« On abandonne le système de la courbe »
Entretien avec Jérémie Torres-Ceyte, vice-doyen de la Faculté de droit de l’Université de Montréal

La courbe, c’est terminé.

Le système de notation qui caractérise la Faculté depuis plus d’une trentaine d’années laisse sa place à une échelle de notation, qui sera appliquée dans tous les cours du baccalauréat en droit.

Ce nouveau système de notation, détaillé dans la Politique relative à la notation des étudiant·e·s, est en vigueur dès la rentrée 2025-2026 et s’applique aux nouveaux étudiants comme à ceux de 2e et de 3e année. Chaque note en pourcentage correspond directement à une note lettrée et à une « Note UdeM ».

La note de passage (D) est désormais de 50% et la note de A+ est de 92%.

La « moyenne de référence » des évaluations se situe généralement à plus ou moins 75% (B).

« On a dit plus ou moins, on n'a pas fixé de chiffres, parce qu'on imagine et on conçoit qu'en fonction des méthodes pédagogiques, en fonction des objectifs du cours, il pourrait y avoir des variations autour de cette question », explique Jérémie Torres-Ceyte, vice-doyen de la Faculté et membre du comité de la notation.

Ainsi, même si la moyenne d’une classe dans un cours est de 56%, les notes des étudiant.e.s ne seront pas « courbées ».

1. Pourquoi ce changement?

Jérémie Torres-Ceyte (JTC) : La courbe, la manière de noter à la Faculté, c'est un sujet de débat assez récurrent dans les dernières années, à la fois du côté de la communauté étudiante et aussi d'une certaine manière du côté des professeurs. Le constat était qu'il y a des questions qui se posaient autour de la manière dont on notait à la Faculté. Sur la base de ce constat, et dans une volonté d'engager le débat sur cette question, le décanat a décidé de former un comité qui allait réfléchir à la manière dont on notait à la Faculté. Le comité a commencé ses travaux en ayant pour mandat essentiellement d'établir un état des lieux sur la notation à la Faculté, et ensuite d'évaluer si cette manière de noter permettait de répondre aux objectifs de la notation à la Faculté. Et enfin, le cas échéant, le comité avait pour mandat de réfléchir à des solutions alternatives à ce qui aurait été nécessaire.

2. Est-ce que le problème allégué de tricherie à la Faculté est un des facteurs qui a influencé cette décision?

JTC : J'aurais tendance à vouloir distinguer les deux choses. Le comité a vraiment travaillé essentiellement sur la question de la notation avec plusieurs paramètres. On entendait la question des étudiants et leur insatisfaction. Cette insatisfaction se meut autour de plusieurs choses. Et la manière dont c'est perçu, c'est qu’elle était liée plutôt à la pression que créait le système. Cette pression engendre peut-être de la triche, mais ce n'était pas le mandat du comité. Le comité avait pour mandat de réfléchir vraiment à la question de la notation. Comprenez-moi bien, je recentre le débat sur ce qu'a fait le comité, mais je ne suis pas en train de dire que la Faculté est indifférente à cette question. L'intégrité de la manière dont les étudiants sont évalués, c'est une question prioritaire et fondamentale pour l'ensemble des membres de la communauté facultaire.

3. Quels seront les impacts du nouveau système de notation sur les étudiants?

JTC : Moi, je ne suis pas devin. Je ne peux pas vous faire de prédictions fiables à 100%. La seule chose que je peux vous dire, c'est l’avantage qu’il y a, selon nous, à sortir du système de la courbe. Le fait d’en sortir, ça devrait avoir pour avantage de replacer le cœur du débat sur l'évaluation, et non plus sur la courbe. L’idée qu'il y a derrière ça, c'est aussi que l’on sait que la courbe était perçue, et puis j'insiste sur le mot « perçue », comme quelque chose qui entraînait de la compétition entre les étudiants. Et puis, je ne suis pas non plus totalement naïf, mais dans la perspective de lever un peu le couvercle sur la pression qui est mise de ce côté-là, nous pensons que de sortir de la courbe, ça devrait avoir pour effet de lever cette pression.

4. N’y a-t-il pas un risque de disparité entre les notes données par les différents professeur·e·s et chargé·e·s de cours?

JTC: Le comité a fait une évaluation et a regardé les notes générales avant l'application de la courbe. Et si on fait cet exercice-là, ce qu'on voit, c'est que oui, il peut exister des disparités entre les méthodes d'enseignement. Oui, ça peut exister. Mais à la fin du parcours de l'étudiant ou de l'étudiante, ces disparités-là, elles sont gommées. Pourquoi? Parce que vous allez avoir un prof qui va noter un peu plus sévèrement une fois, un prof qui va noter un peu plus généreusement une autre fois. Dans l'ensemble, tout ça va s'équilibrer. Dans l'immense majorité des cas, ce qu'on constate, c'est qu'on se situe autour de cette moyenne-là [75%]. Ça ne veut pas dire que – et on en a conscience, encore une fois, je ne suis pas naïf – qu'il ne pourrait pas y avoir des aberrations, en quelque sorte. On gérera les aberrations quand elles se présenteront, mais on pense qu'on ne fait pas un système en se basant sur les aberrations. On fait un système en se basant sur ce qui est le mieux pour l'ensemble de la communauté.

La nouvelle politique précise que le comité de notation produira annuellement un bilan synthèse dans lequel il peut proposer des ajustements à l’échelle de notation afin de veiller à ce que les principes de la politique soient respectés.