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Amarâtre

Auteur·e·s

Jeanne Strouvens

Publié le :

31 octobre 2023

je suis Orphée et je suis Eurydice
je suis celle qui se retourne et celle qui se perd
et pour toi qui suis-je encore

Assomme-moi de tes silences débordants

de tes passions hypocrites de tes feux de Bengal

braque-toi contre l’orée de ma colère

qui s’étouffe dans tes yeux

tu t’épanouis dans l’espace entre mes mots

lacère-moi de ta voix

j’halète à ton verbe tranchant

puis tu me couves de pitié

je t’abandonne mon orgueil

ta main-bâillon sur ma bouche

je mords

et tu goûtes la rouille

et tu luis d’amertume

mais j’embrasse ce que tu es

tout ce que tu es

mon souffle est le tien

celui du vent de l’est

celui de l’ouragan ravageur

sur l’étau de tes épaules

tu portes des soirs de peine

d’un infini sans cesse grandissant

dans ta moelle le spectre de toutes les autres

dans tes larmes ma propre fin

j’expie si tu expies

je t’attends

au croisement de la détresse et du plaisir

dans l’horizon qui s’évanouit dans tes bras

dans le crissement de ton pas

déposé sur ma paume

tu te tords en triomphe

et l’exclamation de ta joie

fait taire le monde entier

tu étais la fraîcheur des nuits de pluie

l’entêtement des pieds-de-vent

des matins cassés par l’oiseau rieur

le dernier bleu avant le jour

tu étais l’écueil qui déchire la vague

la bourrasque d’un été brûlant

la dernière neige avant le printemps

mais

le ciel coule sur ton front et t’aveugles

j’ai soif de tes idées de grandeur

j’ai soif de tes idées de mort

à l’aube qu’on soit parties

toutes les deux ensemble

mais c’est toi qui fuis

et moi qui quitte

encore

           et encore

                          et encore

j’ai mal que tu t’étioles

j’ai mal de t’oublier

je fais dos à la démesure

tu es l’excès

tu es le danger

et devant moi il n’y a que perle et blanc et pur

mais si je suis à la porte

c’est toi qui aies la clé 9

je suis Orphée et je suis Eurydice

je suis celle qui se retourne et celle qui se perd

et pour toi qui suis-je encore

toi qui m’aies tant aimé

moi qui t’aie tant promis

qui habite tes silences

qui console ta fougue

tu frétilles en moi d’une douleur claustrophobe

tu vêts le doute de ma simple existence

sans toi je n’ai jamais été

j’habite un nœud

tenace au fond de ma gorge

ton nom qui n’en sortira plus

en prière silencieuse

en murmure au fond d’une pièce

est le regret confus

que tu aies été trop

et moi trop peu

mais je n’ai jamais été une seule

et là je titube

et là j’erre

je confonds amour et rancune

je confonds demain et hier

lève-toi

et fais que le jour se lève aussi

dans la cime blanche de la journée

je m’épuiserai de languir

je fatiguerai de comprendre

et ma névrose rompue

je dormirai peut-être enfin

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