premier « coup de foudre ». Finalement, ces réactions chimiques nous permettent d’accéder au troisième stade : celui de l’amour durable. Caractérisées principalement par la production d’ocytocine et de vasopressine, ces hormones nous procurent le sentiment de confort et celui du bien-être (3). D’après Fisher, d’un point de vue strictement évolutionniste, ces mécanismes sont à la source de cet « instinct de reproduction » dont l’objectif serait de créer une relation assez forte pour élever des enfants ensemble, de façon consciente ou non (2).


Si l’amour se définit principalement par ses réactions chimiques, celles-ci induisent aussi plusieurs comportements qui se manifestent tout au long d’une relation amoureuse. D’après Fisher, la principale caractéristique de l’amour est le besoin, souvent très intense, d’être avec cette personne non seulement sexuellement, mais émotionnellement aussi (2). On veut que cette personne nous dise qu’elle nous aime, qu’elle n’a d'yeux que pour nous. Ce besoin se traduit par la motivation d’une personne de faire vie commune avec son/sa partenaire et qui, finalement, se transforme en une obsession (vous passez jour et nuit à penser à cette personne!) Ainsi, l’analyse de Fisher l’a amené à proposer une nouvelle définition de l’amour romantique non pas comme émotion, mais plutôt comme dynamique qui part de « l’esprit de la volonté » d’une personne et qui se définit par le besoin émotionnel, pouvant même dépasser celui de la gratification sexuelle (2).


De cette façon, l’amour qui s’inscrit dans les procédés biologiques et chimiques du cerveau, engendrés par ces neurotransmetteurs, nous permet de créer un attachement dont on ne peut sous-estimer la force (3). Effectivement, dans le monde, il y a des gens qui tuent et qui meurent pour l’amour, qui écrivent des poèmes et des histoires; il y a de l’amour dans les mythes et les légendes. Bref, c’est partout. D’ailleurs, il s’agit du plus fort processus cérébral capable de créer un sentiment de bonheur (ou de douleur) extrême et dont les effets sont similaires à ceux qu’induit la cocaïne (2). Fisher en est donc arrivée à la conclusion qu’il y a un lien entre l’attachement, l’amour et la dépendance affective (2). De plus, selon plusieurs psychologues, lorsque nous sommes amoureux⋅euses, nous devenons dépendant⋅e⋅s de l’être aimé, jusqu’à un certain point (4). Il s’agit d’une dépendance à la relation où la personne qui dépend de l’autre va chercher à combler un manque affectif (2). Ce besoin se manifeste de plusieurs façons : la peur de se retrouver seul⋅e, la difficulté à prendre des décisions pour soi-même, ou un besoin constant d’être en présence de l’autre (2).


Un autre trait marquant qui en découle est celui de l’idéalisation (1). Quand l’amour se manifeste au tout début, on voit souvent la vie à travers des lunettes roses. Nous devenons aveugles aux défauts de la personne et nous hyper valorisons ses qualités. De dire que « l’amour nous rend aveugles » n’est pas complètement faux! En effet, le sentiment amoureux n’est pas quelque chose qui permet de comprendre autrui, mais bien de faire vie commune. Cependant, tout n’est pas parfait. L’amour peut aussi se traduire par un manque quand cette personne n’est pas là, ce qui peut éventuellement mener au désespoir. Très vite, l’amour peut rendre la personne jalouse, en colère, triste, et constamment à la recherche d’indices d’affection de la part de l’autre. Quand la passion disparaît, il reste les conflits et les habitudes qui se sont installées. Tout ne semble plus être aussi parfait, comme ce l’était au début (1).

Il arrive parfois qu’une personne devienne tellement dépendante qu’elle se retrouve dans une « relation toxique » (2). Dans le cadre de la dépendance affective, la relation est maintenue uniquement pour répondre aux besoins immédiats du ou de la dépendant⋅e afin d’atténuer ses angoisses et ses inquiétudes. Malheureusement, ce qui s’ensuit est souvent le mensonge, la culpabilisation ou la soumission (2).


Promiscuité, polygamie et monogamie

Bernard Chapais, professeur d’anthropologie à l’Université de Montréal, soulève également l’évolution de la monogamie à travers le temps (4). Ainsi, les causes de la monogamie chez les primates soulèvent elles aussi l’importance de la biologie de l’amour romantique. Selon lui, l’avantage de faire vie commune — il y a maintenant des milliers d’années — résidait dans le fait qu’il était plus facile de s’occuper d’un enfant à deux plutôt que seul⋅e (4). En fait, c’est la monogamie qui apparut en premier et qui, par la suite, créa des conditions favorables à l’apparition du parentage (3). Notre espèce est passée de la promiscuité sexuelle (les mâles et femelles se reproduisent avec plusieurs partenaires) à la polygamie (le mâle a des relations durables avec plusieurs femelles), puis ultimement à la monogamie telle que nous la connaissons aujourd’hui (3). Cette dernière transition s’explique par ces mécanismes évolutifs qui mettent de l’avant les racines biologiques du couple (2).


De nos jours, la monogamie est le modèle le plus répandu, mais il n’en demeure pas moins que la polygamie et la promiscuité sexuelle existent encore dans plusieurs cultures à travers le monde (3). Pour ce qui en est de la monogamie, il existe plusieurs façons d’être à deux. Il y a des couples homosexuels, hétérosexuels, avec ou sans enfants (parfois adoptés ou par procréation assistée). Certains couples restent longtemps ensemble, et d’autres non (3). Il va sans dire que cette liberté de choisir avec qui l’on veut être est un privilège.


Malgré l’héritage évolutif qui l’encadre, l’amour, de nos jours, ne se définit pas seulement par la procréation et la prolifération de notre espèce. Plutôt, il y a une multitude de raisons pour lesquelles on souhaite faire de la place pour l’amour romantique dans notre vie. La science peut expliquer ses fondements, mais pas sa magie! Ainsi, je vous souhaite tout⋅e⋅s d’aimer un peu, beaucoup, passionnément, à la folie!

Sources citées :

1. FISHER, Helen. 2004. Why We Love: The Nature and Chemistry of Romantic Love.

2. FISHER, Helen et THOMSON, Anderson. Lust, Romance, Attachment: Do the Side Effects of Serotonin-Enhancing Antidepressants Jeopardize Romantic Love, Marriage & Fertility? https://helenfisher.com/lust-romance-attachment-do-the-side-effects-of-serotonin-enhancing-antidepressants-jeopardize-romantic-love-marriage-fertility/

3. Revue Quebec Science. Sommes-nous faits pour vivre en couple ? https://www.quebecscience.qc.ca/societe/sommes-nous-faits-pour-vivre-en-couple/?doing_wp_cron=1673886271.1444630622863769531250.

4. CHAPAIS, Bernard. 2015. Liens de sang. Éditions Boréal. 368 p.

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