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Faire mieux, et toujours plus

Auteur·e·s

Yasmine Berbiche

Publié le :

12 janvier 2021

C’était les vacances du temps des fêtes. J’en profitais pour faire le ménage des notes de cours que j’avais amassées au fil de mes études. Je suis tombée sur des notes d’un cours d’administration, un survol de la productivité du point de vue de l’« administration des affaires ». Ford, Fayol, Mintzberg et leurs compagnons. Chaîne de production, économies d’échelle, etc. Accomplir « mieux », et toujours plus. Ça m’a fait penser à mes vacances du temps des fêtes.


Pour plusieurs, l’arrivée des vacances amène une vague d’anxiété. Quelques raisons peuvent expliquer cela, notamment la pression interne et externe (se tenir occupé.e, s’en réjouir, la peur de passer à côté de quelque chose de mieux, etc.), la perte de repères, une forme de culpabilité (de ne rien faire ou autrement dit, de ne pas être productif) ou encore la peur d’être moins occupé.e et de faire davantage d’introspection.

Il y a une recherche sans fin de l’accumulation de la richesse. Cela crée une obsession pour la productivité.

On peut relier toutes ces raisons à des facteurs internes et externes. Par exemple, la culpabilité peut être reliée au perfectionnisme, une tendance qui découle souvent d’un schéma inadapté précoce d’imperfection. Cette théorie de Young & Klosko prévoit que l’enfant adopte des schémas cognitifs adaptés en réaction à son environnement et qu’il conserve ces façons d’agir et de réfléchir à l’âge adulte. Bien souvent, ces façons de faire ne sont pas adaptées à l’humain devenu adulte. Dans le cas du perfectionnisme, le fait d’avoir des attentes extrêmement élevées peut être une réaction au fait que l’enfant ne s’est pas senti inconditionnellement accepté par ses parents (1). Par ailleurs, on peut être tenté.e d’éviter de n’avoir rien à faire pour ne pas tomber dans ce genre de réflexion, qui nous amène à travailler sur nous-mêmes.


Au niveau des facteurs externes, on peut parler de notre environnement, soit la société telle qu’on la connait aujourd’hui et qui est grandement axée sur la productivité. Il y a une recherche sans fin de l’accumulation de la richesse. Cela crée une obsession pour la productivité et celle-ci se transpose dans plusieurs sphères de la vie des gens. Il existe notamment un culte du travail, qui peut mener à une obsession de l’ordre pathologique pour le travail, mieux connue sous le nom d’ergomanie (2). Pour les personnes qui en souffrent, prendre des vacances peut être extrêmement difficile, voire pas du tout envisageable.


Ainsi, certain.e.s appliquent également le concept de productivité aux vacances. La performance, hélas, devient alors un état d’esprit qu’on amène dans nos bagages. Alors que des personnes se planifient des vacances constamment remplies d’activités, prendre des vacances pour se remettre de ses vacances semble avoir du sens. Productivité et temps de qualité sont-ils des concepts mutuellement exclusifs ? Il est possible de concilier les deux. Cependant, on a à gagner à redéfinir notre relation avec les vacances.


Il est intéressant de noter que selon des études, 58% des Québécois.es ne prennent pas tous les congés auxquels ils ont droit. (3) La prise des congés peut être associée à un stress lié au retour de celui-ci, soit par une charge accrue de travail, ou encore à la peur d’avoir des couteaux dans le dos dans les milieux très compétitifs. De plus, pour les travailleurs autonomes, prendre des vacances signifie également la perte de revenus (4).


La performance des vacances, le mal des gens privilégiés ?


Et si je vous disais que prendre des vacances est un luxe pour certaines personnes ? Bien que les normes du travail et les syndicats soient là pour protéger les employé.e.s, certain.e.s ne peuvent se permettre le luxe de prendre des vacances. On parle ici surtout de ceux et celles qui cumulent les emplois pour subvenir à leurs besoins, des travailleur.euse.s autonomes et de ceux et celles qui travaillent de façon irrégulière, c’est-à-dire clandestinement. Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), ce sont 3 travailleurs sur 4 qui ne bénéficient pas d’une relation d’emploi stable, ce qui les place ainsi en situation de précarité (5). Pour ces gens qui ne prennent que rarement des congés volontairement, permettez-moi de douter qu’ils partagent la réalité de la « performance des vacances ».


Privilégié.e ou pas, il y a lieu de se questionner quant à comment on se sent à l’approche des vacances et pendant celles-ci. Qu’est-ce qui nous fait du bien ? Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse !

(1) Finn, K et Guay, M-C (2013). « Perfectionnisme et anxiété de performance chez les étudiants universitaires », Revue de psychoéducation. 42(1), p.8. https://doi.org/10.7202/1061721ar.

(2) Patrick MASBOURIAN, « Psychologie avec Nicolas Chevrier : L’ergomanie, la dépendance au travail »,   dans le segment  « Ergomanie : quand le travail devient une obsession » de l’émission radio Les éclaireurs avec Patrick Masbourian, diffusée le 23 novembre 2018, Ici Radio-Canada Première, 10 min 34 [En ligne], https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/les-eclaireurs/segments/chronique/96166/ergomanie-workaholisme-nicolas-chevrier-psychologie-travail (consulté le 7 janvier 2021).

(3) Isabelle MASSÉ,  « Les Québécois en manque de vacances », La Presse, 6 novembre 2017, [En ligne], https://plus.lapresse.ca/screens/9b52e42f-1e78-43ec-9c89-c4986fbab9ad__7C___0.html (consulté le 7 janvier 2021).

(4) Émilie CÔTÉ, « Quand les vacances sont une source de stress. La Presse, 16 juillet 2009, [En ligne],  https://www.lapresse.ca/vivre/sante/200907/16/01-884859-quand-les-vacances-sont-une-source-de-stress.php (consulté le 7 janvier 2021).

(5) Richard DUPAUL, « Le « précariat », la norme pour les travailleurs », La Presse. 7 septembre 2015, [En ligne],  https://www.lapresse.ca/affaires/economie/201509/07/01-4898314-le-precariat-la-norme-pour-les-travailleurs.php (consulté le 7 janvier 2021).

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