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À chacun son combat

Auteur·e·s

Sara Sellah

Publié le :

1 décembre 2020

Dernière semaine de cours, fin de session, vacances de Noël. Puis, comme à son habitude, le ballet effréné de la vie reprendra son cours pour une nouvelle année. C’est particulier, cette façon que nous avons de nous projeter dans le temps; vouloir qu’il passe plus vite pour ensuite essayer de le faire ralentir. Assise à mon bureau, je laissais couler mes pensées sur le papier au rythme de Heaven Up There, du groupe Palace, en attente d’inspiration. Et finalement, une idée m’a traversé l’esprit : si nous arrivons à nous projeter si bien vers l’avenir, c’est sûrement parce que nous sommes extrêmement chanceux, à plusieurs égards, dans le moment présent.


Les règles émises par le gouvernement ne sont pas toujours très claires, parfois même contradictoires, j’en conviens. Le confinement n’est pas une chose facile, surtout pour la santé mentale, et le Québec est très fortement affecté par la pandémie; je suis totalement en accord avec cela. En affirmant que nous sommes chanceux, je n’essaie pas d’atténuer les difficultés que nous traversons ou encore les problèmes de notre propre société. Je tiens seulement à souligner qu’en regardant autour de nous, indubitablement, nous arriverons à la conclusion que nous avons de la chance d’avoir un filet social, un gouvernement assez transparent sur l’évolution de la pandémie; d’avoir un état qui cherche à nous protéger en injectant de l’argent et en préparant ses plans d’interventions, ses prévisions. Je pense que la meilleure façon de le réaliser, c’est de s’intéresser aux différentes réalités de notre monde. Voici donc une courte présentation de trois pays dont la situation m’a laissée pantoise tandis que je m’informais à leur sujet.

Nous avons de la chance d’avoir un filet social, un gouvernement assez transparent sur l’évolution de la pandémie; d’avoir un état qui cherche à nous protéger en injectant de l’argent et en préparant ses plans d’intervention, ses prévisions.

YÉMEN


La guerre civile ayant débuté en 2014 fait encore rage au Yémen. La situation n’a fait que se dégrader depuis l’implication de l’Arabie Saoudite et des Émirats arabes unis dans le conflit, qui est devenu bien plus qu’une simple guerre civile. Des bombardements massifs ont détruit des villes et ont enlevé la vie de dizaines de milliers d’êtres humains, à un point tel que le Conseil de sécurité de l’ONU a caractérisé l’état du Yémen comme étant la « pire catastrophe humanitaire au monde » en 2018. Ainsi, l’une des conséquences les plus frappantes, outre l’économie inexistante et le système politique essoufflé, est certainement la famine qui frappe l’entièreté de la population. D’ailleurs, durant le mois de novembre 2020, le Secrétaire général des Nations Unies qualifiait la situation actuelle du Yémen comme étant la pire famine à laquelle le monde aura à faire face depuis des dizaines d’années. À cela s’ajoute la pandémie, qui n’aura pas manqué de frapper le pays. Dans les faits, cette crise préoccupe l’ensemble de la planète, mais elle s’avère être d’autant plus meurtrière au Yémen, puisque ses hôpitaux sont déjà en surcharge à cause de la guerre, ce qui, selon Oxfam Québec, entraîne aussi une augmentation d’autres sortes de maladies, comme le choléra.


ALGÉRIE


En Algérie, ce n’est pas la guerre, mais plutôt le contexte politique qui cause réellement problème. En effet, depuis le 22 février 2019, chaque semaine, des centaines de milliers d’Algériens sortaient manifester pacifiquement, donnant naissance au mouvement de contestation populaire appelé le « Hirak ».  Le gouvernement a fait fi de cette agitation, ignorant les demandes du peuple, mais faisant de nombreux détenus d’opinions. Avec l’arrivée de la pandémie, le tout a brusquement cessé, laissant plein loisir au pouvoir en place d’imposer des normes restrictives aux citoyens. De plus, le gouvernement, conjointement au Parlement, a décidé de faire passer par référendum une nouvelle constitution octroyant des pouvoirs plus que généreux au président, qui est, d’ailleurs, actuellement hospitalisé en Allemagne. Également, les médias algériens rapportent que sur une population de 25 millions de personnes, le nombre de cas total s’élève à environ 80 000 depuis le début de la pandémie de coronavirus. Pourtant, aucune mesure sanitaire n’a été mise en place au cours des derniers mois. Ces médias sont sous le joug du gouvernement, et ils partagent sans gêne des informations mensongères, qui sont pourtant considérées officielles. Les médecins voient la preuve de cette opacité des statistiques, eux qui sont sans équipements de protection individuelle – masques, visières, gants, etc., qui sont dépourvus de toute aide gouvernementale, en pénurie de bouteilles d’oxygène et qui dénoncent le coût excessif des tests de dépistage. Ce sont dans de telles situations que se révèle à nous le danger des états despotiques; l’inexistence de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance judiciaire et la corruption des plus hauts chefs d’États créent des régimes autoritaires inégalables, laissant la population à nu.


GUATEMALA


La guerre civile guatémaltèque a commencé en 1960 et s’est terminée en 1996, mais ses conséquences se font toujours ressentir à travers les profondes inégalités des classes et la pauvreté omniprésente dans la population. Comme il est possible de le lire dans l’article Au Guatemala, le Parlement incendié pour protester contre les coupes budgétaires du journal Le Monde, « sur près de 17 millions d’habitants du Guatemala, plus de 59 % de la population vit dans la pauvreté et la malnutrition infantile touche près de la moitié des enfants de moins de cinq ans ». Le 21 novembre, lors de manifestations contre le nouveau budget et pour la démission du président, les Guatémaltèques ont mis le feu au Parlement du Guatemala. Les contestations populaires n’étaient pas inattendues; le budget prévu est chiffré à 13 milliards de dollars, ce qui en fait « le plus important de l’histoire du pays », peut-on lire dans le même article du journal Le Monde. Une fois de plus, si le peuple contestait son président, c’était en raison d’une mauvaise gestion de la pandémie, qui mena à plus de cas et de morts qu’il n’aurait fallu. Cependant, l’incendie était un geste commis par un groupe spécifique, alors que le reste des manifestations étaient pacifiques. Il n’empêche que l’engagement des citoyens dans ce récent mouvement démontre l’épuisement d’un peuple face à son gouvernement, contre qui il mène depuis plusieurs années une lutte visant à éradiquer la corruption qui le gruge.


***


Ce sont certainement les pires moments de crise qui font ressortir les plus grands problèmes d’une société. Après m’être intéressée aux différentes façons dont la pandémie est vécue selon le contexte socio-politique de certains pays, je réitère mon point. Nous sommes extrêmement chanceux. Soyons-en conscients, et soyons sensibles au fait qu’en certains endroits, des humains vivent dans la peur de vivre, chaque jour. Dans tous les États, les changements qu’il y aura à faire suite à la pandémie ne se réaliseront pas de sitôt, c’est une évidence. Pourtant, je suis confiante quant au fait de voir des améliorations, des avancées, dans les prochaines années. Dans les pays comme le nôtre, nous avons la chance de pouvoir nous fier à notre système politique et judiciaire; pour les pays comme le Yémen, l’Algérie et le Guatemala, tant que des gens se battront pour leurs droits, leurs libertés et leurs opinions, je suis convaincue qu’il y a espoir.

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